?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?> PixAgain » John Hawkes http://pixagain.org Critiques, Tests, Avis, Dossiers, Previews... Mon, 18 Nov 2013 23:50:41 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.7.1 Critique : The Sessions (Ben Lewin) /critique-the-sessions-ben-lewin/ /critique-the-sessions-ben-lewin/#comments Tue, 05 Mar 2013 19:16:24 +0000 /?p=7878 The Sessions - Affiche

Deuxième film de Ben Lewin, après la réalisation d’un court-métrage tourné à Paris il y a plus de vingt ans et mettant en scène notamment Jeff Goldblum et Jacques Villeret, puis d’un passage à la télévision, The Sessions, s’il ne fait pas énormément parler de lui en France, a visiblement conquis à la quasi-unanimité la critique américaine. En effet, il fait partie de ces films qui font beaucoup parler d’eux : multi nominé et notamment récompensé du prix du jury à Sundance, il était forcément attendu au tournant, avec tout de même cette méfiance qui accompagne ces œuvres glorifiées de partout. Adapté de l’histoire vraie de Mark O’Brien (ou plutôt de l’un des essais de ce dernier, intitulé « On Seeing a Sex Surrogate »), The Sessions s’infiltre dans la vie de cet homme condamné à vivre le restant de ses jours allongé en permanence, car paralysé par la polio. Le film ayant un potentiel mélodramatique intense, le réalisateur prend à contrepied son sujet en donnant à son personnage un objectif précis : se dépuceler. C’est ainsi que le ton vire immédiatement vers la comédie dramatique, et si ce choix est plutôt intéressant sur le papier, le résultat final manque clairement de relief et en devient finalement plus insignifiant que touchant.
Si le film s’ouvre sur des archives vidéo montrant le vrai Mark O’Brien, ce n’est pas un hasard. On le voit sur son « lit roulant », on l’entend parler, on comprend que seul son cou peut s’articuler. En faisant cela, Ben Lewin permet de justifier le jeu de John Hawkes, certes incroyablement juste, mais qui va jusqu’à imiter sa propre voix, ce qui pourra paraître pénible à la longue. Le ton est d’ailleurs immédiatement donné par le personnage, car c’est évidemment lui qui dirige tout le récit. Au lieu d’avoir une personne s’apitoyant sur son sort, Mark est un homme qui joue énormément sur l’humour et l’autodérision, comme pour échapper à son irrévocable quotidien. Et c’est là que demeure tout le problème de The Sessions : prendre un personnage en contre-emploi est une bonne idée en soi, mais il faut que le reste du film soit dans le même registre. Ici, l’intention de Ben Lewin se sent instantanément, il veut à tout prix éviter de tomber dans le mélodrame tire-larmes. Mais cette démarche est-elle si honnête que cela ? Difficile d’y répondre, car le film est constamment le cul entre deux chaises. Touchant, il l’est forcément, une histoire comme celle-ci ne pouvant pas laisser de marbre, même en évitant à tout prix le pathos. Mais il finit irrémédiablement par tomber dedans, et ce par petites touches dispersées discrètement tout le long du récit, que ce soit par la musique ou par une mise en scène plus appuyée que la normale.
L’équilibre entre humour et émotion est rarement trouvé, faute à un choix définitif du réalisateur de savoir ce qu’il désire comme sensation finale pour le spectateur.

The Sessions 1

The Sessions est somme toute assez minimaliste dans ses effets. Le réalisateur a pris le parti de dépeindre un monde finalement assez simple, à l’image du film, se contentant d’une poignée de décors, meublés et décorés du strict minimum, afin de laisser toute la place à ses personnages. Il s’enferme ainsi dans un univers qui à l’image semble protecteur et confortable, appuyé par une lumière qui paraît très naturelle, parfois tamisée, le tout dans des saisons réconfortantes qui prennent le meilleur du printemps et de l’automne. Mais ce microcosme nuit au développement des personnages, qui restent certes peu nombreux, mais dont la plupart sont réduits à de simples bouche-trous qui font irruption lorsque le récit a besoin de reprendre de l’ampleur. Même Mark n’est en définitive pas si ample qu’il le laisse paraître : son objectif ne va que peu changer au cours du film, et lorsque son esprit va s’attarder sur de nouveaux éléments (en l’occurrence, éprouver des sentiments pour son assistante sexuelle), ce sera quelque chose de déjà attendu et deviné plus tôt. Seuls deux personnages arrivent avec peine à produire réellement de la profondeur à une histoire plutôt faible. D’une part Cheryll, l’assistante de Mark, dont l’ambition et les pensées envers Mark vont évoluer en fonction de ce dernier, demeure intéressante car c’est finalement elle l’élément déclencheur d’un tout qui va mener l’aventure à son terme. D’autre part, l’utilisation à contre-emploi du prêtre s’avère plutôt maligne ; son look plutôt rocker qu’homme d’église lui confère de manière inconsciente la légitimité de devenir le confident le plus précieux du protagoniste principal.

The Sessions 2

C’est d’ailleurs à travers ces deux personnages que le film arrive à devenir un objet curieux, et ce un peu malgré lui, car il soulève des questions taboues. En effet, Ben Lewin a lui-même déclaré ne pas avoir voulu faire réfléchir son spectateur à des thèmes sociétaux, mais avant tout à raconter une histoire, et faire le spectateur s’attacher aux personnages. Le prêtre tout d’abord, en plus d’être amusant dans son image totalement détachée et improbable du rôle, s’impose tranquillement comme un vent de nouveauté au sein d’une Institution vieillissante et conservatrice. Sa relation avec Mark l’oblige en quelque sorte par acquis de conscience à voir plus loin que les règles et à agir selon sa bonne volonté. Il en est de même pour Cheryll, l’assistante sexuelle, qui relève en délicatesse le voile très trouble qu’il peut y avoir entre son métier et la simple prostitution. En aidant Mark à son éveil sexuel, elle endosse une responsabilité énorme d’un point de vue moral qui fait de sa profession quelque chose d’unique.
The Sessions se veut sans tabou vis-à-vis de la nudité : en effet, on y voit à plusieurs reprises Helen Hunt complètement nue, et sur ce point-là le film se veut mature car abordant un corps nu sans aucune fioriture, il est presque montré comme un objet divin mais pas sexuel. Et c’est aussi la limite et la maladresse d’écriture de The Sessions : il veut prouver que montrer un corps féminin n’est pas un problème au cinéma, mais n’en fait pas de même pour celui de John Hawkes. En effet, et ce paradoxalement, sous réserve du handicap, le corps de Mark n’est jamais entièrement dévoilé. Non pas qu’on ait forcément envie qu’il le soit, mais cela démontre la non-prise de risque de cette histoire certes intime, mais finalement assez insignifiante dans sa globalité.


Mark fait paraître une petite annonce : « Homme, 38 ans, cherche femme pour relation amoureuse, et plus si affinités. En revanche paralysé… Amatrices de promenades sur la plage s’abstenir… »
L’histoire vraie et bouleversante d’un homme que la vie a privé de tout, et de sa rencontre avec une thérapeute qui va lui permettre d’aimer, « comme tout le monde ».


A trop vouloir prendre ses distances avec le mélodrame, The Sessions n’arrive pas à trouver la bonne justesse de ton pour nous toucher. Il est d’autant plus dommage que les quelques questions intéressantes que le réalisateur soulève ne soient pas l’un des objectifs principaux du film, ce qui le rend globalement insignifiant.
Titre Français : The Sessions
Titre Original : The Sessions
Réalisation : Ben Lewin
Acteurs Principaux : John Hawkes, Helen Hunt, William H. Macy
Durée du film : 1h35
Scénario : Ben Lewin
Musique : Marco Beltrami
Photographie : Geoffrey Simpson
Date de Sortie Française : 6 Mars 2013

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[CRITIQUE] Martha Marcy May Marlene /critique-martha-marcy-may-marlene/ /critique-martha-marcy-may-marlene/#comments Sat, 11 Feb 2012 23:23:27 +0000 /?p=3237 En ce début d’année, l’immense Take Shelter nous avait déjà replongé dans une ambiance paranoïaque qui ne manquait pas de nous rappeler la psychose omniprésente dans le Shining de Kubrick. Rebelote donc avec Martha Marcy May Marlene, premier long métrage du jeune et extrêmement talentueux Sean Durkin, qu’il va dorénavant falloir suivre de très près.
On le sait, l’exercice de la réalisation d’un premier film est difficile, et s’avère plus souvent être un essai pour ne pas répéter certaines erreurs à l’avenir plutôt qu’un coup de maître prématuré. Et pourtant, avec comme seule véritable expérience un court métrage estampillé Sundance, Mary Last Seen, le réalisateur livre ici un film indépendant s’échappant brillamment de l’étiquette que beaucoup de films se collent après ce festival, à savoir des oeuvres aux ressemblances parfois grossières.

Martha Marcy May Marlène dresse donc le portrait d’une jeune femme, Martha (Elizabeth Olsen) tout juste échappée d’une secte, et qui est recueillie par sa soeur et son beau-frère, avec qui elle avait coupé les ponts depuis des années. Elle va ainsi tenter de faire table rase du passé, oublier ce qu’elle a vécu en le cachant à ses proches. Mais tenter de faire comme si rien d’anormal ne s’était passé ne va pas l’aider, bien au contraire.
Dès le début du film, un premier constat dérangeant est engagé lorsque l’on découvre que Martha s’enfuit de la ferme où la secte prenait place, car personne ne l’a empêchée de partir. Cela permet ainsi de mettre en évidence l’influence et l’emprise psychologique que va faire jouer le groupe sur elle, le fait qu’ils n’agissent pas comme elle aurait pu le croire va la rendre dépendante d’eux, et on trouve ici la parfaite justification de sa paranoïa, qui s’accentuera de plus en plus par la suite. Si la vie au sein de cette organisation était pour elle un cauchemar ingénieusement maquillé en vie meilleure par tous les autres membres, sa vie de “l’après” ne va pas s’en trouver plus rassurante.
Au fil du temps, Martha va perdre le sens des réalités qui l’entourent, la notion de temps s’échappe lorsqu’elle s’endort à tout moment. Elle semble complètement déphasée, psychologiquement ruinée, mais pourtant ses troubles ne sont pas exprimés physiquement, et c’est la toute l’ingéniosité du film,  la souffrance de ce personnage à fleur de peau est plus souvent évoquée que montrée. Son seul lien de rattache, minimal, reste sa soeur, qui, avec l’aide de son mari, va essayer de comprendre, en vain, son problème et tenter de l’aider à retrouver une vie normale. Mais à cette famille, elle ne dévoilera rien de tout ce qui a pu se passer auparavant, et c’est précisément ce qui la plongera dans son renfermement. Jamais Martha ne tiendra quiconque au courant de sa vie passée, sa paranoïa la rongeant jusqu’au bout et la paralysant.

Et même pire, le pouvoir magnétique et séductif des membres de la secte vont faire d’elle une “entremetteuse” inconsciente et machinale de leur parole, qui va la suivre dans le présent, ses propos reprendront des principes parfois intolérables qui lui ont été inculqués.
Dans ce rôle, Elizabeth Olsen, la “soeur de”, s’est trouvée un passeport des plus aguichants vers le cinéma, pour son premier long métrage a elle aussi. Son passage du petit au grand écran s’avère plus que prolifique, le personnage est parfaitement maîtrisé et sa beauté innocente collent on ne peut mieux au rôle torturé de cette femme.

Pour un premier film, Martha Marcy May Marlene est un projet ambitieux, mais frappe par la maîtrise incroyable de Sean Durkin sur son sujet. Au lieu de se focaliser uniquement du pont de vue de Martha, il apporte une véritable intérêt à son récit en s’attardant aussi sur ceux de la famille, ainsi que des membres de la secte. Cette multiplicité de positions permet ainsi de mieux cerner le personnage principal, de comprendre et retranscrire le plus fidèlement possible ses souffrances et son incompréhension.
Le fond, déjà volontairement  trouble à la base, accouplé à la forme, permet à Sean Durkin d’accentuer la complexité et l’ambiguïté de son personnage. A-t-elle réellement vécu ce qu’il nous offre lors des flash-back, ou est-elle tout simplement schizophrène ? Il prend un malin plaisir à instaurer ce doute, cette question résonne d’ailleurs dans un ton crescendo, et ce jusqu’à la toute fin du film.
D’un autre côté, le montage aussi montre une fois de plus la suprématie impressionnante du jeune réalisateur à l’égard de son oeuvre. Ici, il n’y a pas de structure linéaire, il fait se croiser le passé dans des scènes évoquant la vie du groupe dans la ferme, et le présent pour mieux accentuer la perdition temporelle de la fille, afin que l’on comprenne mieux ses agissements. Les retours en arrière vont ainsi révéler peu à peu ce que Martha a vécu, sans pour autant que sa propre famille s’en rende compte, à cause de son mutisme par rapport à cette situation passée. Ce montage, et plus particulièrement les transitions, partent du point de vue de Martha, et permet de voir ces flash-back comme elle pourrait se remémorer ses souvenirs.
Sean Durkin n’hésite pas sur les partis pris de plans et de lumières, en exécutant des gros plans sur les visages, afin de capter au mieux les émotions de ses personnages, chose primordiale dans ce film. Il n’a pas non peur d’utiliser une photographie qui peut paraître vieillotte et faussement granuleuse au premier abord, mais qui se révèle finalement sublime car en adéquation avec le fond, comme ces noirs osés utilisés comme symboles psychiques de Martha. La paranoïa de cette dernière connaît une montée en puissance qui se dévoile très lentement et tout en subtilité, mais qui s’avère au final extrêmement angoissante.

Martha Marcy May Marlene est aussi un film d’atmosphères, qui sont une fois de plus extrêmement bien travaillées. Cela commence par le terrain, car l’on retrouve finalement peu de différences dans la constitution des lieux, la ferme communautaire et la maison familiale sont somme toute assez semblables car reculées de tout, mais les lieux de tournage sont bien trouvés car les décors sont accueillants, mais la façon dont ils sont filmés couplée à l’ambiance de fond, presque claustrophobe, permet de les transcender en localités inquiétantes.
Les musiques, faisant corps avec les images, renforcent ce côté hypnotique et manipulateur de la secte lorsqu’un bourdonnement de plus en plus importun imprègne les scènes de flash-back et instaurent un malaise saisissant et terrifiant.
Sean Durkin en profite ainsi pour démontrer et dénoncer habilement le pouvoir destructeur que peuvent avoir ces organisations. En filmant en décalage les gens qui y vivent, il parvient à y dégager une atmosphère extrêmement malsaine, mais démontre en même temps l’impuissance des individus face à un leader au charme intriguant. Tout est question de psychologie, il fait perdre petit à petit toute humanité aux membres du groupe, mais de manière méthodique. De ce fait, ils ne peuvent s’en rendent compte, et finissent par adhérer aveuglément aux idées et propos que cet homme leur murmure à l’oreille. Ainsi, un plan fixe sur ce leader, interprété par le brillant John Hawkes, qui dure le temps d’une chanson, se trouve être l’image parfaite de l’hypnose dont Martha est victime, tout comme elle, le spectateur se laisse prendre au jeu aussi, et cette perte d’identité, justifiée par l’amalgame de prénoms dans le titre, prend tout son sens au fur et a mesure du déroulement du récit.

Pour son premier long métrage, Sean Durkin nous assène une claque magistrale tant il maîtrise son sujet, tout comme sa caméra. Le récit lent et déstructuré prend peu à peu forme dans une angoisse permanente et de plus en plus intense pour instaurer le doute chez le spectateur. Glaçant dans sa façon d’insinuer subtilement les choses, il parvient à nous hypnotiser autant qu’à nous pétrifier, et fait ainsi de lui un réalisateur à ne plus lâcher.

 

Titre Français : Martha Marcy May Marlene
Titre Original : Martha Marcy May Marlene
Réalisation : Sean Durkin
Acteurs Principaux : Elizabeth Olsen, John Hawkes, Brady Corbet, Sarah Paulson, Julia Garner
Durée du film : 01h41
Scénario : Sean Durkin
Musique : Saunder Jurriaans, Daniel Bensi
Photographie : Jody Lee Lipes
Date de Sortie Française : 29 février 2012
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