?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?> PixAgain » Etrange Festival 2012 http://pixagain.org Critiques, Tests, Avis, Dossiers, Previews... Mon, 18 Nov 2013 23:50:41 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.7.1 [CRITIQUE] The Fourth Dimension /critique-the-fourth-dimension/ /critique-the-fourth-dimension/#comments Mon, 24 Sep 2012 02:08:12 +0000 /?p=6255 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Inédits et avant-premières »

The Fourth Dimension était loin d’être le film, ou plutôt l’ensemble de films, le plus attendu cette année à l’Etrange Festival 2012. Avant d’être ce triptique, The Fourth Dimension est avant tout l’idée d’un homme, Eddy Moretti. Ce personnage assez étrange, bien connu de la compagnie Vice, est l’homme derrière des projets tels que le documentaire Heavy Metal in Bagdad, idée folle acclamée à sa sortie. Sans hésiter il remet ça, mais cette fois-ci, il se fait un cahier des charges, dans lequel l’on trouve des points aussi absurdes qu’improbables, comme le fait d’avoir le devoir de nommer un personnage Mickey House, et l’envoi à trois réalisateurs: Jan Kwiecinski, Aleksei Fedorchenko et Harmony Korine. Entre opportunité pour de jeunes réalisateurs et véritable cadeau empoisonné, la limite se franchit d’un seul pas dans ce projet, et c’est ce qui arrive dans The Fourth Dimension. 2 ratés pour un film qui paraît excellent à leurs cotés. Un tel enjeu, aussi fou qu’il soit, implique de se lancer dans un format assez étrange, à mi-chemin entre un court métrage et une oeuvre complète, il faut donc savoir doser son histoire, afin de la rendre compréhensible dans ses trentes minutes alléchantes offertes par un réalisateur en devenir. Et le fait est qu’un seul réalisateur à compris cette notion évidente, le reste n’est que brassage dans le vide sans aucun intérêt quelconque.

© DR

Qui n’a jamais entendu parler de la quatrième dimension ? Source de fantasmes et de rêves, de doutes, où la réalité transparaît sur l’imagination. Lui donner une image relève d’une source de possibilités infinie tant l’on peut la trouver partout, une simple idée folle nous plonge immédiatement dedans, et lui trouver une explication n’est qu’abération. La quatrième dimension ne s’explique pas, c’est un fait, elle nous transporte à travers étrangetés et incertitudes. Et pourtant, Vice, magazine déjà assez barré dans son propre concept, veut lui donner forme, lui donner une image, nous la rappeler à nous autres spectateurs, lui donner vie. Quoi de plus alléchant ?
Mais autant aller jusqu’au bout de cette folie, en accordant à trois réalisateurs le choix d’interpréter plus ou moins librement leur propre vision de la chose. Mais soyons honnête, ces trois films, qui n’ont comme unique rapport que cette allusion à la quatrième dimension, sont loin d’avoir tous l’ambition folle qui leur est offerte. Pour faire simple, deux se sont limités à une seule chose: trentes minutes, laps de temps sur lequel tenter de raconter une histoire qui se voudra pseudo-complexe par rapport à son sujet et qui tentera de nous titiller un tant soit peu. Cette seule limite qu’en plus Jan Kwiecinski et Aleksei Fedorchenko se sont imposés d’eux même plonge leurs deux films dans un néant d’inintérêt assez impressionnant. Le réalisateur russe Fedorchenko avec Cronoeyes tente la carte de la poésie, racontant la vie d’un chercheur perdu dans le temps, pour se vautrer dans un final balayant d’un revers de la main le peu d’intrigue qu’il a su poser. Le polonais Kwiecinski démarre Fawns sans le moindre sens et dont les incohérences ne permettent à aucun moment une quelconque puissance scénaristique, tentant avec difficulté de nous raconter la dernière escapade d’un groupe de jeunes avant l’inondation de leurs bloc. C’est la complexité que les deux réalisateurs ont cherchés à s’imposer, et qui finalement transforme leurs deux films en simples exercices de style tout bonnement insoutenables.

© DR

Harmony Korine lui en revanche a tout à fait compris qu’il lui serait impossible de concentrer un scénario se voulant digne de la quatrième dimension dans ce format. Il ne répète pas la même erreur que ses deux compères et signe simplement un récit dénué du moindre scénario. Pour cela il centre son histoire autour d’un seul personnage : Val Kilmer, joué par Val Kilmer. Et là repose tout l’habilité du film, s’agit-il réellement de l’acteur ? Ou alors d’un personnage similaire et totalement fou ? Par cette simple chimère, il nous accroche totalement à cet instant de la vie d’un homme dont l’existence n’est qu’absurdité. Appuyant tout son court-métrage sur l’un de ses discours offert par l’association The Lotus Community Workshop, il nous entraîne à travers une tirade complexe alliant barbe à papa et ovni, mais pourtant, avec une certaine justesse dévoilant que Harmony Korine ne fait pas que jouer la carte du comique, l’engagement et la performance de Val Kilmer, semblant revivre cette année en se spécialisant dans des rôles atypiques, permettant de monter le récit à un tout autre niveau.
Il n’empêche que son placement en tête de The Fourth Dimension n’est pas sans nuire aux deux autres qui, malgré tous leurs défauts, ne sont pas non plus sans la moindre idée. Ainsi dans Cronoeye le travail du personnage n’est pas entièrement à jeter, il est simplement incomplet; et dans Fawns, malgré les incohérences, un vrai travail d’ambiance est là, certains plans nous entraînent avec ce groupe.


Trois courts métrages mystérieux illustrant La Quatrième Dimension : Lotus community workshop de Harmony Korine (Gummo), Chronoeye de Aleksey Fedorchenko (Le dernier voyage de Tania) et Fawns de Jan Kwiecinski, court métragiste polonais de renom.
Chaque réalisateur avait pour mission d’oublier ses méthodes, de brouiller la limite entre le réel et l’imaginaire et de donner un aperçu de la Quatrième Dimension. Des contraintes qui semblent parodier celles du Dogme de Lars Von Trier dans les années 90 – auquel Harmony Korine avait adhéré pour son film Julien Donkey-Boy.


Au final, The Fourth Dimension s’avère n’être rien de plus qu’une belle idée, le reste ne suit pas, à vouloir trop en faire, nos deux réalisateurs européens se perdent eux même dans l’histoire. On regrettera aussi que malgré les quelques points communs, une vraie ligne directrice, bien plus évidente qu’un sujet, n’ait pas été mis en oeuvre.
Titre Français : The Fourth Dimension
Titre Original : The Fourth Dimension
Réalisation : Harmony Korine, Jan Kwiecinski et Aleksei Fedorchenko
Acteurs Principaux : Val Kilmer, Rachel Korine, Josh Belcher
Durée du film : 1h22min
Scénario : Jan Kwiecinski, Oleg Loevsky, Aleksei Fedorchenko, Yaroslava Pulinovich
Musique : Val Kilmer, Nick Zinner
Date de Sortie Française : n/c
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[CRITIQUE] Berberian Sound Studio /critique-berberian-sound-studio/ /critique-berberian-sound-studio/#comments Sat, 22 Sep 2012 11:23:19 +0000 /?p=6278 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Compétition Nouveau Genre »

Au sein même de l’Etrange Festival, déjà assez barré dans son ensemble, on trouve un certain lot d’ovnis, souvent classés soit dans la catégorie « Nouveau Genre », soit compris dans les différentes nuits du festival, telles que la nuit Zombie (où nous n’avons pas eu la chance d’aller) avec des Zombies Ass, O Zombie et autres folies. Mais à travers ces différents ovnis, on en trouve facilement de toutes sortes, certains poétiques, certains macabres, d’autres totalement décalés. Berberian Sound Studio lui, s’avère être un ovni, parmi les ovnis.
Ce film réalisé par l’anglais Peter Strickland, a qui l’on doit Katalin Varga, notamment remarqué pour sa bande son à Berlin, nous marque de la manière la plus étrange possible, à première vue, le film s’avère assez hermétique, dur à suivre, voir même absurde par son travail constant sur la mécanique du son plutôt que de l’action. Mais au fur et à mesure que le récit avance, il se positionne de manière de plus en plus violente et étrange sur sa référence majeure qu’est celle du giallo, genre italien survivant aujourd’hui avec difficulté.
Le film tourné devient le film vécu, l’image qui nous est interdite nous envahit par son compagnon sonore, et le monteur sonore devient l’ingénieur de son propre cauchemar. Tous nos repères disparaissent pour nous faire vivre l’horreur par son support le plus pur : celui du son.

© DR

Gilderoy est un ingénieur du son un peu dupe, sans grandes ambitions et même trop simplet pour assumer l’importance de son rôle au sein du film auquel il est invité à travailler. Incarné par Toby Jones, récemment vu dans La Taupe, cet ingénieur débarquant tout juste dans le Berberian Sound Studio en Italie découvre le monde du giallo avec curiosité et incertitude à travers ce film sur lequel il travaille: The Equestrian Vortex.
Si à son introduction ce film, dont l’on ne voit que le générique, pourrait s’apparenter à une quelconque réalisation délirante de série B, il devient rapidement évident que nous avons affaire à une œuvre de volonté bien moins naïve. Et c’est avec la même curiosité dont fait preuve le personnage, que nous abordons son propre travail. Intrigué par ce film étrange où il est question de viol, de mutilation, de fer rouge introduit dans certaines parties anatomiques et autres choses dont la seule vue nous dégoûterait à jamais de l’humanité, c’est justement avec étonnement qu’il n’est jamais question pour Peter Strickland de mettre en abîme  la vision de ce film, par un face à face brutal, afin de nous choquer pour simplement nous choquer. Nous n’abordons ce film dans le film qu’avec la mécanique de fabrication du son, dans ce lieu littéralement comme psychologiquement coupé du monde où nous ne trouvons jamais notre place, par ces prises de son s’accroissant dans leur brutalité.
Entre critique morale d’un genre cinématographique en perdition via le personnage de Giancarlo Santini ne pouvant s’empêcher de préciser avec sincérité  que ces images sont la réalité de notre monde, et étude fascinante d’un héritage italien qu’est celui du son, Strickland nous prend constamment à revers en nous empêchant de nous appuyer sur le moindre élément réconfortant. Chaque personnage est détestable, ou voué à disparaitre, le personnage de Gilderoy devenant lui même acteur du studio, nous abandonnant et nous laissant comme seul témoin du Berberian Sound Studio. Mais ce n’est pas pour autant que Strickland dresse un portrait final sans aucun doute possible sur les nouvelles convictions de son personnage. Ce personnage qui a son arrivée était éperdu d’une psychologie candide, encore attaché à sa mère, vivant dans un monde où les choses ne sont que positives aurait-il pu simplement devenir adulte?

© DR

Toby Jones profite de sa liberté totale afin de signer ici sa meilleure performance actuelle, incarnant avec autant d’ambiguïté que son sujet le personnage de Gilderoy. Son travail et celui de Peter Strickland permettent de mettre en valeur l’autre atout incroyable du film, sa photographie impressionnante. Le travail de Nick Knowland, s’apparente ici à une véritable œuvre d’art. Nous renvoyant constamment à un clair-obscure digne du Caravaggio dans ses heures les plus noires vers la fin de sa vie, le travail effectué sur Berberian Sound Studio s’apparente assez vite alors à une fresque psychédélique où sa beauté nous tiendrait en haleine de bout en bout. Allant même jusqu’à devenir peinture sur certains plans fixes. Car si il y a bien une chose que tout le monde se doit d’accepter malgré toutes les méfiances possibles scénaristiques, c’est que sur le plan, évidement sonore, et visuel Berberian Sound Studio est parfait. Sa mise en scène d’une atmosphère, empruntant à Dario Argento, au jeune Polanski de Repulsion ou encore au Voyeur de Powell par cet emprunt d’un lieu et d’une ambiance similaire au labo de Mark, excelle sur tous les plans.
Où alors Berberian Sound Studio expose ses faiblesses ? Surement dans son scénario à répétition dans le premier tiers du film, où alors sa complexité, entremêlant fantaisies et réalités, osant le parie de nous perdre en transformant soudainement son personnage principal et en rendant la lecture de son récit encore plus absurde et dur à déchiffrer. Le film de Peter Strickland dérange fondamentalement et le voir plusieurs fois aidera surement à faciliter sa compréhension.


Dans des studios italiens spécialisés dans les films d’horreur, le travail d’un ingénieur du son prend un tournure de plus en plus inquiétante…


On pourra affirmer sans l’ombre d’un doute que Peter Strickland est l’un des réalisateurs britanniques contemporains à suivre de prêt de cette vague du « Nouveau Genre ». Mais avec la même franchise, on pourra aussi affirmer que son cinéma n’est pas destiné à un grand public, qu’il faut savoir être patient, et surtout accepter la sensation plutôt que la vision.
Titre Français : Berberian Sound Studio
Titre Original : Berberian Sound Studio
Réalisation : Peter Strickland
Acteurs Principaux : Toby Jones, Tonia Sotiropoulou et Susanna Cappellaro
Durée du film : 01h32min
Scénario : Peter Strickland
Photographie : Jennifer Kernke
Date de Sortie Française : n/c
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[CRITIQUE] Iron Sky /critique-iron-sky/ /critique-iron-sky/#comments Mon, 17 Sep 2012 22:48:50 +0000 /?p=6138 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Compétition Nouveau Genre »

Iron Sky, c’est un peu le film que l’on attendait tous plus ou moins comme un plaisir coupable, un film complètement barge mais décomplexé et assumant son statut absurde. A l’origine, le projet est né au cours d’une soirée entre potes paraît-il bien arrosée, pas étonnant donc que le pitch, qui consiste à envoyer des nazis dans l’espace, soit sacrément perché. De quoi faire vibrer d’impatience les fans de ce genre de comédie à part dans le paysage actuel.
Dans sa genèse, le film est une assez belle histoire, au milieu de cette jungle de majors qui ont mainmise sur les projets et idées de leurs réalisateurs. Annoncé il y a déjà plus de cinq ans, le projet avait du mal à trouver les financements nécessaires, les quelques 6 millions d’euros déjà réunis ne suffisant pas, à cause de producteurs frileux sur le sujet du film (ce qui est compréhensible, logiquement), et a donc eu l’astuce de s’adresser à ses fans afin de trouver les fonds primordiaux à son aboutissement. Via son site, l’équipe propose aux internautes de devenir eux-mêmes producteurs à petite échelle, soit par des dons directs, soit en achetant des goodies à l’effigie du film. Au total, ils ont réussis à lever aux alentours d’un million d’euros en plus, ce qui a permis à ce projet d’aboutir, même si le résultat à l’écran est moins fou qu’escompté.

© DR – Droits Réservés

Dans son introduction, deux américains explorent la Lune jusqu’à tomber sur un gigantesque bâtiment en forme de croix gammée et infesté de nazis. Effets spéciaux à foison, gags totalement improbable, et petites pics lancées aux Etats-Unis, Iron Sky se pose directement la question du terrain sur lequel il va avancer et donc s’exprimer. Science-fiction ? Action ? Comédie ? Satire ? Avec des premières scènes abordant tout cela à la fois, on est en droit de s’attendre à un gros mélange des genres, mais la sauce ne prendra pas. Le film est un pur délire, peut-être pas assez ouvert, et en même temps, paradoxalement, plutôt prétentieux. C’est pourtant vrai qu’il y a de quoi être fier : pour un budget d’à peine 7 millions d’euros, l’équipe des effets spéciaux réussi la prouesse d’offrir un spectacle visuel hallucinant arrivant aisément au niveau des productions d’un Michael Bay ou d’un Roland Emmerich, qui eux bénéficient de budgets mirobolants. Mais le film n’est pas aussi soigné sur tous les angles. D’une longueur foncièrement acceptable, il traîne tout de même en longueur. Le rythme est cassé et ne tient pas la route pendant l’heure et demie des aventures nazies.
La comédie se veut donc être le fer de lance d’Iron Sky. Ici aussi, le pari n’est pas complètement tenu. Si les gags sont sur le coup plutôt efficaces, ce statut n’est pas assumé de bout en bout, rendant alors la cohérence de l’ensemble pénible. Le second degré est roi ici, mais la dispersion des scènes comiques est beaucoup trop aléatoire et éparpillée, ce qui devient assez vite lourd, et rendant le déroulement du récit involontairement mou.
Jonglant entre surenchère des effets comiques et paradoxalement d’un récit qui se laisse aller, Iron Sky, il faut l’avouer, est tout de même très con, et est avant tout destiné aux plus fans d’entre nous. Le traitement des personnages aurait aussi pu être intéressant, surtout en vue des acteurs employés ici qui semblent être taillés pour des rôles stupides, mais s’avère au final très maladroit et ne leur apporte aucune profondeur, les apposant dans le film comme prétexte à des gags plus ou moins drôles.

© DR – Droits Réservés

Là où le film fait mouche, c’est dans ses références et clins d’œil abondants, autrement dit, des détails. Les plus grands réalisateurs sont cités, parodiés, utilisés, mais jamais moqués, comme par exemple Chaplin (où son Dictateur donne lieu au meilleur gag du film), Kubrick et même Coppola. Il en va de même pour des références historiques, placées au hasard dans le contexte, mais procurent un effet immédiat pour celui qui arrivera à les déceler.
On sent bien derrière ce film une volonté de taper dans le politiquement incorrect, mais encore une fois, l’idée est drôle sur le moment mais n’aboutit pas dans la durée. Dans sa conquête des différents tons narratifs, Timo Vuorensola s’accorde un gros penchant satirique envers tout et n’importe quoi. En mettant en place la rencontre entre des nazis et un noir américain, il va forcément y avoir des étincelles, ce qui lui permet de s’attaquer à des réalités assez faciles comme la guerre ou le racisme. Là où il devient plus efficace, c’est envers le gouvernement américain, et son peuple. Finlandais d’origine, son regard extérieur sur ce pays lui permet d’offrir une vision encore plus absurde et étriquée de la société américaine. A l’image de la présidente totalement barré, prête à faire alliance avec n’importe qui en faisant absolument tout ce qu’il y a de plus stupide pour se faire réélire, la nation en prend clairement plein la gueule. Le climax de cette moquerie taquine prendre place dans le final du film, qui s’avère être un grand moment de n’importe quoi. Le scénario joue sur les stéréotypes de chaque grand pays pour en tirer un gag lors d’une réunion des Nations Unies, qui va bien évidemment finir en pugilat monstrueux, à l’image de tout le film.

Si Iron Sky prouve que l’on peut produire des effets spéciaux assez incroyables pour un budget médiocre, il souffre d’un imposant manque de rythme, et donc de longueurs, dans un format qui n’est pourtant pas si long. De bonnes idées qui n’aboutissent pas, et un mélange des genres improbables font du film un rendez-vous raté, même s’il peut être fun par moments.
Titre Français : Iron Sky
Titre Original : Iron Sky
Réalisation : Timo Vuorensola
Acteurs Principaux : Julia Dietze, Götz Otto, Udo Kier
Durée du film : 01h33
Scénario : Michael Kalesniko, Jarmo Puskala, Johanna Sinisalo
Musique : Laibach
Photographie : Mika Orasmaa
Date de Sortie Française : Prochainement
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[CRITIQUE] Samsara /critique-samsara/ /critique-samsara/#comments Sun, 16 Sep 2012 22:48:49 +0000 /?p=6131 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Focus Ron Fricke »

Les années 1990 marquèrent l’avènement de Ron Fricke. Chef opérateur au talent fou, ayant opéré notamment sur Koyaanisqatsi, il signa avec Baraka un documentaire fabuleux aussi bien dans le traitement que dans le propos. Il y établissait avec brio les liens qui unissent les peuples, la foi qui fait vivre et vibrer notre monde. Filmant au même niveau les Hommes de tribus reculées et les populations les plus urbaines, la Terre prenait une allure éternelle et pourtant briguée et mise en danger par les agissements humains.
Presque 20 ans après Baraka, on était en droit de se demander si Ron Fricke allait proposer quelque chose de nouveau ici, une vision renouvellée de notre planète. Il nous offre ici un monument absolu, un dépassement de ce qu’il avait déjà entrepris. En 5 ans de tournage, l’équipe de Samsara a sillonné 25 pays pour tourner des images qui resteront forcément gravées dans nos esprits pour longtemps. Le film allie cette fois à l’extraordinaire beauté des images un constat absolument terrifiant sur l’état de la Terre et des agissements humains.
Ron Fricke continue avec Samsara le travail qu’il avait commencé avec Baraka, et place son film dans la continuité de ce qu’il avait instauré, avec toutefois un regard bien différent. Décrit comme un documentaire, il s’avère être à des années lumières au-dessus de tous ces reportages diffusés un peu partout : en n’usant d’aucune parole, d’aucun texte, il prolonge l’expérience d’un message qui se veut universel car accessible à tous. Rien que par la force des images et de la musique, il signe un film tout aussi puissant que le précédent, mais l’élan de foi proposé dans Baraka s’avère bien plus sombre.

© DR – Droits Réservés

S’il se veut être un film qui doit nous amener à forger une opinion personnelle sur ce qu’il nous est montré, l’on ressent tout de même derrière que la vision du monde selon Ron Fricke a bel et bien changée. En deux décennies, les comportements humains ont logiquement évolués, et pas forcément dans un sens noble. La société de consommation est ici filmée en accéléré, symbole d’une population qui ne prend plus son temps, qui se contente de s’observer.
Mais pourtant, rien ne le présente comme un film anticapitaliste ou écologiste. Le système est ainsi façonné, mais la population l’entraîne irrémédiablement vers sa chute. Cette décadence est ainsi parfaitement illustrée par la métaphore de ces moines tibétains passant toute leur journée à construire un mandala impressionnant, pour le faire s’envoler d’un revers de la main une fois terminé.
Construit comme une sorte de méditation de plus d’une heure et demie, Samsara est clairement une expérience comme on n’en voit peu au cinéma. Le film ne se contente pas d’observer des paysages, des portraits ou des regroupements de population, il sonde la vie qui anime chacun de ses éléments mis au-devant de la caméra. Et justement, cette vie, le réalisateur veut à tout prix nous montrer qu’elle manque de souffle ; fatiguée elle dirige notre espèce vers son extinction.
Montrant les vestiges d’anciennes civilisations, devenus aujourd’hui en grande partie des lieux touristiques, Fricke nous met face à l’évidence, l’humanité apparaît comme éphémère. Les humains, en particulier ceux chez qui tout doit aller vite, nous, n’ont jamais parus aussi fragiles qu’ici. L’Homme est un être absurde, et même s’il n’est rien face à l’immensité de cette nature filmée de manière transcendante, il provoque des dégâts monstrueux sur cette dernière, comme sur les pays du tiers-monde pour ne citer qu’eux. La société dite « évoluée » au sens technologique n’a jamais été aussi loin dans la bêtise, en n’essayant que de satisfaire son égo et se prouver des choses dont elle n’a pas besoin, elle précipite l’humanité vers sa disparition. Ces robots que l’on voit, aux visages troublants de ressemblance avec nous, et qui pourtant n’émettent aucun son si ce n’est des bruits de mécanique, seront peut-être les prochains qui nous survivront alors que cette société qu’il filme est, elle, de plus en plus mécanisée, réglée comme une horloge.
Fricke opère une sorte de suspension du temps qui passe lorsqu’il filme des paysages ou des Hommes en lesquels il figure avoir foi, comme pour s’attarder sur ce qui mérite d’être sauvé en ce monde, des choses à la beauté sidérante dont on ne mesure pas toujours la valeur. D’un autre côté, et c’est en cela que son propos change fondamentalement de ce qu’il nous montrait dans Baraka, il s’attarde cette fois en vitesse accélérée sur les populations grouillantes des grandes métropoles mondiales, où personne ne semble prendre le temps pour quoi que ce soit hormis sa satisfaction personnelle. Dès lors qu’il observe ces masses, une forme vertigineuse de normalisation se dégage, encore plus puissante lorsqu’elles sont accolées par le montage à des ouvriers travaillant à la chaîne dans des usines à la taille absolument disproportionnée, presque irréelle.

© DR – Droits Réservés

Samsara évoque littéralement la roue de la vie en perpétuel mouvement, les cycles devant logiquement se renouveler. Jouant aussi sur cette expression, il évoque symboliquement la vie et la mort, à travers le baptême, acte religieux par excellence censé nous ouvrir les portes d’un monde nouveau après la mort. Sans cesse il soulignera les étapes de la vie pour mieux montrer à quel point elle vaut la peine d’être vécue, alors que les Hommes aujourd’hui ne pensent plus à la pérennité de leur espèce. Encore et toujours la vie, avec les religions, qu’il aborde chacune au même niveau, sans propos plus haut qu’un autre sur telle ou telle croyance. La foi ne semble plus suffisante pour sauver l’humanité, alors que la séquence tournant autour de la Mecque montre une masse indénombrable de fidèles semblant s’accrocher plus que jamais à ces cultes.
Ron Fricke veut dévoiler à notre espèce le monde qui nous entoure, faire voir à l’Homme plus loin que le bout de son nez, lui faire prendre conscience que chacun de ses actes engrange sa propre destruction, qui semble plus imminente que lorsqu’elle était alors moins présente dans Baraka. Ces loverboys exposés dans des vitrines, ces obèses qui se goinfrent de manière pathétique, une fillette américaine entourée de sa famille et arborant une arme à feu alors qu’un africain aux conditions de vie à l’opposé de cette dernière en porte aussi une, c’est le constat alarmant d’une humanité qui ne se respecte plus, qui a scellée son destin, parfois malgré elle, que l’on observe avec un effroi d’autant plus palpable que l’on se dit que l’on vit nous même dans ce monde, que ce n’est finalement pas une fiction, mais une réalité qu’on ignore ou qu’on n’ose pas regarder en face.
Le format pellicule 70mm utilisé pour Samsara, comme pour Baraka, est le meilleur choix qui puisse être pour un film comme celui-ci. Les détails extrêmement poussés sur chaque image, les couleurs flamboyantes donnent une ampleur considérable au traitement de la photographie du film. Un film qui pousse à ce point l’attention portée à son esthétisme ne peut être qu’un gage de qualité incontestable, et preuve en est l’émotion qui se dégage rien que par la force presque hypnotisante de  ses images.  Cette esthétique à couper le souffle couplée au propos pessimiste au plus haut point, est d’autant plus efficace et s’opère comme un véritable choc, dont on ressort bien évidemment bouleversé. Chaque plan est un chef d’œuvre, chaque image apporte un nouveau souffle mystique à cette œuvre qui, à l’image de Baraka dans les années 1990, s’inscrit immédiatement comme une merveille cinématographique.

Près de 20 ans après Baraka qui s’imposait déjà comme un monument, Ron Fricke a réussi à sonder un monde qui va de plus en plus mal. Malgré cela, la Nature toute puissante subsiste, et même si le portrait de l’humanité est d’un côté extrêmement sombre, une espérance minime subsiste dans les yeux du réalisateur, qui filme certains des plus beaux plans qu’il nous ait été donné de voir depuis bien longtemps, voir même depuis toujours. Difficile de trouver les qualificatifs pour décrire ce qui s’impose comme un monument immédiat.
Samsara est le plus beau film que l’on ait vu depuis bien des années, et qui risque de le rester pour les années à venir. Mais aussi et surtout le plus terrifiant.
Titre Français : Samsara
Titre Original : Samsara
Réalisation : Ron Fricke
Acteurs Principaux : /
Durée du film : 01h39
Scénario : Ron Fricke
Musique : Michael Stearns, Lisa Gerrard, Marcello De Fransisci
Photographie : Ron Fricke
Date de Sortie Française : 27 Mars 2013
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[CRITIQUE] Insensibles /critique-insensibles/ /critique-insensibles/#comments Fri, 14 Sep 2012 22:48:45 +0000 /?p=6123 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Compétition Nouveau Genre »

Insensibles nous a été présenté ni plus ni moins comme « le film de l’année », étant un « chef d’œuvre absolu ». Sur le coup, ça calme. Et ça met aussi la pression, pour nous comme pour l’équipe du film.
Le film est le fruit d’un travail en amont de plus de 6 ans. D’abord engagé comme une production française, le manque de fonds sur le territoire obligea l’équipe à migrer en Espagne, où la majeure partie du film  a vu le jour. Le réalisateur franco-espagnol Juan Carlos Medina signe donc ici son premier film, somme toute plus espagnol qu’autre chose dans son traitement. Brutal, dérangeant, Insensibles a tout pour mettre le spectateur dans une position inconfortable. Et c’est encore plus prenant lorsque le film est maîtrisé de bout en bout.
Il y traite habilement de thèmes souvent casse-gueule, en particulier celui du secret et autres mystères enfouis que son héros va tenter d’élucider. Habile car il y appose en filigrane un pan de l’Histoire que son pays n’arrive pas à oublier, à savoir le franquisme. La Seconde Guerre Mondiale et le régime totalitaire sont mis en parallèle avec le traitement des enfants « anormaux », et tente de définir la notion de monstre ainsi que d’y apposer un visage. Concrètement, ce monstre va successivement passer d’une personne à une autre au fur et à mesure de l’avancement du film, permettant de changer à la fois le ton du récit et l’empathie du spectateur pour les personnages, malgré le malaise ambiant.

© Distrib Films

En introduisant son film en double récit, le réalisateur instaure son fil directeur qu’il gardera du début à la fin. D’un côté il entre brusquement dans la vie d’un chirurgien, David Martel, à notre époque. Un accident de voiture va changer sa vie : il perd sa femme, et apprend durant son hospitalisation qu’il est atteint d’une maladie qui peut lui être fatal. En parallèle, la seconde intrigue se tient à l’aube du XXe siècle, mettant en scène des enfants insensibles à la douleur, et qui vont être enfermés à vie, les médecins d’alors pensant qu’ils peuvent être extrêmement dangereux. Arrachés des bras de leurs parents, le ton est donné : la cruauté est bien présente, et instaure une ambiance extrêmement malsaine. Pour mieux procurer ce sentiment, Juan Carlos Medina s’attarde sur deux de ces enfants, rendant ainsi le choc du traitement encore plus puissant. Le pouvoir de destruction de ces gamins, finalement fondamentalement innocents, puis des adultes, qui eux sont conscients de leurs actes, instaure une atmosphère lugubre. Les rapports de forces sont terriblement injustes, et le réalisateur joue justement avec nos nerfs jusqu’à contrebalancer de manière plutôt attendue ces positions de domination.
Tout le long du film, ces deux récits vont s’alterner, et l’on se doute assez vite des différents liens narratifs entre eux, et qui aboutira d’ailleurs à une rencontre assez bluffante en guise de conclusion. Parfois pénible et poussive, la construction reste tout de même foncièrement efficace, les genres se brouillant facilement, nous faisant perdre nos repères et garder cette dimension précaire et pesante. En usant d’un contexte historique difficile à traiter (de surplus pour un premier film) pour mettre en place toute son histoire, qui relève presque de l’anecdotique à cette échelle, Medina ne manque pas d’ambition. Il octroie à chacun de ses personnages une quête, un objectif comme une lueur d’espoir dans l’univers sombre dans lequel ils vivent. Une mélancolie se dégage même de cet acte, car on sait ces personnes perdues, leur existence est scellée, quelle que soit la cause de leur mal.
Le travail effectué sur la photographie est tout aussi mémorable, elle épouse le récit, souvent très sombre, et dégage une mélancolie presque fantastique, laissant transparaître dans ses plans quelques brins de lumière, lueur d’espoir pour les personnages, dont c’est la seule espérance dans leurs vies de condamnés.

© Distrib Films

Insensibles se pose la question de la monstruosité, surtout au moment de l’internement des enfants : ces derniers sont-ils la véritable manifestation du Mal, par leurs caractéristiques physiques hors-normes, ou alors sont-ce les médecins, qui gardent ces enfants enfermés pour toujours dans cet hôpital-prison, dans des conditions empêchant forcément leur développement ? Tout laisse à supposer que les adultes sont ici les coupables, ne sachant que faire face à une situation comme celle-ci. En effet, le spectateur est placé du point de vue des enfants insensibles, ce qui permet de créer une empathie directe envers eux, et donc de diriger notre regard vers ceux qui vont finalement être vu comme étant « insensibles », mais cette fois non pas de manière physique, mais morale. Et pourtant, le film brille de ce côté par ce qu’il fait de ce statut attribué à chacun, les positions de chacun vont changer, voir s’inverser, les causes étant l’arrivée de nouveaux personnages dans le récit, ainsi que le contexte historique.
Juan Carlos Medina, s’il signe ici son premier film, s’inscrit tout de même directement dans la catégorie des films de genre ibériques ayant pour toile de fond  la Seconde Guerre Mondiale et l’Espagne franquiste. A la manière d’un Guillermo del Toro, il démontre ici un pays qui n’arrive toujours pas à tirer un trait sur son passé, et si le propos est parfois un peu lourd, même si toujours juste, il s’en sert brillamment pour faire avancer son récit. Encore une fois, l’influence, notamment, de del Toro se fait ressentir, notamment en comparaison avec Le Labyrinthe de Pan. Insensibles lorgne à sa manière vers le fantastique, les enfants sont ici présentés comme dans un conte noir, et la grande part de mystère qui réside dans le film contribue à l’atmosphère ambiante surnaturelle.
Du drame au film d’horreur atmosphérique, en passant par le thriller, Insensibles oscille entre les genres, parfois péniblement, mais avec tout de même un certain brio dans la continuité. Et d’ailleurs, le film ne trouvera finalement jamais sa voie. Le drame au début chez Martel, qui tendra de plus en plus vers le thriller, va petit à petit se mélanger à l’horreur de la prison où sont gardés les enfants, pour que le film finisse dans un élan surnaturel, presque fantastique. La scène finale, même si elle verse un petit peu dans le trop plein d’effets, reste scotchante et prouve que pour un premier long-métrage, le réalisateur fait preuve d’une sagesse et d’une maîtrise assez impressionnantes.

Pour son premier film, Juan Carlos Medina signe une œuvre extrêmement bien maîtrisée, malgré la lourdeur ponctuelle de l’alternance entre les deux récits et leurs connexions mutuelles. Dans la lignée de grands réalisateurs hispaniques, il multiplie les genres traités ainsi que les fausses pistes sur fond d’Espagne franquiste et entre donc dans la lignée des réalisateurs à suivre de très près dans les années à venir.
Titre Français : Insensibles
Titre Original : Insensibles
Réalisation : Juan Carlos Medina
Acteurs Principaux : Alex Brendemühl, Tomas Lemarquis, Juan Diego
Durée du film : 01h45
Scénario : Luis Berdejo, Juan Carlos Medina
Musique : Johan Söderqvist
Photographie : Alejandro Martinez
Date de Sortie Française : 10 Octobre 2012
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[CRITIQUE] Motorway /critique-motorway/ /critique-motorway/#comments Fri, 14 Sep 2012 01:29:17 +0000 /?p=6224 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Thema Motor Psycho » & « Compétition Nouveau Genre »

Motorway était l’une des plus grosses attentes de cette session de l’Etrange Festival. Produit par le grand Johnnie To, le film dont le tournage fut terminé en 2010, a ensuite été repris par Milkyway Image, sa société, afin de subvenir à l’ébauche alors insuffisante. Classé directement comme film de voitures antagoniste à tous les films bourrins de courses poursuites, le film de Soi Cheang, réalisateur dont le nom est lié aux grands du milieu, Andrew Lau (Trilogie Infernal Affairs) ou encore Ringo Lam (Full Alert), et a plusieurs réussites commerciales, se positionnait directement comme un Drive à la sauce asiatique, avec cette touche sale et violente qui lui est propre. Comment alors ne pas s’en réjouir ? Le fait est que, au-delà d’un scénario vieux comme le monde, il semblerait surtout que Soi Cheang se soit totalement perdu dans sa volonté de rendre hommage, avant de simplement se concentrer sur le fait de faire un film. Et le résultat est ce qu’il est : maigre et décevant par rapport aux attentes. Surtout lorsque l’on voit le potentiel de certaines scènes, tout du moins quand elles s’avèrent lisibles. Oscillant entre visuel mollasson et enchaînement d’événements trop attendus pour être source d’une quelconque surprise, Motorway se plante malheureusement par lui même à cause de son manque d’adresse et son aspect parfois trop confus.

© DR

Le principal problème de Motorway vient de la simplicité de son scénario, un duo, une relation père-fils symbolique, de l’élève et du maitre, qui, si elle avait été entièrement assumée, aurait pu devenir une thématique centrale et véritable fil narratif simple mais efficace du récit. Mais au lieu de cela, Soi Cheang préfère s’orienter sur autre chose, sur la simple présence comme outil du maître, joué par l’emblématique Anthony Wong. Acteur avec qui l’élève, Swan Yue, a en plus eu la chance de tourner par le passé sur la fameuse trilogie citée plus haut, ainsi que sur un autre récit mettant en oeuvre de la mécanique, Initial D. Reste que si leur efficacité, chacun de leur coté en tant que personnage n’est d’aucun intérêt majeur, porté sur une balance humour/sérieux quelconque, que le travail de chacun est beaucoup trop flou pour être réellement considéré, un ersatz de symbiose se dégage tout de même entre les deux personnages. Par ce simple concept, même simplement aperçu, pourtant pas plus original, mais faisant partie même de cet hommage, de nombreuses bonnes idées se font sentir, notamment la confusion des genres, on retrouve ce qui fait la construction de bien d’autres genres, que ce soir le polar HK des années 80 et avant, ou même de genres bien plus étrangers : le principe du duel, de la vengeance, ou encore de la tension entre deux pistoleros, l’espaces de quelques secondes, se sont de véritables intentions qui se ressentent à l’écran… Pour de nouveau laisser la tension rechuter et échapper au contrôle de Soi Cheang. Les personnages n’ont jamais finalement la présence escomptée à l’écran, il est vrai que la mécanique reste dans un sens le personnage principal de son long métrage, mais l’absence du pilote la dégage de toute âme, rendant ces voitures aussi accessoires que dans un quelconque Fast&Furious, où elle n’est finalement qu’un objet bon pour la casse.

© DR

Car c’est pourtant ainsi que Soi Cheang se positionne, en tant que véritable amoureux de ces voitures et de leurs capacités. Il tente ainsi de les montrer sous un autre jour, quitte à déstabiliser le spectateur et à lui montrer quelque chose qu’il n’attendait peut être pas. Dans les faits, c’est bien la sensation qui s’en dégage à postériori, laissant l’impression d’avoir assisté non pas à des courses poursuites bêtes et efficaces mais à de véritables combats de pugilats entre voitures, où leurs arènes se résumeraient explicitement aux ruelles de Hong Kong. Sa vision est atypique de la course de voiture normale, rien n’est violent, extravagant, tout est brutal et frontal, dans le métal, dans le choc, donnant ainsi lieu à des passages non sans intérêt et bien plus intéressants qu’une course simple.  Malheureusement c’est le cas quand le réalisateur nous permet d’y voir un peu mieux à travers de nombreux grands angles par exemple, le reste du temps, le cadrage étant soit brouillon ou alors soit trop concentré sur un autre élément présent. Le réalisateur semble oublier qu’il fait son film aussi pour nous autres spectateurs, déroulant son film et ses cascades dans son petit coin sans toujours se soucier de leur rendu à l’écran. Certains dérapages, entrechoquements de voitures sont par ce biais simplement hors cadre à différentes reprises, et bien sûr il s’autorise à quelques reprise de petits ralentis pas toujours convainquants. Alors qu’un instant plus tard, Soi Cheang est capable  de nous signer une scène dans le noir quasi total durant une petite dizaine de minutes où une véritable tension se fait alors sentir grâce à l’utilisation d’un rythme paradoxalement lent et esquissé.


Un fugitif connu pour ses qualités de pilote de voitures met au défi un flic appartenant à une unité de police secrète.


Trop concentré sur les courbes des ses voitures, et pas forcément à tort, Soi Cheang oublie malheureusement de traiter avec la même sensibilité ses personnages. On se retrouve ainsi avec un film à double teinte, dont les défauts plombent considérablement ses prouesses et idées mémorables.
Titre Français : Motorway
Titre Original : 車手
Réalisation : Soi Cheang
Acteurs Principaux : Shawn Yue, Anthony Wong Chau-Sang, Li Haitao
Durée du film : 1h30min
Scénario : Joey O’Bryan, Kam-Yuen Szeto
Musique : Alex Gopher, Xavier Jamaux
Date de Sortie Française : n/c
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[CRITIQUE] Le Banni /critique-le-banni/ /critique-le-banni/#comments Thu, 13 Sep 2012 21:50:48 +0000 /?p=6116

© DR – Droits Réservés

ÉtrangeFestival 2012 – Catégorie « Carte blanche Kenneth Anger »

Lorsque l’on s’appelle Howard Hughes et que l’on est milliardaire, on cède facilement à tous ses caprices. Sa personnalité totalement atypique attirera d’ailleurs l’œil de Martin Scorsese, qui lui consacrera un biopic avec Aviator en 2004. Déjà producteur de nombreux films dès la fin des années 1920, l’homme à l’époque le plus riche des Etats-Unis n’est passé que seulement deux fois derrière la caméra en tant que réalisateur, mais en attirant à chaque fois de grandes controverses. La première intervient avec Hell’s Angels, film qui s’inscrit dans sa logique de passionné d’aviation, et qui, s’il était impressionnant dans les moyens déboursés et ses scènes de haut voltige, faisait tâche suite au décès de plusieurs aviateurs lors du tournage.
En 1940, Hughes s’attelle à un western mettant en scène le déjà fameux Billy the Kid et ses aventures avec Pat Garrett et Doc Holiday, deux personnages typiques du genre. Mais foncièrement, l’histoire en elle-même intéresse moins le réalisateur que l’actrice qu’il allait choisir de porter à l’écran, car c’est lui qui fit découvrir Jane Russell. Sa réputation d’homme à femmes se confirmait d’autant plus ici que toute la publicité faite pour le film tournait autour de la poitrine, il est vrai proéminente, de l’actrice alors encore toute jeune. Provocation ou alors pure passion de cet homme excentrique pour les femmes (il a conquis le cœur de dizaines et dizaines de stars à la renommée aujourd’hui internationale), cela a valu au film d’être interdit de diffusion pendant 2 ans, ne pouvant être montré qu’à partir de 1943.
Et s’il est vrai que la caméra s’attarde énormément sur les atouts de l’actrice, le film est un sympathique divertissement, même sans être très intelligent.

Le Banni ayant donc été vendu comme une sorte de fantasme tabou pour l’époque, on est en droit de s’attendre à une histoire sulfureuse, portée par des personnages aux personnalités fortes, à la limite de la perversion. Mais il n’en est rien, bien au contraire. Si Billy the Kid est admis dès le début avec sa réputation déjà forgée, le personnage n’est pas inquiétant une seconde. Et finalement, on doute que ce soit là le but recherché par Hughes. Restreint dans sa galerie de personnages, il satisfait son caprice derrière la caméra, comme si tout cela n’était qu’un jeu. En sort alors un film au ton très léger, voir même enjoué, jouant au jeu du chat et de la souris entre les différents protagonistes. A partir d’une stupide histoire de vol du cheval de Doc par Billy, l’histoire se construit sur la confiance puis la méfiance dans une amitié de longue date entre le héros volé et Pat Garrett. Tout le long du film, les relations vont évoluer, s’inverser et revenir au point de départ sans aucune raison crédible, mais toujours avec ce côté malin, presque irrésistible.
Cependant, le réalisateur fantasque ne pouvait se contenter d’un trio masculin pour jouer avec, son égo et son amour pour la gente féminine lui ordonnent de tendre les bras à Jane Russell. Véritable atout s’il en est pour promouvoir le film, son traitement dans le récit du Banni est tristement pathétique, et ferait crier de rage les féministes d’aujourd’hui. Introduite  brutalement comme l’ennemie jurée du Kid pour des raisons qui semblent se tenir, un concours de circonstances va brusquement la faire changer de bord du jour au lendemain. Mais pourtant, si Hughes semble être en adoration devant la beauté de la jeune femme, il lui attribue ici un rôle dégradant. A la limite de son traitement en tant que femme objet, elle sera tout le temps reléguée au second plan, lui faire faire la vaisselle et autres tâches ménagères semble lui être plus utile que de prendre part aux aventures masculines. Pourtant, on ne peut pas en vouloir au réalisateur, sa fascination est touchante, et même si toutes les apparitions de Jane Russell s’attardent sur son décolleté plus qu’osé pour l’époque, ces erreurs filent sur le compte de la maladresse. Preuve en est de ce qu’il choisit de faire de ce personnage à la fin, redorant un tant soit peu son blason.

S’embourbant dans des longueurs inutiles, Le Banni parvient tout de même à capter notre attention grâce à ses retournements de situations qui amusent et renouvellent la répartition des rôles, même si les variations de tempérament des personnages sont parfois risibles et improbables.
Et c’est ainsi tout le long du film, l’histoire des cow-boys n’est donc pas une aventure entre gros durs du Far-West, mais tend plus vers une romance. En effet, Hughes ne lésine pas sur les sous-entendus sexuels entre ce trio d’hommes, regards en coin et autres allusions homosexuelles prêtant à rire. D’ailleurs, la Jane ne semble pas éveiller leurs instincts plus que ça, elle se contente d’apparaître et de disparaître au bon gré d’Howard Hughes. Et c’est surement pour cela que les trois cow-boys se battent plus pour savoir à qui revient un cheval que la jeune femme.
Jack Buetel, jouant Le Kid, se prête bien à ces scènes, son visage presque juvénile le disposant plus à apparaître dans des comédies que dans ce genre de films. Les visages plus marqués d’Hutson (le Doc) et Mitchell (Pat Garrett) tranchent d’autant plus avec ce dernier, et même si aucun de ces acteurs ne semble avoir sa place ici, ils contribuent tous à faire du film un joyeux bordel somme toute rafraîchissant.

Le Banni est un caprice de milliardaire excentrique, souvent maladroit et très hasardeux dans son scénario, mais reste touchant dans sa naïveté. Howard Hughes s’amuse et réalise ici ses fantasmes, et si le film traîne en longueur, ce semblant de western demeure étonnamment très divertissant.
Titre Français : Le Banni
Titre Original : The Outlaw
Réalisation : Howard Hughes
Acteurs Principaux : Jack Buetel, Jane Russell, Thomas Mitchell
Durée du film : 01h43
Scénario : Jules Furthman, Ben Hecht, Howard Hawks
Musique : Victor Young
Photographie : Gregg Toland
Date de Sortie Française : 1 Janvier 2012 (en DVD)
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[CRITIQUE] Headhunters /critique-headhunters/ /critique-headhunters/#comments Sun, 09 Sep 2012 19:08:24 +0000 /?p=6107 Etrange Festival 2012 – Catégorie « Compétition Nouveau Genre »

Trop rares sur notre territoire, les films venus du Nord semblent depuis peu s’émanciper de plus en plus vers la France. En premier lieu, on pense logiquement à l’adaptation du best-seller Millenium, car même si elle est assez décriée, la trilogie a le mérite de faire parler d’elle, et il en va de même pour Troll Hunter l’année dernière. En 2012, la Norvège nous a déjà offert le très beau Oslo, 31 Août, road-trip mélancolique d’une journée dans la vie d’un ancien toxicomane, dans l’incapacité à retrouver sa place dans la ville. Et, même si aucune date française n’est encore annoncée,  elle réitère en cette fin d’année avec Headhunters, nouvelle adaptation d’un polar tout aussi froid, écrit par Jo Nesbø, et porté à l’écran par Morten Tyldum, son troisième film.
L’écrivain se paie le luxe de son nom imposant sur l’affiche, preuve s’il en est de sa popularité, aux côtés du désormais célèbre Nikolaj Coster-Waldau, et du moins connu mais tout aussi imposant Aksel Hennie. En résulte un formidable polar, à l’humour noir, pinçant, mais pas toujours utile.

Dans une première partie, Headhunters dépeint, non sans une pointe de moquerie sur son atmosphère presque factice, le milieu de l’art. Montré comme un monde à part, le récit se place selon le point de vue de son personnage principal, Roger Brown. Comme dans un jeu, pourtant sérieux ici, le réalisateur s’amuse à dresser un portrait détaillé de son protagoniste principal et de son milieu de vie. Chasseur de têtes, il est aussi et surtout voleur de tableaux d’une valeur inestimable, ce qui explique sa fortune.
Le portrait de cet homme, matérialiste au possible, le place d’emblée comme une personne ambiguë, à la fois détestable par sa vision de la vie, mais qui pourtant force au respect par sa réussite. Son physique qu’il revendique comme peu attractif  est contrebalancé par sa richesse, qu’il n’hésite pas à utiliser sciemment pour gâter sa femme, qu’il ne semble d’ailleurs pas mériter.
Dans ce milieu urbain trop lisse, les vols de tableaux opérés par Roger s’inscrivent comme un début de basculement dans une situation embarrassante, même si l’on est alors loin de s’imaginer jusqu’où le vice sera poussé. La question de la valeur des choses et des êtres, d’ailleurs un des questionnements du récit, est habilement introduite. Cette condition de vie irréprochable, presque trop parfaite, n’est qu’un prétexte d’écriture pour montrer que ce visage si bien façonné au début va petit à petit être trituré et transformé, aussi bien au sens propre qu’au figuré.
Le premier tournant de l’histoire intervient lors de la rencontre entre Roger et Clas Greve, à la tête d’une entreprise de géolocalisation. De fil en aiguille, le rapport de force établit au début du film va s’inverser. Roger le chasseur de tête va être traqué, et Clas devient le chasseur ; c’est ainsi que l’on a droit à un formidable jeu du chat et de la souris. Le petit carcan protecteur de Roger n’a plus de signification, et le héros va prendre cher, très cher.

Et finalement, le chemin parcouru par Roger s’apparente à un parcours initiatique que lui-même n’avait pas prévu, mais dont on s’attendait à ce qu’il arrive, même si pour nous, aucune issue ne lui semble possible. Du passage de la vie proprette de la ville à la survie dans des forêts et autres lieux en contrebalancement total de son milieu d’origine, il va « apprendre la vie », et voir que tout n’est pas si facile et matérialiste, car Headhunters traite aussi de thèmes humains, non palpables comme son argent, mais tout aussi présents et importants.
Malin dans sa construction, Headhunters brouille un peu plus les pistes à chaque nouvelle avancée dans l’intrigue, laissant le spectateur dans le flou et dans l’incapacité à prévoir les événements à venir. Si l’exercice est brillant et que Tyldum prend un malin plaisir à nous emmener en terrain inconnu et à attiser notre curiosité, le film joue aussi sur de l’humour noir. Des scènes sérieuses, dramatiques, voir même sacrément gores sont parfois prises avec un humour déconcertant. Sur le coup, l’effet est évidemment très drôle, et même sadique, presque pervers,  mais il est dommage que ce ton, qui démarre franchement bien trop tard, n’ait pas été gardé tout le long du film, comme une ligne directrice. En effet, cette étrange cruauté humoristique est seulement parsemée ponctuellement alors qu’elle aurait pu garder une constance probablement plus efficace et assumée en en jouant du début à la fin.
Mais cela n’empêche finalement pas le scénario d’être étonnamment intelligent et sans failles dans sa structure, malgré les chemins empruntés, parfois tortueux. Toujours dans cette thématique du jeu, le film contient son lot de fausses pistes, de faux semblants, mais surtout de rebondissements  bluffants, rendant le trajet vers l’arrivée plus compliqué qu’initialement prévu.

Impressionnant thriller norvégien, Headhunters brille surtout par son scénario à risques mais qui s’avère finalement implacable. Tel un jeu, Morten Tyldum construit un personnage riche pour mieux le démonter par la suite, et qui, tel un parcours initiatique, va renaître, symboliquement, transformé en profondeur.
Titre Français : Headhunters
Titre Original : Hodejegerne
Réalisation : Morten Tyldum
Acteurs Principaux : Aksel Hennie, Synnøve Macody Lund, Nikolaj Coster-Waldau
Durée du film : 01h38
Scénario : Ulf Ryberg, Lars Gudmestad, d’après l’oeuvre de Jo Nesbø
Musique : Trond Bjerknes, Jeppe Kaas
Photographie : John Andreas Andersen
Date de Sortie Française : Inconnue
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[CRITIQUE] Le Voyeur /critique-le-voyeur/ /critique-le-voyeur/#comments Sat, 08 Sep 2012 14:14:28 +0000 /?p=6095 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Carte blanche Kenneth Anger »

S’il a déjà réalisé et contribué à quelques productions dans les années 1930, c’est pendant la période de sa collaboration avec un certain Emeric Pressburger que Michael Powell s’est fait connaître et a construit sa renommée aux côtés de son partenaire créatif. De leur rencontre en 1939 vont naître d’immenses chefs-d’œuvre du cinéma tels que Colonel Blimp, Le Narcisse Noir ou encore et surtout Les Chaussons Rouges. Entre performances esthétiques et visuelle phénoménales et récits inoubliables, ces films font aujourd’hui partis des plus grands jamais réalisés. Les fruits cinématographiques de leur partenariat étant estampillés « Powell & Pressburger », c’est pourtant le premier qui se chargeait quasiment seul de la réalisation, tandis que l’autre s’attelait au scénario.Dès la fin de leur collaboration, Michael Powell se retourne donc logiquement vers la réalisation, seul cette fois, mais dans la continuité de ce qu’il avait entreprit auparavant. Terminé en 1960, Le Voyeur est un film extrêmement personnel du réalisateur, mais qui va malheureusement détruire sa carrière jusqu’à sa mort en 1990. La cause ? La réception critique. Le film ayant été montré à des professionnels avant sa sortie, il se fera briser, les critiques ne s’arrêtant malheureusement qu’au penchant malsain du film sans prêter attention à la réflexion qui en découle.
Pour l’anecdote, le film ne sera presque pas projeté et tombera aussitôt dans l’oubli et le mépris total. Il faudra attendre que des cinéastes comme Martin Scorsese et Bertrand Tavernier se manifestent pour redorer le blason du film, et l’apprécier à sa juste valeur.

© DR – Droits Réservés

S’occupant des prises de vue sur les plateaux de cinéma le jour, Mark en parallèle photographie des prostituées pour le compte d’un commerçant. Mais son autre face cachée le révèle comme un tueur, filmant ses victimes dans leur dernier souffle, terrorisées. C’est à partir de ce pitch que le film se construit, le personnage de Mark en est la pièce maitresse. Le portrait du personnage que dresse Powell s’apparente à celui d’un schizophrénique, que l’on découvre avec deux visages distincts, semblant dissimuler deux personnalités opposées. D’un côté l’on voit Mark avec sa caméra à l’œil, comme un prolongement de son bras qui la tient et qui en même temps cache la moitié de son visage, ce qui le rend en quelque sorte dépossédé de compassion, voire d’âme. De l’autre, lorsque il n’a pas cet objet prémice de ses meurtres en main, le personnage s’avère n’être qu’un homme moyen. Maladroit et à la timidité presque maladive, il en devient pathétique. Sans cette caméra, Mark semble totalement désemparé face aux personnes qu’il rencontre, il donne l’impression de subir la vie, et ainsi de passer pour la victime. Cette première personnalité est souvent vue à travers même l’œil de la caméra, et non de celui de Mark, comme si elle se substituait à lui. Si on ne l’apprend pas dès le début, certains faits et gestes de Mark Lewis trahissent pourtant sa pensée profonde. S’il se sait responsable de ses actes, il ne peut logiquement pas les assumer. C’est ainsi qu’il utilise l’argument de la préparation d’un documentaire pour justifier son port continuel de la caméra où qu’il aille.

Ce voyeurisme en apparence malsain, va très vite se révéler plus que cela. Une séquence nous en apprend plus sur son père, et nous monte finalement son obsession comme prolongement du travail commencé par son père, toujours avec la caméra comme élément déclencheur. La musique, en prolongement de l’esprit et des réactions du corps de Mark, épouse ses actions et permet à nous, spectateur, d’y voir plus clair dans ses intentions. Carl Boehm s’inscrit parfaitement dans la continuité de l’écriture du personnage. Il est difficile de le comprendre et il en devient presque attachant par pitié. Son contact avec la vie est impossible par son seul corps, il lui faut la caméra, cet œil factice, afin de voir pleinement les choses et de les vivre. C’est d’ailleurs pour cela qu’il en fait son métier, travailler derrière la caméra l’aide à s’émanciper, alors que paradoxalement elle l’empêche aussi d’avouer l’inavouable, à savoir ses actes meurtriers. Il en est prisonnier. L’un des aboutissements de cette perdition en est le pied de la caméra, aussi utilisé pour tuer ses victimes grâce à son embout pointu. Œuvre évidemment érotique, aux allusions sexuelles diverses, ce pied s’avère être le simili-sexe de Mark, incapable d’obtenir une relation quelconque avec les femmes, et le remède étant donc le meurtre par cette arme.

© DR – Droits Réservés

Michael Powell ne se place pas dans une situation identique à celle de son protagoniste principal. Même si le film se déroule selon le point de vue de ce dernier, le cinéaste ne s’impose pas en voyeur, mais cherche plutôt à comprendre l’origine des troubles du personnage. Jamais il ne se placera de telle sorte à dire si les actes du personnage sont justes ou pas. Pas de jugement donc, mais des questions, auxquelles il apportera des réponses au fur et à mesure du récit. Mais Le Voyeur est aussi et surtout une véritable mise en abîme du cinéma, et donc du voyeurisme. Si Mark s’impose directement comme un personnage malsain, qui prend plaisir à voir des images morbides, Powell remet en question cette position. En effet, certes son personnage filme des choses atroces, qu’il nous est même donné de voir par moments en vue subjective, mais n’est-ce pas là ce que fait aussi le cinéaste ? En filmant l’acteur, en réalisant ce film, il nous met, nous spectateurs, implicitement dans la même position que Mark. Les images qui nous sont données à voir, le jugement que l’on tire personnellement des actes du personnage font de nous des voyeurs, c’est même avec un certain plaisir que l’on regarde ces images.

Finalement, en agissant de la sorte, le réalisateur revient à l’essence même de ce qu’est le cinéma, c’est-à-dire pouvoir regarder et observer tout en portant un jugement, des choses que l’on aimerait voir, ou que l’on ne peut pas voir dans la « vraie vie », mais qui attise notre curiosité et notre excitation, à la limite malsaine selon ce que l’on choisit de regarder. L’exemple parfait pour l’illustrer tient dans une scène où Mark s’apprête à assassiner une prostituée, mais le meurtre lui-même n’est pas montré, il est coupé juste avant au montage par un fondu au noir. Le spectateur se retrouve piégé au jeu du voyeurisme, lui qui attendait avec une excitation malsaine (ou avec appréhension), de voir le crime commis. Cette suggestion du meurtre dépasse le simple cadre du film, et trahit l’attente du spectateur face à une scène supposée dramatique. Et, dépassement ultime de cette réflexion, Michael Powell, dans une scène finale saisissante et millimétrée, s’impose lui aussi comme voyeur. En tant que cinéaste, il est le premier dans cette chaîne de la vision, lui qui crée ces images et propose aux spectateurs cet imaginaire.

D’abord portrait troublé d’un homme qui ne peut vivre qu’à travers l’objectif d’une caméra, prisonnier de l’image et de son traitement, Michael Powell livre une formidable réflexion sur la position de spectateur via une mise en abîme de la création cinématographique, et qui dans un acte ultime ouvre cette pensée au travail même du réalisateur.
Titre Français : Le Voyeur
Titre Original : Peeping Tom
Réalisation : Michael Powell
Acteurs Principaux : Karlheinz Böhm, Moira Shearer, Anna Massey
Durée du film : 01h41
Scénario : Leo Marks
Musique : Brian Easdale, Angela Morley
Photographie : Otto Heller
Date de Sortie Française : 1960 – 8 février 2011 (en DVD)
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[CRITIQUE] Freaks, La Monstrueuse Parade /critique-freaks-la-monstrueuse-parade/ /critique-freaks-la-monstrueuse-parade/#comments Fri, 07 Sep 2012 00:56:41 +0000 /?p=6212 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Carte blanche Kenneth Anger »

Qui mieux que Tod Browning peut représenter le meneur de fil de tous les films présents à l’Etrange Festival ? Connu par le grand public pour son film Dracula sorti en 1931, mettant en scène l’histoire du comte joué alors par l’emblématique Bela Lugosi, premier film à remettre au goût du jour le mythe du vampire quelques dizaines d’années après Nosferatu de F.W Murnau, et à bâtir ce qui serait bientôt une culture prodigieuse à laquelle l’on peut rattacher des noms emblématiques tels que Christopher Lee, Francis Ford Coppola ou encore Werner Herzog. Mais c’est l’année suivante, avec Freaks, La Monstrueuse Parade, que Tod Browning devient littéralement l’homme à abattre. Freaks est un échec commercial éprouvant, le film en vient à être détesté par la critique mais aussi par le public. Son film,  mettant en scène des personnes réellement dotées de malformations, trop singulier, et surtout diffusé à une époque où les gens n’étaient tout simplement pas prêts à voir dans le cinéma américain une réalité si troublante, signera l’arrêt de Tod Browning alors que l’année précédente sortait M. Le Maudit de Fritz Lang en Allemagne. Le film ira même jusqu’à être interdit de diffusion pendant plusieurs dizaines d’années sur le territoire britannique. Aujourd’hui réhabilité au rang de chef d’oeuvre, source d’inspiration visible chez de nombreux réalisateurs, Freaks, la Monstrueuse Parade garde la même puissance d’imagerie qu’autrefois, représentant le pittoresque de l’humain non pas à travers son cirque, mais à travers la seule personne considérée comme normale au sein de son oeuvre.

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Cléopâtre est une acrobate se produisant dans un cirque de « monstres », seule parmi tous, cette dernière à rapidement compris qu’elle pouvait contrôler certains de ces occupants à l’aide de sa beauté, de sa « normalité ». Alors que Tod Browning aurait pu se contenter d’un huit-clos où l’on suivrait Cléopâtre tentant de survivre, il prend ce concept banal, et le renverse pour en faire une histoire emblématique. Browning ne se contente pas de rendre le personnage de Cléopâtre odieux, nous forçant à nous attacher ainsi aux habitants plus qu’atypiques du cirque, il dresse sans irrégularité et avec passion en l’espace d’une simple heure le portrait de tous ses personnages. Le canon devient le monstre et le monstre devient le normal, Cléopâtre n’est plus que du mensonge à l’état pur, la définition même de ce qu’est le monstre, n’hésitant pas à profiter de ceux n’ayant pas les moyens de disposer du peu d’honneur qui leur est permis, tout en abordant ce sourire figé, héritage de sa beauté. Cruelle, indépendante, et surtout attirante, c’est à travers le personnage de Hans qu’elle trouvera son souffre douleur et la victime parfaite. Olga Baclanova permet de rendre son personnage encore plus détestable, son allure et sa démarche rappelant d’ailleurs plus souvent les mouvements de l’automate plutôt que ceux d’un humain.

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Pour sa Parade, Browning ne profite pas une seule seconde de la faiblesse physique de ses personnages, il en fait tout le contraire, ce n’est pas la pitié qu’il nous insuffle, mais la force. Cette famille, se révélant être bien plus qu’une idée lors du repas de noce de Cléopâtre et Hans, devient soudain plus semblable à une puissante mafia, confirmation donnée au film à travers son final implacable. Browning confère ainsi à chacun des artistes du cirque plus d’humanisme qu’il n’en est permis à quiconque, chose dont eux même font continuellement preuve, notamment le parti féminin omniprésent à travers Fieda et Venus, porté respectivement par Daisy Earles et Leila Hyams. C’est notre regard que Tod Browning cherche à changer, n’en appelant pas notre perversité afin d’attiser notre curiosité, véritable tour de force, nous nous attachons peu à peu à eux. Et pourtant, lorsque l’on sait que le film a connu l’oeuvre de la censure, que la première fin re-faisant de ces humains enfin ré-habilités à nouveau des monstres, Tod Browning montrait par ce biais que l’homme, quel qu’il soit, est toujours au final un monstre au fond de lui.


Des êtres difformes se produisent dans un célèbre cirque, afin de s’exhiber en tant que phénomènes de foire. Le liliputien Hans, fiancé à l’écuyère naine Frieda, est fasciné par la beauté de l’acrobate Cléopâtre. Apprenant que son soupirant a hérité d’une belle somme, celle-ci décide de l’épouser pour l’empoisonner ensuite avec la complicité de son amant Hercule. Mais le complot est découvert, et les amis de Hans et Frieda vont se venger…


A travers ce seul film, Tod Browning propose un message d’une force universelle, indéniable, ancré dans son époque. Soulagé de toutes contraintes de genre, il signe ainsi un film sans repère, perdu dans son temps. Reposant la totalité de son intrigue sur un un simple fait: qu’est-il arrivé à Cléopâtre ? Il élabore un récit noir nonobstant tout aprioris.
Titre Français : Freaks, La Monstrueuse Parade
Titre Original : Freaks
Réalisation : Tod Browning
Acteurs Principaux : Olga Baclanova, Harry Earles, Wallace Ford
Durée du film : 1h04
Scénario : Willias Goldbeck, Leon Gordon, Edgar Allan Woolf, d’après une histoire de Clarence Aaron Robbins
Photographie : Merritt B. Gerstad & Henry Freulich
Date de Sortie Française : 1932
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