?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?> PixAgain » Chef-d’œuvre http://pixagain.org Critiques, Tests, Avis, Dossiers, Previews... Mon, 18 Nov 2013 23:50:41 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.7.1 Critique : Gravity (Alfonso Cuaron) /critique-gravity-alfonso-cuaron/ /critique-gravity-alfonso-cuaron/#comments Sun, 17 Nov 2013 15:50:41 +0000 /?p=8751
Alexis G.
Samuel H.
Ghislain B.
5.0Note Finale
Note des lecteurs: (0 Votes)

Fiche Technique
Titre Français : Gravity
Titre Original : Gravity
Réalisateur : Alfonso Cuarón
Acteurs Principaux : Sandra Bullock, George Clooney, Ed Harris
Scénario : Jonás Cuarón & Alfonso Cuarón
Photographie : Emmanuel Lubezki
Compositeur : Steven Price
Durée : 1h30min
Sortie en Salles : 23 octobre 2013





Résumé

Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky qui effectue son dernier vol avant de prendre sa retraite. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d’autant plus qu’à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d’oxygène qu’il leur reste. Mais c’est peut-être en s’enfonçant plus loin encore dans l’immensité terrifiante de l’espace qu’ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre…

Critique

Gravity AfficheAprès Les Fils de l’homme, film aussi bien abouti techniquement qu’exemplaire dans son traitement humble du dernier espoir humain, Alfonso Cuarón prouvait qu’il était bien plus qu’un quelconque « yes-man » ayant participé à la conception du personnage d’Harry Potter sur grand écran. Il aura fallu sept longues années pour que le nouveau film du réalisateur mexicain fasse son chemin vers le grand écran. Repoussé à de maintes reprises, remanié, re-casté jusqu’à finalement aboutir à ce qui sera le premier et le dernier film d’Alfonso Cuarón sur le terrain du vide galactique. Incroyable oeuvre technique, le film se heurte une nouvelle fois aux mêmes détracteurs que Cloud Atlas, ne voyant en Gravity qu’un unique plan-séquence et ainsi une prouesse technique effaçant toute émotion ou enjeu dramatique — élément par ailleurs faux, le film ne comportant à proprement parler aucun plan-séquence, uniquement de longs plans, devenant la norme même du récit. Néanmoins, il paraît rapidement évident au vu des désirs du film à développer non pas seulement l’histoire d’un homme, mais celle de l’humanité que Gravity est l’un des films majeurs de notre année. C’est une œuvre somme, nous touchant au plus profond de nous-même, dépassant ainsi l’univers de Ryan Stone (Sandra Bullock) et Matt Kowalski (George Clooney) pour faire du spectateur un véritable témoin les accompagnant. Alors que l’équipe s’attarde sur la réparation d’une partie de leur matériel au cours d’une sortie dans l’espace, Houston leur annonce qu’un satellite a été détruit. Dès lors, ce qui est pour nous le symbole de la vie sur terre, la gravité, condamne l’équipe à subir le raid sauvage de ces débris en orbite, forces accrues par les implacables lois physiques au fur et à mesure qu’ils se font de plus en plus nombreux. Ce sentiment d’impuissance, laissé à nos personnages, se caractérise ainsi par la réduction de l’immensité spatiale à une simple force, et ce, dès l’ouverture du film.

Gravity 1

Cette force, nous la connaissons tous, c’est celle qui fait de nous ce que nous sommes, en faisant alors d’un principe immuable et logique le vecteur même de l’action, le spectateur n’a pas d’autre choix que d’être plongé corps et âme dans cette épopée. Entre terreur et anxiété, nous sommes amené à littéralement étouffer face au torrent d’émotions qui s’abat sur nous. Jouant avec notre espoir, nos instincts primaires humains et universels, Alfonso Cuarón nous fait sentir toutes les émotions dont le docteur Ryan Stone et Matt Kowalski doivent s’émanciper pour survivre. Cette carence naturelle nous touche d’autant plus que la peur dont sont victimes nos deux protagonistes principaux est naturelle, primaire : la peur du vide et de tout ce qu’il implique. Pour cela, Alfonso Cuarón nous soustrait tour à tour chacun de nos sens, chacun de nos repères, d’abord le son, puis la vue, et enfin le temps. Mais là où Gravity propose une logique originale de chacune de ces étapes, c’est dans sa manière de les soustraire par le contraire. Le son n’est pas inexistant, au contraire, il est violent, omniprésent, la question du temps est un facteur crucial, et pourtant l’on se prend à l’oublier. Car dans la poésie de chaque instant l’on s’étonne de ne plus penser à ce sentiment de survie qui nous animait quelques minutes auparavant, mais à admirer les étoiles, l’immensité de ce que peut représenter la vie.
Alors que le générique nous décrit un court état des lieux, que les textes s’enchaînent timidement, qu’ils nous rappellent que dans l’espace, le silence est roi, vient soudainement détonner une incroyable nappe sonore, d’abord déconcertante puis rapidement oppressante. Ce désordre sonore, symbole de mort et de peur sera notre seul repère. Par le biais de cet univers sonore envahissant, Cuarón offre au silence un leitmotiv inexorablement brisé et mis à mal par le son. Ainsi, les blancs sonores, qui par un souci de réalisme auraient pu empêcher toute existence de bande-son, deviennent épars, mais surtout artifices nécessaires afin de souligner les instants cruciaux. Le silence devient instant de paix pour le spectateur, microcosme où la vie peut se reconstruire étape par étape. Ce travail du son continuel, selon les règles de la perception humaine, presque palpable par la force de ses vibrations, legs à de courts battements de cœur ou des souffles le lourd fardeau d’être témoins et preuves de la vie. Transmis pas la radio, ces sons sont néanmoins rapidement aseptisés de tout timbre humain caractéristique, nous éloignant juste assez des personnages pour nous positionner en temps que spectateur intrinsèque au récit. Ce sont ces mêmes sons qu’attendent désespérément Kowalski ou Stone, nous spectateurs, partageons alors cette même angoisse au sein de ce vide illusion d’une cécité indomptable. Cuarón a fini par nous convaincre alors : la caméra, dans ses mouvements fluides, devient la combinaison du troisième personnage que nous enfilons avec autant de plaisir que d’effroi.
Ce travail sur le néant, Alfonso Cuarón en fera son cheval de bataille tout au long du film, aussi bien formellement qu’idéologiquement. Tout en parvenant à souligner l’immensité presque démoralisatrice de cet espace vide, Cuarón l’isole pour lui donner un aspect presque matériel, signifiant soudainement une nouvelle échelle de l’espace et du temps. Ce néant est aussi la première étape de la réincarnation prônée par le réalisateur tout au long de son récit avant de se finir dans un dernier plan aussi beau que fort en symboles – le format lui même s’opposant à la totalité du film : le 70 mm contre le numérique. Du néant naît quelque chose, le plus petit des objets y prend une importance astronomique. Car ici c’est littéralement le microscopique qui est mis en confrontation directe avec le gigantisme même de l’univers, habilement souligné par une représentation abstraite des distances et de leur tendance à se métamorphoser selon le contexte où elles sont normées. Ainsi, à première vue, lorsque le film s’ouvre sur la Terre et qu’un cosmonaute entre dans le champ, notre seul point de repère sera ce petit point blanc, accompagné par la voix d’Ed Harris.

Gravity 2

La musique de Steven Price pourrait paraître de prime abord comme un bruit sonore environnant et surtout trop envahissant par rapport à l’aspect léché et sans fêlures de l’image, et pourtant, l’on pourra saluer un choix exigent de cette nappe sonore. En faisant de cette musique omniprésente une musique presque organique, une véritable tension se met en place. Entre poésie et cauchemar, de vraies subtilités parviennent à notre oreille. Opéra sans limites, aux mouvements bien distincts, et aux scènes clairement découpées, chaque instant où elle se met en place, une nouvelle étape du voyage vers la survie du Dr. Ryan est esquissée. Mais s’il est évident que la bande-son s’avère être un outil indispensable dans cet espace insonorisé, elle permet aussi paradoxalement de nous faire apprécier le silence. Lorsque la radio se coupe, précédé d’abord par l’osmose sonore de l’intégralité des radios, que tous les sons du monde se retrouvent concentrés l’espace d’un instant en un point unique, auquel ont accès Clooney, Bullock et par incidence le spectateur, ce n’est pas à la formation de la tour de Babel que nous avons le droit, mais bien à un bruit pur, violent, dont l’on veut se détacher au plus vite. Pourtant jamais il n’est question dans Gravity de dresser une véritable séparation entre l’espace diégétique et extra-diégétique sonore. Ainsi, lorsque que la musique s’élance, que Bullock tournoie dans le vide, cet outil propre d’un espace externe au film tournoie avec elle, le son se déplaçant aussi anarchiquement que lui permet ce calvaire interminable.
L’on remarque ainsi cette idée que se fait Cuarón, qu’une musique, même extra-diégétique, est l’une des strates indispensables à la conception de notre perception. Cet aspect, achevant de nous immerger dans le récit, nous rappelle aussi que nos sens n’ont plus le loisir de leurs fonctions. Nous tournoyions aussi désespérément que Ryan Stone, perdus et désemparés face à un mouvement auquel nous n’avons aucune emprise. Nous devons réapprendre avec les différents protagonistes du récit à maîtriser notre corps. La résurrection humaine est alors transposée de la fiction à la technique, celle-ci se développant ainsi à chaque instant en filigrane de la réalisation, impliquant d’une manière sensorielle le spectateur. Néanmoins, il est triste de constater que cette musique, même si elle s’avère d’une efficacité fulgurante dans le récit, ne pourra pas survivre d’elle-même. Elle ne s’apparente pas à une partition comme le sont souvent les opéras galactiques, autonomes et intemporels tels qu’a pu les composer Jerry Goldsmith, et ce, même si celle-ci dégage au cours de nombreuses scènes des fulgurances appelant une nostalgie cinématographique fascinante.
Cette nostalgie du cinéma, se sent évidemment aussi dans l’intégralité de Gravity. Il n’est pas possible de parler de Gravity sans mentionner 2001 : L’Odyssée de l’Espace, et pourtant, ce n’est pas parce qu’il est ici nécessaire de le faire, que ce commentaire doit être un constat triste découlant d’une sensation de redondance comme l’imposait le très récent Oblivion. Gravity s’élance simplement sur des réflexions similaires à l’oeuvre de Kubrick, et ce d’une manière bien différente. Aucun jugement de valeur ici, les deux œuvres restants clairement à deux antipodes. Là où 2001 s’apparente à une réflexion abstraite d’une force démesurée, Gravity se permet une certaine transparence dans ses enjeux, non sans proposer des sous-textes que jamais le réalisateur ne cherche à trop appuyer. Jouant tous deux sur des artifices bien différents, l’on pourra néanmoins espérer de la part de Gravity un même héritage, c’est après tout dans le conflit que marquent les œuvres majeures.

Gravity 3

Car formellement Gravity instaure un nouveau palier dans l’exploration imaginaire de l’espace au cinéma. Si l’idée du huis-clos est omniprésent par principe dans tout space-opéra, Gravity décide de positionner son point de vue à l’extérieur d’un quelconque cocon métallique. Et pourtant, l’impression de murs invisibles se fait d’autant plus oppressante pour le spectateur, rien n’est réellement délimité dans l’espace, aucune lumière ne permet de s’orienter, chaque étoiles semble être la copie de la précédente. Exercice continuel du plan long, et non du plan séquence, Gravity évolue donc dans une logique presque théâtrale du huis-clos, où un duo se trouverait dans une pièce aux contours infinis prêt à se perdre comme à se retrouver à chaque instant. Pourquoi ne pas laisser aller notre fantasme du plan-séquence ? Et bien parce qu’il est objectif d’admettre que le film dans sa totalité ne représente en réalité qu’une poignée de séquences, si ce n’est même un couple de séquences. À la manière d’un Welles, d’un De Palma ou Hitchcock, Alfonso Cuarón nous fait oublier toute tangibilité temporelle en la déconstruisant à chaque étape de son film. Ainsi, ce qui aurait pu apparaitre comme un véritable gadget de cinéphile, devient un outil narratif hors pair.
En l’espace d’un unique plan d’une vingtaine de minutes, le réalisateur mexicain et le coscénariste Jonas Cuarón (son fils) parviennent à développer tous les enjeux scénaristiques du film. Plus que des sueurs froides, c’est une véritable sensation de vertige sécante à la mort s’abattant sur les astronautes qui prend forme. D’une certaine manière tout Gravity s’approche du travail effectué sur l’introduction de La Soif du Mal. Il faudra attendre les dernières minutes du film pour que la caméra virtuose se décide enfin à changer de rythme et à incarner un véritable mouvement contradictoire à celle imposé durant les 90 minutes précédentes. À la manière de son travail sur l’espace sonore, Cuarón et Emmanuel Lubezki – génial compositeur de l’image à qui l’on doit notamment la photo des trois derniers films de Terrence Malick et de la quasi-totalité de la filmographie d’Alfonso Cuarón réalisent le même travail de dissection sur l’image. En aseptisant tout un mouvement de caméra, celui-ci, même expérimenté et complexe, devient alors un lien inviolable avec le spectateur, et ce qui devient la norme donnera du sens au reste.
Emmanuel Lubezki réalise un travail de lumière impressionnant en parallèle des contraintes données par la méthode de tournage. Là où il n’existe pourtant qu’une lumière frontale, celle du soleil, il découpe un véritable jeu de silhouettes, dégageant de l’obscurité avec précision chaque corps. Une poésie de l’image se met alors en place, ce spot unique, source de toutes les lumières – et de la vie, permet un jeu de lumières presque organique, où le blanc chirurgical des machines, des combinaisons, s’efface de plus en plus, éclairé par cette source de vie naturelle comme par respect et peur de s’exprimer. Ainsi cette lumière unique permet l’espace d’un plan de retravailler et de clarifier la relation noueuse entre l’image et la fiction, l’espace de quelques minutes, Ryan Stone en position foetale, reliée par un cordon duquel sort un flux de lumière presque aveuglant, devient l’humain renaissant.

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C’est dans ce style d’images que Gravity confirme son autre force, celle de s’avérer parfaitement limpide et sans concession quant à ses symboliques et ses métaphores. Sans être insistante, sans chercher à brouiller le spectateur par des métaphores alambiquées, la fiction permet ainsi une réflexion cohérente et forte ; cette image du cordon ombilical se retrouve ainsi dans toute la première moitié du film, reliant avec fragilité les deux dernières âmes voguant dans le néant. Gravity nous amène à oublier quelconque considération mystique pour se considérer sur l’humanisme de l’instant présent. La lumière comme source de vie devient le halo de l’ange gardien du Dr Ryan Stone prenant forme l’espace d’un instant avant de revenir concrètement plus tard. Ce souci du détail permet à Gravity de ne jamais accuser une quelconque baisse de rythme et de crédibilité. Loin de l’aspect visuel d’un documentaire, disons estampillé Discovery, Cuarón développe une imagerie forcément trompeuse, surréaliste, mais pourtant non sans une finesse omniprésente. A travers un simple reflet dans un casque, l’on nous renvoie respectivement un esprit terrifié à l’idée de perdre tout contact visuel, puis la beauté de l’espace. Car avant tout, il ne faut pas oublier que Gravity reste un huis clos à une échelle cosmique. Au-delà de cette poésie se trouve un cauchemar aussi noir que le néant dans lequel voguent ses victimes. Et pourtant, il n’est jamais réellement question d’une véritable peur sidérale du vide, et de ce qui peut naitre de celui-ci. Ainsi, même si la menace est clairement représentée par ce flux incessant de débris, la peur, la plus humaine, se développe autour de l’insignifiant. Quelques centimètres à cette échelle deviennent des kilomètres, car dans cet espace sans gravité, louper une accroche peut être synonyme de mort immédiate. Mais en revanche, lorsque notre destin repose directement entre nos mains, c’est à cet instant que le libre arbitre laisse à l’instinct de survie le contrôle total de nos sens.
Ainsi Gravity réussi le pari risqué de nous plonger directement à travers l’un des protagonistes, voir même à faire de nous un protagoniste concret de ce récit cauchemardesque. Alors que Ryan Stone tournoie seule dans l’espace, nous nous confondons avec elle, nous nous dirigeons dans son casque, voyons sa propre vision de ce miasme de terreur dans lequel elle se fond peu à peu. Choisir de tourner certains plans en point de vue subjectif permet d’accentuer cet effet, créant par la même occasion une sensation de perte de soi aliénante et dont il s’avérera ensuite impossible de se débarrasser. Le format cinémascope est lui aussi crucial lorsque l’on nourrit de telles ambitions d’espaces. Quoi de mieux que ce format pour ouvrir notre vision sur l’immensité de cet espace tout en le comprimant dans l’enceinte d’un casque ? Le hors-champ se voit alors proposé de la même manière une place indispensable, continuité de ce casque dont nous ne pouvons nous débarrasser et le reflet, qu’il vienne d’un miroir ou d’un autre casque, devient source d’espoir. Comment ne pas se mettre à la place des protagonistes dont l’on ne fait pas que suivre, mais bien vivre, l’expérience interminable ?
Et pourtant, il s’agissait bien du seul point effrayant de Gravity, son casting remanié à de trop nombreuses reprises. Le duo George Clooney & Sandra Bullock n’avait franchement rien de réjouissant, entre le sourire estampillé Nespresso et une actrice en chute libre, rien de bien rassurant. Et pourtant, le doute est rapidement effacé, et étonnamment c’est de Sandra Bullock que nous vient la plus belle surprise; fatiguée, creusée, voilà comment nous apparait l’actrice lors des premiers plans où celle-ci se dévoile. En jouant de finesse à travers un regard perçant, elle parvient rapidement à briser le 4ème mur pour nous inviter directement au milieu de cette expérience. Puis lorsqu’enfin elle se dévoile, celle-ci fait preuve d’une humanité touchante et incroyable, accroché à la vie par de petites choses insignifiantes. Les forces de l’univers sont alors vaincues, face à la microscopique force de l’humain.


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Critique : Cloud Atlas (Andy, Lana Wachowski et Tom Tykwer) /critique-cloud-atlas-andy-lana-wachowski-et-tom-tykwer/ /critique-cloud-atlas-andy-lana-wachowski-et-tom-tykwer/#comments Thu, 14 Mar 2013 21:52:34 +0000 /?p=8004 Cloud Atlas - AfficheA l’heure où l’on dit que les irrésistibles ne font pas long feu, que les auteurs sont voués à se marginaliser pour réussir un projet, les Wachowski continuent à se dresser tel un chef de fil unique dans ce monde qu’est celui du cinéma indépendant. Après l’échec cuisant de Speed Racer, à moitié explicable par son esthétique cloisonnée empêchant le spectateur de se douter du projet intellectuel monté sous cet aspect haut en couleurs, Cloud Atlas, ce projet fou d’envergure, naissait bien loin du temps où n’importe quel studio se serait jeté à bras le corps par la simple mention du nom Wachowski. Cette fois-ci, ils sont rejoints par Tom Tykwer, permettant une peinture complète de cet univers pluricellulaire autrement impossible.
Et pourtant, après un décalage de sortie invraisemblable en France, confirmant le manque d’assurance de la part de Warner quant à sa distribution et son succès, il est désormais temps pour le film de faire volte-face, et nous rassurer sur la qualité d’une pièce artistique hors du commun.
Depuis Griffith et ses deux biographies de l’humanité, jamais le terme de fresque humaine n’avait trouvé si belle représentation. Et pourtant, le projet était bien loin d’être le plus facile et le plus évident à réaliser. Le livre de David Mitchell avait été placé précieusement sur cette liste noire des scénaristes : l’inadaptable.
Cloud Atlas est un récit unique découlant de six autres récits. Séparément, chacune de ces parties se dirige dans différents sens, avec différents buts, tandis que dans leur globalité, c’est une véritable architecture logique et chronologique qui se forme. Si le spectateur pourra la première fois être déconcerté face au résultat filmique qui en naît, véritable tour de force technique, une fois prêt à aborder un tel récit, c’est un nouveau niveau narratif qui s’offre alors à lui. Car l’on pourra dire ce que l’on veut de Cloud Atlas, d’un côté qu’il s’agit d’un film prônant une philosophie de comptoir – tout en philosophant maladroitement sur la nature du sexe de Lana Wachowski, allez comprendre le paradoxe -, qu’il s’agit d’une œuvre incomplète, incompréhensible, mais pour ne pas tomber dans une lecture si simple, peut-être faut-il parfois prendre un peu de recul, et laisser à une telle œuvre, qui le mérite, une seconde chance.

Cloud Atlas - 1

Si chacune des histoires semblent à première vue étrangères l’une à l’autre, un fil directeur, prenant la forme d’un héritage infini, renaissant toujours à travers de nouveaux personnages souvent sous la forme de traces écrites, prend rapidement forme. Dans l’œuvre originale, chacune de ces dites histoires étaient abordées de manière indépendante, partant sur une moitié pour s’achever logiquement sur la seconde un peu plus tard. Pour chaque histoire, un personnage récurent, sorte de noyau autour duquel tournent divers électrons prenant eux même part à différents niveaux de chacune de ces histories. Le film s’efforce donc dans un premier temps de nous introduire chacun de ceux-ci, tout en liant d’abord leurs histoires par un procédé ingénieux. Ainsi se met en place le jeu des masques, sorte de bal envoutant, le film démarrant dès les premières minutes. Pour que le spectateur ne se retrouve pas désorienté, une figure se glisse sur deux histoires se chevauchant l’une après l’autre, même durant un court instant, le visage Halle Berry nous permet de distinguer les univers de 1936 et 1973, ou Tom Hanks entre 2012 et 2144. Ces simples apparitions, mêmes courtes, nous fixent peu à peu chaque univers, car même inconsciemment notre cerveau distingue chacune de ces apparitions, dépassant ainsi le simple jeu. Les Wachowski manipulent alors avec aisance le montage devenant soudain libre de tout mur imaginaire, détruisant alors toutes cohérence chronologique pour ne se consacrer qu’à celle narrative. Les limites géographiques, culturelles, ou ethniques fondent alors, ne créant plus qu’une unique entité violente. Cette idée équivoque met alors en abyme le seul sujet inhérent et universel à chaque instant du film : cette réincarnation incessante de l’esprit à travers les âges. Passé cet instant, ces histoires se mélangent rapidement pour n’en faire plus qu’une. Cette histoire unique, naissant de concepts humains, devient l’œuvre d’une vie, non pas étalonnée à une vague tranche d’années, mais à tout ce que celle-ci représente, à travers son âme. Cloud Atlas se place alors d’emblée hors de portée des considérations manichéennes cinématographiques habituelles. Le but n’est pas de peindre vainement les vices de l’humanité. Présents en arrière-plan, contrebalançant les idées des protagonistes principaux, victimes ou mettant à jours ces injustices, c’est dans le libre arbitre et l’assurance d’un secret espoir que se noue la trame narrative. Ce n’est pas à partir du bien ou du mal, ni de la valeur morale de nos actes, qu’est écrite chacune des pages de son histoire, mais par son humanité. Cloud Atlas ne cherche pas non plus à alourdir son sujet déjà explicite par une morale imposante, car face à une telle fresque, elle aurait de toute façon parue désuète et bien trop quelconque pour justifier un tel fardeau critique. Si certaines idées sont ainsi évoquées, ce ne sont à chaque fois que de multiples pans de l’humanité qui nous empoignent à tout instant de notre vie.

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La répétition de nos erreurs ou encore la quête de rédemption, sont des idées loin de nous être inconnues, pourquoi alors se poser une multitude de questions complexes sur des sujets qui finalement ne font pas que nous parler, mais nous tiraillent tout autant que chaque choix de notre vie, lorsqu’il y a quelque chose de plus grand à raconter ? C’est de là que vient toute la force de Cloud Atlas, chacune de ces six histoires prises séparément ne sont pas toutes si extraordinaires, car représentent finalement la banalité de nos vies. Dans chacune ce sont les choix entrepris par chaque personnage qui changent, et seul l’impact de ces derniers sont nuancés au fil du temps. Œuvre polyphonique, nous envoyant continuellement une légion de messages, voguant sur le rythme du sextet dont il tire le nom, voilà ce qu’est véritablement Cloud Atlas. Tel une troupe de chefs d’orchestres, Lana & Andy Wochowki, accompagnés de Tom Tykwer, dirigent cette œuvre symphonique sans fausses notes. Ainsi, c’est un tout qui en sort, nous empêchant d’accorder une valeur à chaque histoire mais plutôt à cette seule histoire sensible et honnête qui résulte de cette symbiose alors que son final s’abat sur nous. Chaque petit élément prend alors une certaine valeur, certaine thématiques ressortent plus souvent, comme l’idée de l’âme sœur, application idyllique d’un rêve commun. Mais une nouvelle fois, ces idées, tout comme dans Matrix, impliquent de s’accorder un instant de paix, et, si besoin, à élargir notre vision et accepter de croire un instant en une multitude de concepts dont la poésie atteint de véritables sommets, mais qui au jour le jour ne nous touchent pas plus que cela. Cloud Atlas représente dans un sens tout ce dont avaient pu rêver Koulechov & Eisenstein avec leurs idées de montage. Tout le film n’est qu’un enchainement de sensations formulées par la combinaison d’images distinctes. C’est cet emboitement interminable et fascinant qui crée tout l’intérêt de Cloud Atlas, imagerie naissante de ces histoires distinctes. L’histoire de Cloud Atlas, est, telle son morceau, fougueuse, incontrôlable, mais surtout au-delà des images, plutôt entre chacune, formant une image distincte et ensorcelante au sein de notre psyché et non de notre vue, si bien que même une pirouette scénaristique s’oublie dans cet océan d’émotion. Car malgré tous les défauts que certains pourront trouver au film, c’est bien à travers son montage que Cloud Atlas semble mettre d’accord chacun de ses spectateurs. C’est dans cet aspect que le film affiche le plus le génie Wachowski. Il est difficile de croire qu’un tel chef d’œuvre naisse du travail d’un homme comme Alexander Berner, dont les derniers travaux sont loin de pouvoir refléter autant d’ambition et de talent. Tout le monde n’est pas capable de mettre un personnage, au cours d’un même instant, sous deux positions de forces bien distinctes, alors comment le pourraient-il au cours de tout un film ?

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Chaque instant du film met ainsi en relation une sorte de dualité de séquences, permettant de naviguer entre la tension et les émotions de chaque histoire à partir de liens pas toujours équivoques et nécessaires dans l’image, mais plutôt dans la situation des personnages. Le sauvetage, la vérité, la découverte, l’amour, le mystère, la virtuosité d’un instant apparemment éphémère et unique sont tant de concepts reliant logiquement chaque pas de chaque histoire, empêchant alors le spectateur de se contenter des codes d’un genre, quand il possible de profiter de tous. Cloud Atlas c’est aussi cela, une parfaite compréhension de chaque genre mis en image, pour une histoire. Le drame, le mélodrame, la comédie ou même la science-fiction font alors parti de l’amorce de Cloud Atlas. Cette manière d’aborder ces genres, que ce soit par le biais du travail des Wachoski ou de Tykwer force le spectateur à s’intéresser dans un premier temps à la richesse de chaque univers, à retrouver le genre lui parlant le plus dans cette tempête d’images. Et pourtant, que ce soit à travers le huis-clos se déroulant en 1849 ou dans cet hommage sur-référencé de Neo Seoul, tous deux réalisés par les Wachowski, ou bien dans l’univers comico-british ou dans le polar des années 1970 par Tykwer, tous finissent par se valoir, la faiblesse de certains se compensant rapidement par cette idée de montage en puzzle.
Néanmoins, durant ses trente dernières minutes, plus rien ne compte plus que cette œuvre devenant une seule après une monté en crescendo de chacun de ses instruments musicaux. La cruauté de certaines images, leur honnêteté dans le travail de la mise en scène, osant tâcher le blanc immaculé d’une seule goutte de sang tranchant avec le reste avant de nous faire sombrer sans préliminaires dans la cruauté pure mélangée à l’espoir, font que le film se dégage de tout canevas. Il ne nous est alors plus permis de douter que Cloud Atlas est bien une seule et unique fresque, sorte de Picasso s’efforçant de nous montrer chaque facette de l’humanité sur une même image, avant de la sauver une nouvelle fois, par la plus pur et artificielle de ces fractions. Celle-ci, jouée par Doona Bae est magnifique dans son rôle, celle qui nomme les gens prophètes devient ce même prophète, voix d’idées universelles et pourtant incomprises d’une humanité plus encline à la répétition qu’à l’innovation de l’esprit. Si les mœurs changent, si les Hommes changent, ce qui les fait Hommes, cette conscience, où cette âme quel que soit le nom que l’on puisse lui donner, semble obstinée, et pourtant encline à changer si la volonté lui est donnée.


À travers une histoire qui se déroule sur cinq siècles dans plusieurs espaces-temps, des êtres se croisent et se retrouvent d’une vie à l’autre, naissant et renaissant successivement… Tandis que leurs décisions ont des conséquences sur leur parcours, dans le passé, le présent et l’avenir lointain, un tueur devient un héros et un seul acte de générosité suffit à entraîner des répercussions pendant plusieurs siècles et à provoquer une révolution. Tout, absolument tout, est lié.


Entre les critiques exécrables et la fratrie Wachowski, il n’y a presque qu’un pas à faire pour être catégorisé et voir son avis vaporisé en quelques secondes. Représentant à la fois tout ce que les deux réalisateurs ont toujours aimé mettre en scène et une histoire ambitieuse, Cloud Atlas devient un véritable chef-d’œuvre humain. Si en revanche vous n’avez pas été touché par la force de son propos la première fois, que votre œil n’a pu se concentrer que sur son montage, n’hésitez pas à revoir le film, et à laisser quelques larmes suivre ce nouveau plein d’émotions.
Titre Français : Cloud Atlas
Titre Original : Cloud Atlas
Réalisateur : Andy, Lana Wachowski & Tom Tykwer
Acteurs Principaux : Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent
Scénario : Andy, Lana Wachowski et Tom Tykwer D’après l’oeuvre de David Mitchell
Photographie : John Toll & Frank Griebe
Compositeur : Tom Tykwer, Johnny Klimek & Reinhold Heil
Genre : Drame, Science fiction, Thriller
Durée : 02h45min
Sortie en Salles : 13 mars 2013

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Héritage : Nos Années Sauvages (Wong Kar-Wai) /heritage-nos-annees-sauvages/ /heritage-nos-annees-sauvages/#comments Sat, 09 Feb 2013 12:37:47 +0000 /?p=7783 afficheSi le cinéma hongkongais était bien plus connu pour son incroyable violence, ou pour le renouveau du Wu Xia Pian par la Shaw Brothers, Wong Kar-Wai fut la nouvelle nuance dans cet océan rouge sang. Seul son premier film, As Tears Go By (1988), s’approcha plus de cet engouement général hongkongais où l’on trouvait, sur une facette, le puissant duo Tsui Hark – John Woo, et sur une autre la tradition représentée par Yuen Woo-Ping et Patrick Tam – producteur du film -. Cette époque fut aussi incarnée par l’apparition d’une nouvelle génération de réalisateurs tels que Ringo Lam ou encore Johnnie To. Mais malgré ce respect pour les codes du cinéma hongkongais, dont il ne se préoccupera de nouveau qu’avec Les Cendres du Temps (1994) cette fois-ci en mettant en œuvre le Wu Xia Pian, Wong Kar-Wai commence dès lors à esquisser une certaine esthétique du montage, du cadre, et surtout du rythme, qu’il ne délaissera alors plus jamais.
Vint ensuite son second film: Nos Années Sauvages (1990). Alors que la même année, John Woo, signa son film le plus noir: Une Balle dans la tête (1990), contrairement à son homologue, Wong Kar-Wai confirma plutôt cette volonté, présente au second plan dans son premier film, à vouloir montrer sa fascination pour la beauté émotionnelle plutôt qu’au sang, quitte à prendre alors le spectateur au dépourvu.
Par ce principe fort, Nos Années Sauvages symbolise le premier volet de cette trilogie chimérique dressée par les spectateurs, complétée plus tard par In the Mood For Love (2000) et enfin 2046 (2004). Malgré son approche déstructurée du récit, entrechoquant histoires et amours, cet acharnement à ne pas identifier l’un de ses personnages comme un, ou une héroïne, à ne pas les faire rentrer dans un quelconque canevas conventionnel, par cette intimité perturbante et éphémère dans laquelle l’anodin devient l’humain, Wong Kar-Wai nous offre une œuvre d’une nostalgie et d’une finesse sans précédent.
Adieu le milieu de la mafia, dans Nos Années Sauvages, Wong Kar-Wai nous met face à un personnage plus ordinaire, modèle du personnage animé par la recherche identitaire : Yuddy, interprété par Leslie Cheung. Elevé par une mère adoptive, il grandit sous le joug d’une éducation stricte. Ce poids incessant va d’autant plus attiser sa curiosité concernant sa vraie mère, mais va aussi développer chez lui un caractère particulier l’empêchant de considérer au jour le jour les qualités d’une femme.

Nos Années Sauvages 4

Par ces simples considérations précédemment relevées, si il est déjà dur de décrire par l’analyse un film par un choix arbitraire de quelques scènes, cette idée est d’autant plus vraie quand il s’agit d’une œuvre telle que Nos Années Sauvages, ou plus simplement, d’un long-métrage de Wong Kar-Wai, où l’approche globale du film justifie chaque scène et lui donne sens. Prenons par exemple cette scène où Tony Leung fait son apparition. Située à la fin du film, seule, elle n’est que la bribe d’une histoire qui peut nous paraître incomplète. Mais, mise en relation avec ce qui l’a précédé, il est alors aisé de comprendre que Wong Kar-Wai, par cette intervention isolée, s’affranchit alors de la limite matérielle universelle de n’importe quel film: sa durée , donnant pour cela l’occasion à une nouvelle histoire de heurter sa fresque.

Nos Années Sauvages 6

Cette fresque, consacrée au hasard de la vie, aux infortunes rencontres, desquelles peuvent naître l’amour, Wong Kar-Wai s’amuse à la nourrir continuellement, nous empêchant d’emettre une opinion à la fois morale et personnelle sur ces personnages qui vont et viennent, se croisant et s’ignorant.
Cette scène, où le personnage de Leung Fung-Ying (Carina Lau) passe sa première nuit avec Yuddy, juste après que Su Lizhen (Maggie Cheung) l’ai quitté est particulièrement illustrative de ce rapport que les personnages portent entre eux, semblable à un manège dans lequel ils ne font qu’échanger leurs places in fine, se croisant sans se connaître, indifférents au fait de possibles amitiés entrecroisées. D’emblée, alors que la bâtisse où vit Leslie Cheung semble imposante, les personnages paraissent confinés, coincés entre deux murs, prédestinés par l’architecture à un contact plus intime. Et pourtant, un inconnu, interprété par Jackie Cheung, entre, il ne se présente pas, il ne fait que briser cette relation encore inexistante avant de repartir de la même manière, et pourtant par cette seule intervention et malgré tout ce que pourra dire Carina Lau, l’on arrive à définir le personnage qui pourtant ne se dévoilera jamais plus. Mais là où Wong Kar-Wai nous prend de nouveau au dépourvu, c’est en nous montrant cette horloge à la fin de la séquence, nous rappelant à quel point le temps est d’une importance capitale ici, et que pourtant, il ne se passe jamais une seconde sans que nous nous demandions l’heure où se déroule l’histoire.

Nos Années Sauvages 1

Mais une œuvre de Wong Kar-Wai ne peut se limiter seulement à une approche scénaristique, aussi brillamment soit-elle tissée. C’est là qu’entre en jeu le travail de Christopher Doyle , directeur de la photographie. Véritable artificier de ce que l’on pourrait appeler la « touche Wong Kar-Wai », son travail a permis de concrétiser la vue si atypique de son réalisateur. Tout spectateur, quel qu’il soit, ne peut rester indifférent face à cet aspect si singulier accompagnant les histoires de Wong Kar-Wai. Qu’il ai aimé ou non, soit resté hermétique ou en admiration par cette composante de son œuvre, cette impression découle du fait, qu’en plus de nous amener à voir un sentiment, une idée, il nous la fait sentir par sa fabrication. C’est cette ingéniosité qui rend l’image aussi émettrice et riche que ses acteurs. Cette logique que Wong Kar-Wai nous force à accepter n’est pas sans conséquence, rendant son long-métrage fascinant ou ennuyant aux yeux d’un spectateur, l’entre-deux n’est pas permis.
On trouvera tout de même différents niveaux d’utilisation de ces procédés. Par exemple, cet aspect nocturne du récit, à première vue simple souci temporel, englobant Nos Années Sauvages n’est pas uniquement utilisé de manière à nous faire ressentir une certaine tristesse contagieuse et omniprésente. En tant que spectateur, en voyant cette nuit infinie coupée brutalement par le rayon du soleil, intuitivement, nous décelons une rupture du récit, quelque chose va changer, nous allons de nouveau bifurquer violemment de cette paix insolente.

Nos Années Sauvages 7

Vient par exemple ce plan-séquence proche de la fin. Celui-ci fait directement écho à une scène précédente où Leslie Cheung se perdait, éloigné de tous dans un repos musical solitaire. Seule scène se déroulant au crépuscule, elle peut aussi être interprétée comme la véritable et unique rupture du récit. Si tout cela se voit avant tout par les évènements que nous donne à interpréter Wong Kar-Wai, seule tache de violence durant ses 90 minutes, c’est aussi par son approche technique qu’il nous prépare à l’anéantissement de cet univers jusqu’alors si pur. Une simple charrette avance, tel un admoniteur et nous invite à suivre le point de vue de la caméra, alors trop fluide et trop rapide pour être image de la vision humaine. Le grand angle et l’absence de limite visuelle, de remparts créés par les artifices du cadre (à l’inverse de la scène précédemment citée), nous amène pour la première fois à observer les personnages avec une certaine distance, loin de l’intimité que Wong Kar-Wai nous imposait continuellement. En parallèle, c’est la musique, malgré ses nuances subtiles, qui prend le relais, dernière ancre inchangé pour le spectateur. Contrastant par sa lenteur, par la brutalité soudaine de son montage : la mafia n’apparaît de manière saccadée, la violence se fait par à-coups, le sang qui ne transparait que sur les gros plans, cette séquence devient alors un enchaînement de plans uniques par rapport au film, au sein d’une durée si courte.

Nos Années Sauvages représente sûrement l’un des travaux les plus épurés de Wong Kar-Wai, et surtout le changement définitif, et déjà accompli de celui-ci, avant qu’il ne commence à utiliser de manière dominante la musique comme nouveau véhicule des sens. C’est ici une fable qui prend forme, où les personnages ne changent jamais mais se découvrent eux-mêmes peu à peu, en se comprenant à l’aide d’un amour candide et éphémère, donnant naissance à ce romantisme qu’il affectionnera tant. Ce contraste si violent explique aussi sans peine l’échec global du film en salles, alors beaucoup trop ambitieux, mais réhabilité à sa juste valeur plus tard . Attendons désormais son retour, avec The Grandmaster, narrant l’histoire de Yip-Man, maître du Wing Chun Kung Fu (déjà mise en scène par Wilson Yip il y a quelques années) et traitant par ailleurs la période dans laquelle il a vu le jour.
Ce nouveau film signe aussi le retour d’un chorégraphe dans son équipe: le grand Yuen Woo-Ping et nous rappelle aussi l’attente interminable des dix années qui ont suivi son dernier film.


Titre Français : Nos Années Sauvages
Titre Original : A Fei jing juen (阿飛正傳)
Réalisation : Wong Kar-Wai
Acteurs Principaux : Leslie Cheung, Jacky Cheung, Maggie Cheung
Durée du film : 01h33minutes
Scénario : Wong Kar-Wai
Musique : Xavier Cugat
Photographie : Christopher Doyle
Date de Sortie Française : 6 mars 1996

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[CRITIQUE] Freaks, La Monstrueuse Parade /critique-freaks-la-monstrueuse-parade/ /critique-freaks-la-monstrueuse-parade/#comments Fri, 07 Sep 2012 00:56:41 +0000 /?p=6212 Étrange Festival 2012 – Catégorie « Carte blanche Kenneth Anger »

Qui mieux que Tod Browning peut représenter le meneur de fil de tous les films présents à l’Etrange Festival ? Connu par le grand public pour son film Dracula sorti en 1931, mettant en scène l’histoire du comte joué alors par l’emblématique Bela Lugosi, premier film à remettre au goût du jour le mythe du vampire quelques dizaines d’années après Nosferatu de F.W Murnau, et à bâtir ce qui serait bientôt une culture prodigieuse à laquelle l’on peut rattacher des noms emblématiques tels que Christopher Lee, Francis Ford Coppola ou encore Werner Herzog. Mais c’est l’année suivante, avec Freaks, La Monstrueuse Parade, que Tod Browning devient littéralement l’homme à abattre. Freaks est un échec commercial éprouvant, le film en vient à être détesté par la critique mais aussi par le public. Son film,  mettant en scène des personnes réellement dotées de malformations, trop singulier, et surtout diffusé à une époque où les gens n’étaient tout simplement pas prêts à voir dans le cinéma américain une réalité si troublante, signera l’arrêt de Tod Browning alors que l’année précédente sortait M. Le Maudit de Fritz Lang en Allemagne. Le film ira même jusqu’à être interdit de diffusion pendant plusieurs dizaines d’années sur le territoire britannique. Aujourd’hui réhabilité au rang de chef d’oeuvre, source d’inspiration visible chez de nombreux réalisateurs, Freaks, la Monstrueuse Parade garde la même puissance d’imagerie qu’autrefois, représentant le pittoresque de l’humain non pas à travers son cirque, mais à travers la seule personne considérée comme normale au sein de son oeuvre.

© DR

Cléopâtre est une acrobate se produisant dans un cirque de « monstres », seule parmi tous, cette dernière à rapidement compris qu’elle pouvait contrôler certains de ces occupants à l’aide de sa beauté, de sa « normalité ». Alors que Tod Browning aurait pu se contenter d’un huit-clos où l’on suivrait Cléopâtre tentant de survivre, il prend ce concept banal, et le renverse pour en faire une histoire emblématique. Browning ne se contente pas de rendre le personnage de Cléopâtre odieux, nous forçant à nous attacher ainsi aux habitants plus qu’atypiques du cirque, il dresse sans irrégularité et avec passion en l’espace d’une simple heure le portrait de tous ses personnages. Le canon devient le monstre et le monstre devient le normal, Cléopâtre n’est plus que du mensonge à l’état pur, la définition même de ce qu’est le monstre, n’hésitant pas à profiter de ceux n’ayant pas les moyens de disposer du peu d’honneur qui leur est permis, tout en abordant ce sourire figé, héritage de sa beauté. Cruelle, indépendante, et surtout attirante, c’est à travers le personnage de Hans qu’elle trouvera son souffre douleur et la victime parfaite. Olga Baclanova permet de rendre son personnage encore plus détestable, son allure et sa démarche rappelant d’ailleurs plus souvent les mouvements de l’automate plutôt que ceux d’un humain.

© DR

Pour sa Parade, Browning ne profite pas une seule seconde de la faiblesse physique de ses personnages, il en fait tout le contraire, ce n’est pas la pitié qu’il nous insuffle, mais la force. Cette famille, se révélant être bien plus qu’une idée lors du repas de noce de Cléopâtre et Hans, devient soudain plus semblable à une puissante mafia, confirmation donnée au film à travers son final implacable. Browning confère ainsi à chacun des artistes du cirque plus d’humanisme qu’il n’en est permis à quiconque, chose dont eux même font continuellement preuve, notamment le parti féminin omniprésent à travers Fieda et Venus, porté respectivement par Daisy Earles et Leila Hyams. C’est notre regard que Tod Browning cherche à changer, n’en appelant pas notre perversité afin d’attiser notre curiosité, véritable tour de force, nous nous attachons peu à peu à eux. Et pourtant, lorsque l’on sait que le film a connu l’oeuvre de la censure, que la première fin re-faisant de ces humains enfin ré-habilités à nouveau des monstres, Tod Browning montrait par ce biais que l’homme, quel qu’il soit, est toujours au final un monstre au fond de lui.


Des êtres difformes se produisent dans un célèbre cirque, afin de s’exhiber en tant que phénomènes de foire. Le liliputien Hans, fiancé à l’écuyère naine Frieda, est fasciné par la beauté de l’acrobate Cléopâtre. Apprenant que son soupirant a hérité d’une belle somme, celle-ci décide de l’épouser pour l’empoisonner ensuite avec la complicité de son amant Hercule. Mais le complot est découvert, et les amis de Hans et Frieda vont se venger…


A travers ce seul film, Tod Browning propose un message d’une force universelle, indéniable, ancré dans son époque. Soulagé de toutes contraintes de genre, il signe ainsi un film sans repère, perdu dans son temps. Reposant la totalité de son intrigue sur un un simple fait: qu’est-il arrivé à Cléopâtre ? Il élabore un récit noir nonobstant tout aprioris.
Titre Français : Freaks, La Monstrueuse Parade
Titre Original : Freaks
Réalisation : Tod Browning
Acteurs Principaux : Olga Baclanova, Harry Earles, Wallace Ford
Durée du film : 1h04
Scénario : Willias Goldbeck, Leon Gordon, Edgar Allan Woolf, d’après une histoire de Clarence Aaron Robbins
Photographie : Merritt B. Gerstad & Henry Freulich
Date de Sortie Française : 1932
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[TEST] Max Payne 3 sur PC /test-max-payne-3-sur-pc/ /test-max-payne-3-sur-pc/#comments Fri, 06 Jul 2012 15:48:54 +0000 /?p=5310

Après neuf années d’attentes, la série Max Payne a (enfin) droit à un nouvel épisode, retraçant la suite de la vie de notre ami dépressif préféré. Mais cette fois-ci, on quitte les rues sombres et la pègre newyorkaise pour le soleil et les plages brésiliennes de São Paulo ! Cependant, Max va vite se rendre compte que ce paradis cache également enlèvements et autres joyeusetés.

Ce troisième volet nous place donc encore une fois dans la peau de Max Payne, neuf ans après les évènements du second épisode. Licencié de la police newyorkaise, Max sombre de plus en plus profondément dans l’alcool et son addiction aux analgésiques ne fait qu’empirer. Max ne peut s’empêcher de penser à l’assassinat de sa famille survenu plusieurs années auparavant. C’est alors qu’une connaissance, Raul Passos, propose à l’ex-flic de l’accompagner à São Paulo et de se reconvertir en agent de sécurité. Max accepte et devient alors le garde du corps de la famille Branco, composée de trois frères : un riche businessman, un célèbre homme politique, et un fêtard. Lors d’une sortie en boîte de nuit, Fabiana, la femme de Rodrigo (l’homme d’affaire) est kidnappée par un gang, le Comando Sombra. Max, étant alcoolisé 24h/24, se sent coupable de sa disparition et va tout mettre en oeuvre pour retrouver la jeune femme.

“I’d been sitting at the bar for three hours, or five years depending on the way you looked at things.”
“J’étais assis au bar depuis trois heures, ou cinq ans selon comment on voit les choses.” -Max Payne

Ne vous laissez pas berner par le nouveau look boule à zéro/chemise à fleurs que l’on peut apercevoir dans les trailers, l’univers de Max est toujours aussi noir et dépressif. Notre « héros » est toujours torturé par son passé, et bien qu’il commence son séjour sous les tropiques dans une ambiance festive, toujours un verre d’alcool à la main, la situation va vite dégénérer et le faire replonger vers son ancien démon : la vengeance. Par ailleurs, Max n’a pas perdu de son éloquence. Que ce soit les dialogues des cinématiques ou de simples commentaires in-game, les dialoguistes (sisi, ça existe comme mot) ont fait un travail extraordinaire. Chaque phrase de Max est soigneusement écrite, avec toujours un brin d’humour ou de cynisme, selon la situation. Le scénario est plutôt bien ficelé dans l’ensemble, avec quelques rebondissements, mais surtout un vrai travail sur le personnage de Max qu’on a du mal à quitter en finissant le jeu.

Côté gameplay, Max Payne 3 reprend les fondamentaux de la série. Vous agissez seul dans des environnements (très) linéaires contre des nuées d’ennemis armés jusqu’aux dents. Pour vous permettre d’arriver au bout des niveaux, vous disposez de plusieurs capacités très utiles. La plus célèbre d’entre elles, le bullet-time, vous permet de ralentir le temps façon Matrix pour aligner quelques jolis headshots. Vous pouvez également combiner ce bullet-time avec un plongeon, le shootdodge, afin d’éviter les balles de vos ennemis tout en les abattant de manière très très stylée. Rien de nouveau pour les habitués jusqu’ici. Petite subtilité cependant : à votre réception au sol, vous pouvez rester couché et continuer de canarder. Très pratique si un ennemi a survécu à votre plongeon ou pour rester à couvert derrière un meuble pour éviter de finir en gruyère.

Rien de plus classe qu’un shootdodge en costume gris-beige…

L’incontournable système de couverture a également été implémenté. Rien de particulier à dire dessus, puisque ce système existe maintenant dans 99% des third person shooter de manière quasiment identique. Autre point, cette fois-ci moins courant de nos jours : une vraie barre de vie ! Pas de régénération automatique, vous trouvez des analgésiques disséminés dans les niveaux pour vous rendre un peu de santé. D’ailleurs, si vous vous faites descendre et qu’il vous reste quelques pilules en poche, vous bénéficierez d’un bullet-time automatique durant votre chute pour descendre votre bourreau. Si vous réussissez, la partie continue, sinon, retour au dernier checkpoint ! La difficulté est au rendez-vous au niveau des dégâts : la barre de vie se vide comme une fusée, une des nombreuses touches old-school qui raviront les gamers de longue date.

On sent que Rockstar n’a rien voulu laisser au hasard. Le souci du détail est franchement très impressionnant. Que ce soit les animations soignées grâce à la combinaison des moteurs RAGE et Euphoria dont le studio s’est fait la spécialité (Grand Theft Auto IV et V et Red Dead Redemption utilisent ces moteurs) ou le fait que Max n’ait pas des poches Mary Poppins. Il ne peut avoir que 2 armes de poing (pistolet ou mitraillette légère) et une arme plus lourde (fusil d’assaut, à pompe) et lorsque l’on utilise un pistolet, il garde l’arme lourde dans son autre main ! Autant de détails qui font que l’on est émerveillé à chaque instant, même pour un plongeon raté qui voit Max terminer sa course en se mangeant violemment un mur, mais avec l’animation qui va bien avec.

« I knew this was a bad idea, but, in the absence of any good ideas, I continued forward. »
« Je savais que c’était une mauvaise idée, mais en l’absence de bonnes idées, j’ai continué. » -Max Payne

Et les deux moteurs offrent également une qualité graphique assez remarquable. Aucune texture foireuse (ou alors elles sont bien cachées) et les visages sont super expressifs. Les effets de lumières sont réussis, qu’ils s’agissent des spots d’une discothèque de São Paulo ou des rayons du soleil dans les favelas brésiliennes. La bande son n’est quant à elle pas en reste, avec pas mal de sons venus tout droit do Brasil, des bruitages excellents et des doublages justes, notamment pour Max, doublé par le talentueux James McCaffrey. Et comme si ce n’était pas suffisant, la mise en scène explosive procure de réelles sensations, surtout lorsque la liaison entre cinématique et gameplay disparaît. Par exemple, dans une des premières mission, Max sirote tranquillement un verre lorsque des hommes armés attaquent la discothèque. Ni une ni deux, Max sort son flingue, abat un ennemi et fonce sur un autre afin de briser une vitre et d’enclencher un joli bullet-time. Ensuite, c’est à vous de jouer.

Max n’aime pas trop les vitres… ni les mecs cagoulés

Après dix magnifiques heures pour boucler la campagne solo, vous pourrez toujours vous rabattre sur les modes arcades, où vous pourrez rejouer les missions du solo avec certaines contraintes (un chrono d’une minute à remplir en tuant des ennemis par exemple). Vous aurez également la possibilité de passer du temps sur le mode multijoueurs, grosse nouveauté de ce Max Payne 3. Vous aurez droit au classique deathmatch, mais aussi à d’autres modes plus originaux, comme le Payne Killer, ou vous devrez survivre en binôme contre tous les autres joueurs. Le multi semble en effet fun, mais j’avoue ne pas pouvoir en dire beaucoup plus, sachant qu’à chaque fois que j’ai tenté de m’y mettre, les serveurs étaient soit incroyablement désertiques, soit le matchmaking est foireux.

Rockstar Vancouver avait un sacré défi à relever en prenant en charge ce Max Payne 3, tellement le souvenir des deux premiers volets est resté présent dans le coeur des fans. Et on ne peut dire qu’une chose : défi relevé avec succès ! Avec un lot de nouveautés intéressantes, le jeu ne renie pas pour autant ses aînés et procure probablement l’une des meilleures expériences de jeu de cette année 2012. Un vrai must have !
  • La frénésie des gunfights
  • Les dialogues
  • Le retour de Max
  • Une mise en scène à couper le souffle
  • Un côté old-school qui ravira les vrais gamers
  • Quelques très rares soucis de physique
  • Le fait de ne pas avoir d’autres moins…
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[TEST] Journey sur PS3 /test-journey-sur-ps3/ /test-journey-sur-ps3/#comments Fri, 01 Jun 2012 16:00:38 +0000 /?p=4733

Thatgamecompagny est surement l’une des boites de développement les plus atypiques qu’il existe. Jamais ces derniers n’ont à se soucier de la concurrence, non pas que cette dernière n’existe pas sur le marché du jeux-vidéo, notamment du coté du jeu indé vu que cette compagnie est toujours considérée comme tel, mais la confiance qu’ils ont acquis envers leurs partenaire Sony n’est pas sans incidence. Thatgamecompagny est un repère de poète et Sony semble l’avoir compris, ils n’hésitent ainsi pas une seule seconde à délivrer les fonds permettant un développement long d’un jeu qui s’avèrera surement magique, alors quand on sait que SCEA Santa Monica Studio c’est tourné aussi vers le nouveau jeu de cette petite boite, c’est un peu un rêve réel qui prend forme pour ces rêveurs. Journey, sorti cette année sur PS3 après le succès unanime de Flower est composé de tout ce que le studio a pu acquérir de part son expérience vidéo-ludique et les teams plus expérimentées qui sont venues en soutiens.

Et c’est sans appel que Journey répond à toutes les attentes du joueurs, Thatgamecompagny à travers un concept unique nous fait littéralement voyager à travers nos sens, voguant rapidement sur son seul défaut d’ordre temporel, nous avons l’occasion de ressentir bien plus de sentiments que dans de nombreux jeux mieux vendus, appuyés par une équipe de développement démentiel et autres choses. Tous ces jeux, sauf quelques perles, partagent le même filon manquant que Journey  nous apprend à contempler:  une imagination pure et naïve, celle dans laquelle nous nous échappons.

De façon à ne pas finir sur une note négative il est surement plus intelligent de commencer par le seul et unique défaut de Journey. Malgré un long développement, Journey est incroyablement court, deux trois heures tout au plus suffisent à boucler la totalité de votre périple, mais peut-on vraiment lui reprocher cet élément? Pas sûr — ce choix permet évidemment de placer le contexte et d’entraîner le joueur avec dynamisme dans un récit dénué de toute narration auditive. En soit, ce format est donc adapté, y rejouer n’est pas un problème, ce petit périple ayant paradoxalement l’avantage d’être court, une partie permet de ne pas couper notre élan et d’aller jusqu’au bout des émotions suscitées par le jeu et ce, sans coupure.

Car c’est sur cet aspect scénaristique que se trouve la première véritable réussite de l’équipe de Thatgamecompagny, si dans Flower il nous avaient entrainés dans la vie d’une pétale, dans FlOw celui d’un micro-organisme, dans Journey c’est sur un être humanoïde que se repose l’équipe. Et pourtant, aucune facilitée n’est prise ici, le seul langage dont dispose notre personnage est un son, un son indissociable et pourtant si important. Car avec ce dernier, tout un dialogue peut être établit, une peur, un besoin d’aide, c’est même avec étonnement que nous nous exprimons seuls face à l’écran avec ces sons. Surtout que ce petit bruit est votre seul moyen de communication avec les autres joueurs, qui ont eux aussi une part importante dans ce récit lyrique.

Car même si un périple est un affrontement entre soi et la nature, il est évident qu’un jeu tel que Journey avec tant d’enjeux poétiques ne pouvait être basé sur un concept égoïste, celui de voguer seul littéralement au grès des vents. C’est donc sans surprise que vous vous retrouvez à entendre un léger bruit retentir quelque part, qu’intrigué vous vous rapprochez de sa source pour y découvrir un autre être identique à vous, dont seul le symbole diffère. Si les premiers niveaux peuvent s’abstenir d’une quelconque collaboration, vous permettant de découvrir le gameplay enfantin du jeu, il vous paraitra très vite plus convivial de traverser cette épreuve accompagné, et pour peu que votre co-équipier prennent le jeu au sérieux — toujours avec une pointe d’humour — le voyage n’en deviendra que plus plaisant jusqu’à ce que sa présence devienne indispensable et que le dialogue sonore, étrangement efficace, prenne un vrai rôle. Ce n’est pas pour rien qu’un tableau des voyageurs croisés s’affiche en fin de partie.

Mais revenons en un peu plus sur l’histoire, et sur cette Iliade dans laquelle nous nous confondons. Il est évident que le plus impressionnant est son habilité à nous toucher de la manière que Flower, et cela à un degré supérieur. Dans ce précédent jeu, il s’agissait de notre réflexion par rapport au monde qui était sollicité, dans Journey il s’agit directement de vos sentiments. A travers ces différents univers, nous passons respectivement par des sentiments de contemplation, de peur ou de perte, pour peu que notre cœur ne soit pas hermétique à cette poésie, en quelques heures nous voyageons dans cet univers contemplatif où la seule difficulté ne peut être trouvée que dans la confiance, qui, si elle est brisée, nous touche directement.

Pour appuyer une telle myriade de qualités, Journey avait tout de même besoin d’une qualité technique irréprochable, sur ce plan aussi Thatgamecompagny s’est de nouveau surpassé: c’est à une véritable œuvre cinématographique que nous sommes livrés. Œuvre d’un cadrage souvent forcé afin de nous offrir une composition visuelle incroyable, il suffit pour cela d’observer ces premières étendues désertiques vous accueillant, rien de frissonnant ici, au contraire c’est avec une certaine admiration que nous posons nos premiers pas et notre premier envol. Si on pourrait s’attarder sur la physique et la dynamique des sables impressionnantes, c’est une partie que nous omettrons pour rendre justice à la poésie du jeu qui n’a pas besoin de telle considération, même si ces dernières mérite un respect certain.
Les jeux de lumières se suffisent à eux même, notamment sur la scène que vous pouvez voir deux images plus haut, image ne rendent aucunement hommage à ce passage d’une beauté à couper le souffle.

Enfin, il évident que pour tout chef d’œuvre, la composition musicale a aussi une place à jouer, un certain onirisme à supporter afin de compléter avec intelligence le jeu. Et aucune déception dans cet orchestre, chaque son, bruitage vient habillement compléter cette toile, les musiques nous immergent sans difficulté dans chaque univers que nous côtoyons.

Vous l’aurez compris, avec Journey, Thatgamecompagny signe ici un autre chef d’œuvre vidéo-ludique dont la console de Sony peut se targuer d’avoir. Nous ne pouvons espérer maintenant uniquement que cette boite garde son intégrité et continue à nous pondre des jeux absents de toute superficialité, et que le melon, que beaucoup n’ont jamais réussis à éviter ne les touchent jamais. 
  • Un univers unique
  • Côtoyer d’autres joueurs sans aucunes difficultés
  • Une patte graphique impressionnante, rendant l’insignifiant extraordinaire
  • Une durée de vie légèrement trop courte
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[CRITIQUE] Titanic 3D /critique-titanic-3d/ /critique-titanic-3d/#comments Sun, 01 Apr 2012 20:51:58 +0000 /?p=3677 James Cameron est un homme de défis. Derrière ses talents de réalisateur se cache quelqu’un de passionné par ce qu’il fait, à tel point qu’il a réussi à révolutionner en de nombreux points le cinéma. Avatar en est l’exemple le plus exploité, d’une part par le fait qu’il ait réussi à devenir le plus gros succès du box office mondial, mais surtout car il a porté la technique de la motion capture au goût du jour.
Mais il y a quinze ans déjà, Cameron réalisait ce qui est devenu un autre phénomène d’une ampleur tout aussi incroyable, à savoir Titanic.

On entend déjà venir de loin les faux puristes et leurs gros sabots, défendant un cinéma soit-disant authentique, et crachant tout leur venin sur ce qu’ils estiment n’être qu’une ressortie purement commerciale. Abaisser la ressortie en 3D de ce chef d’oeuvre à une démarche exclusivement marchande est une erreur, car même s’il y a forcément un peu de ça, le réalisateur confie d’ailleurs lui-même que Titanic était destiné à être converti et que ce n’était qu’une question de temps. Son défi est donc avant tout un challenge artistique qui n’est pas exempt de risques : comment respecter l’oeuvre d’origine tout en lui apportant une nouvelle dimension, qui doit être de qualité pour être efficace ?
Bien plus qu’une simple conversion, les moyens ont été mis pour obtenir ce qu’il voulait. Le passage à un master numérique semblait obligatoire, une remasterisation étant indispensable à la qualité voulue pour la 3D, et c’est une totale réussite, que l’on ressent dans la version finale, car il ne faut pas oublier que l’on parle d’un film vieux de quinze ans.

A la vision du film, ce qui est étonnant est que, tout en sachant la date de sortie initiale du film, on est transporté par l’accomplissement technique, tant et si bien que l’on se croirait devant une production toute récente. Mais la véritable réussite réside dans le fait que la conversion en 3D de Titanic arrive au niveau d’un film directement tourné sous cette forme aujourd’hui. Le film est donc une nouvelle perle rare guidant nos yeux émerveillés au milieu de tous les produits mercantiles et sans aucun intérêt qui envahissent de plus en plus nos écrans (Lucas pour ne citer que lui, son “travail” sur La Menace Fantôme se rapprochant de celui de Cameron sur le seul point qui est que ces deux films ne sont pas récents). Car en voulant convertir son film, James Cameron a pris des risques (d’autant plus qu’il a très vite acquis son satut mérité de film culte, voire même phénomène) à l’heure où la quasi totalité des conversions en 3D en post-production s’avèrent être des catastrophes plus qu’autre chose. Et finalement, l’impression qui s’en dégage nous force a croire à juste raison que Titanic a été tourné en 3D, et ce sans qu’il n’ait pris une ride en quinze ans
Le réalisateur s’est impliqué de bout en bout sur la conversion, après tout, quoi de mieux que son regard pour diriger les travaux, et on le ressent tout du long de la vision du film. Titanic 3D, c’est des chiffres aussi hallucinants que ceux qu’il a engendré à sa sortie : 60 semaines de travail, 300 personnes actives, un  budget de presque 20 millions de dollars pour en arriver au résultat final. Et ce dernier est incroyable : c’est à ce moment là que l’on ressent les effets du nettoyage du film afin de le rendre totalement compatible à l’abordage d’une nouvelle dimension : la profondeur, préservée, est impressionnante de réalisme et favorise d’autant plus l’immersion et le sentiment de grandeur qui en découle. Les contrastes, parfois poussés, sont gardés, sublimés, et ne perdent en aucun cas en éclat. Les sombres restent sombres, sans changement, et les séquences plus exposées vont de même, il n’y a aucun assombrissement à déplorer comme on a la mauvaise habitude d’en voir dans des conversions ratées.
Tout dans le film paraît on ne peut plus naturel, l’immersion est parfaite. On plonge dans le film, on prend place sur le navire, on se prend clairement au jeu en ayant l’impression de faire partie du voyage inaugural de ce paquebot déclaré insubmersible, de cohabiter avec tous ces personnages, et c’est la que la 3D remplit entièrement son contrat, à savoir se faire oublier sans pour autant qu’elle disparaisse, et fait passer les trois longues heures et quart du film à une vitesse incroyable.

Les émotions sont ainsi décuplées. Si la musique apporte énormément sur ce film, les séquences intimistes dans des lieux resserrés, aux couleurs chaudes, offrent un ressentit d’autant plus réconfortant et privé avec du relief. Les détails gagnent en ampleur, rien n’est laissé au hasard, et ce sont ces petites attentions qui démontrent à chaque plan la grandeur du projet.
Titanic 3D va définitivement devenir l’exemple a suivre en termes de reconversion, ce qui pourrait bien devenir assez vite a la mode connaissant l’industrie cinématographique et ses changements actuels.
Cela permet de (re)découvrir le film en salles, et surtout dans une nouvelle dimension qui n’est absolument pas négligeable. Amusant lorsque l’on sait que la dernière ultime expérience visuelle sur grand écran remonte au dernier film en date du bonhomme, comme quoi…

Quant au film en lui-même, il n’a évidemment pas changé. Ce grand classique hollywoodien comme il n’en existe plus renaît totalement. Tout en contrastes, Cameron met en parallèle un Jack certes pauvre mais libre de faire ce dont il a envie, et une Rose issue d’une bonne famille, mais destinée à rester dans son “clan”. Des soirées intellectuelles de la bourgeoisie aux danses irlandaises enflammées, les parallélismes permettent de renforcer l’aspect impossible de leur amour. Et lorsque les deux se mélangent, cela aboutit à l’une des plus belles histoires passionnelles que l’on ait pu voir au cinéma, d’une fausse niaiserie dans ce qu’il y a de plus noble. Cette rencontre impossible est émotionnellement poignante et devient le point central du récit dans un décor de rêve, presque surréaliste, ce monde flottant où Jack se voit “maître du monde”. Pour rendre le duo d’autant plus attachant, les scènes intimes s’enchaînent, certaines devenant même gênantes, à la limite du voyeurisme; aspect d’ailleurs parfaitement renforcé par la 3D. La liberté dont va jouir ce couple naissant va permettre de ne rendre que plus efficace le final, redouté mais malheureusement inévitable, sommet d’émotion.

Le mélange entre la catastrophe qui n’épargne personne et l’histoire d’amour qui se développe entre deux personnages antagonistes, ajouté au postulat de base qui oppose sèchement deux mondes totalement différents , qui même dans cet espace confiné qu’est le paquebot vont devoir se côtoyer,c’est cela qui fait tout le charme de Titanic, et en fait un grand film classique.
Car même après toutes ces années, il garde toujours autant de sa superbe, l’émotion y est toujours aussi puissante. Ce qui paraissait extraordinaire en termes techniques à l’époque l’est encore quinze ans plus tard, même certains effets spéciaux vieillissants gardent de leur charme.
Titanic fait partie de ces films qu’on ne se lasse pas de revoir lorsqu’on les apprécie. Et ici, avec cette nouvelle dimension,  jamais on ne s’est senti aussi proche du couple. Le sentiment de modestie que l’on éprouve face à l’immensité du paquebot est plus que jamais renforcée, les couloirs n’ont jamais parus aussi longs que lorsque Kate les parcoure dans le navire sombrant, on se sent plus que jamais aussi gêné que Jack lorsqu’il s’essaie à dessiner sa promise. Et ce sont toutes ces petites choses là, assemblées bout à bout, qui font de Titanic un grand film, et de la conversion un atout majeur et indispensable.

James Cameron continue à émerveiller en convertissant en une 3D absolument parfaite son film phénomène. Titanic devient donc le pionnier de la conversion et servira à coup sûr de cas d’école. Courez le voir, c’est une merveille.
Titre Français : Titanic
Titre Original : Titanic
Réalisation : James Cameron
Acteurs Principaux : Kate Winslet, Leonardo Dicaprio, Billy Zane
Durée du film : 3h14
Scénario : James Cameron
Musique : James Horner
Photographie : Russell Carpenter
Date de Sortie Française : 7 janvier 1998 / 4 avril 2012 (version 3D)
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[TEST] The Elder Scrolls V : Skyrim sur PC /test-the-elder-scrolls-v-skyrim-sur-pc/ /test-the-elder-scrolls-v-skyrim-sur-pc/#comments Sun, 05 Feb 2012 18:47:54 +0000 /?p=3184 L’année vidéo-ludique 2011 a été marquée par la sortie du dernier volet de la saga mythique de RPGs The Elder Scrolls. Plébiscité par l’équipe dans notre Bilan Jeux-vidéo 2011, le dernier né du studio américain Bethesda devait avoir son test sur notre blog.
Le voici donc, avec du retard, certes, mais il est là, le test de The Elder Scrolls V : Skyrim !

Scénario

Comme dans chaque épisode, vous êtes un prisonnier sur le point d’être exécuté. Alors que le bourreau lève sa hache, un dragon, espèce pourtant disparue, attaque la zone et vous permet de fuir. Vous découvrirez rapidement que vous n’êtes pas une personne ordinaire, vous êtes le Dovahkiin, Fils de Dragon en langue draconique. Vous avez la capacité d’absorber l’âme des dragons que vous abattez et ainsi maîtriser des Cris (Thu’um) dévastateurs. Votre destin vous conduira donc au travers de la contrée de Bordeciel (Skyrim en anglais), berceau du peuple des Nordiques. Outre la renaissance des dragons, qui constituera votre quête principale, de nombreuses quêtes annexes parsèmeront votre aventure. La rébellion des Sombrages, Nordiques de souche, contre l’Empire de Tamriel qui règne en Bordeciel vous occupera un bon moment, ainsi que les nombreuses quêtes fournies dans chaque ville, ferme, scierie et autres réjouissances.

La phrase culte des 20 prochaines années

Gameplay

Skyrim se joue préférentiellement à la première personne. Le gameplay se base sur le principe suivant : clic gauche = main gauche, clic droit = main droite. A partir de là, vous pouvez équiper n’importe quoi (arme, bouclier, sort) sur chacune de vos mains pour forger votre style de combat. Vous pourrez ainsi incarner un guerrier dans le style de Link (épée+bouclier), de Conan le Barbare (épée à deux mains), un magicien avec deux magies différentes, ou 2 fois la même magie, afin de la booster, un voleur, un assassin, et j’en passe. Bref les combinaisons sont très nombreuses et chacun trouvera son bonheur. Le levelling se fait sur 2 « branches » simultanément : le level global et les compétences. Les compétences, au nombre de 18 (archerie, arme à une main, guérison, enchantement, vol, etc…) augmentent de niveau (de 1 à 100) au fur et à mesure que vous vous en servez. Plus vous crochetez des coffres et des portes, plus la compétence crochetage augmente, et ainsi de suite. Le level global, lui, augmente au fur et à mesure que vous augmentez vos compétences. A chaque level global gagné, vous avez la possibilité d’améliorer, d’une part votre vie, votre magie ou votre vigueur (endurance), et d’autre part une capacité reliée à une compétence (20% de dégâts supplémentaires avec une arme à une main, la possibilité de parer la magie avec un bouclier par exemple). A noter également une interface faite pour les consoles, et donc pas vraiment adaptée  au duo clavier/souris. Pas pratiques de scroller une liste de 200 items alors qu’un tableau aurait suffi…

Attends que je te calmes comme ton pote par terre…

Graphismes/Bande son

Le jeu est plutôt agréable à l’oeil, même si c’est pas le plus beau jeu que j’ai vu. Cependant, l’avantage que présente Skyrim, c’est la possibilité de modder le jeu. Vous trouverez très facilement sur le net des centaines et des centaines de mods pour améliorer tout un tas de choses, que ce soit les textures, les effets visuels, le gameplay, les menus, etc… Et après quelques téléchargements, le jeu devient juste sublime, avec des effets de lumière somptueux et des textures magnifiques. Mais ce qui frappe le plus, c’est la direction artistique. L’univers de Bordeciel est tout simplement incroyable. Il y a de tout, on passe des plaines verdoyantes aux régions montagneuses en passant par des déserts de glace. Les villes sont toutes différentes les unes des autres, on n’a jamais l’impression de revoir un paysage. A chaque découverte d’une zone, on est émerveillé par tant de beauté. C’est certainement un des plus bel univers que j’ai pu voir dans un jeu-vidéo.

La bande son n’est jamais trop encombrante, mais elle accompagne parfaitement la progression du joueur. Pas de rock à donf (comme dans MW3), que des musiques orchestrales qui ponctueront vos combats épiques contre trolls, géants ou dragons. Les dialogues en VO sont très réussis et surtout très abondants. Chaque passant, que ce soit en ville ou sur les grands chemins, a quelque chose à vous raconter, ou une quête à vous confier. Quelques soucis de traduction des livres dans la VF qui embêteront les puristes de la série, mais compte tenu de la quantité d’ouvrages présents dans le jeu, on peut accepter que quelques uns aient des soucis.

Un dragon sur un mur, qui picore du pain dure…

Contenu

Je ne vais pas tourner autour du pot, Skyrim est une véritable mine d’or. La contrée de Bordeciel est gigantesque, son exploration vous prendra des heures et des heures. Il y a des milliards de choses à voir. Rien que le fait de se balader est un plaisir. Vous trouverez toujours un tombeau à visiter, une auberge où vous reposer, un mammouth à défoncer, ou un dragon pour vous tuer par surprise. La quête principale vous occupera près de 20 heures, mais vous risquez très fortement (comme moi) de vite vous éparpillez avec la quantité pharaonique de quêtes annexes dont fourmille le jeu. Rejoindre une guilde de guerriers, retrouver d’anciennes reliques, prendre parti dans la guerre civile opposant l’Empire et les Sombrages. Autant d’activités qui donneront une durée de vie gigantissime à Skyrim. Le jeu bénéficie aussi d’une bonne rejouabilité, tant le gameplay est différent selon la manière de l’aborder : en mode furtif, magie ou barbare ? Second et dernier gros bémol, les bugs. Comme à son habitude, Bethesda nous fournit de bons jeux, mais vu l’immensité de ceux-ci, le débuggage a dû être compliqué et pas tout à fait réussi. J’ai personnellement eu un bug inédit dans ma carrière de joueur : le plantage pur et simple de la carte graphique, qui cesse de fonctionner et m’oblige à éteindre le PC. En espérant que des patchs corrigent ce souci, même si j’ai pas trop d’espoir…

Mieux vaut ne pas trop s’approcher sous peine de prendre un gourdin dans la gueule

Dès les premiers trailers, on attendait un chef d’oeuvre, et Bethesda l’a fait. The Elder Scrolls V : Skyrim est tout simplement LE jeu de l’année. Tout est bon, du gameplay au côté artistique du titre. Même l’interface peu agréable et les bugs parfois stupéfiants ne pourront vous empêcher d’apprécier le jeu à sa juste valeur.
  • Un univers incroyable
  • Un gameplay maîtrisé
  • Tuer des dragons !!!
  • Une interface trop console
  • Trop de bugs rageants
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[TEST] The Legend of Zelda : Skyward Sword sur Wii /test-the-legend-of-zelda-skyward-sword-sur-wii/ /test-the-legend-of-zelda-skyward-sword-sur-wii/#comments Tue, 24 Jan 2012 14:53:03 +0000 /?p=3004 Pour les 25 ans de la série mythique The Legend of Zelda, Nintendo offre à tous ses fans un nouvel épisode, intitulé Skyward Sword sur Wii. Avec une jolie édition limitée contenant une WiiMote Plus dorée arborant le signe de la TriForce et un CD musical avec, tenez-vous bien, 8 morceaux (Nintendo nous gate vraiment trop…)

Link’s Awakening

Impatient de démarrer ce nouveau Zelda, j’allume la Wii, j’accroche ma dragonne (je suis prudent) et je me jette dans mon lit pour jouer pépère (erreur que j’expliquerais plus tard). On découvre alors Célesbourg, une île volante au-dessus de la mer de nuages. Vous débutez avec un Link endormi (comme souvent dans les RPGs) réveillé en sursaut par le célestrier (un oiseau géant comme dans Avatar) de Zelda, votre amie d’enfance. Débutent alors quelques missions pour s’habituer au gameplay, et surtout les nouveautés. Notamment les sprints et l’escalade avec le bouton A, le tout encadré par une jauge d’endurance. Après un examen de pilotage de célestrier, vous partez pour une balade aérienne tranquille avec Zelda. Pas si tranquille que ça puisque qu’elle sera happée sous les nuages par une tornade. Vous vous mettrez alors en quête de sauver votre amie à l’aide de l’épée divine et de son esprit, Fay.

La rencontre avec Fay, l’esprit de l’épée

The Adventure of Link

Contrairement aux précédents opus, Skyward Sword ne se déroule pas dans un monde ouvert. La carte est découpée en quatre zones (ciel, forêt de Firone, volcan d’Ordinn et désert de Lanelle) qu’il faudra nécessairement rejoindre en passant par le ciel. Un peu bizarre, mais pas dérangeant. Deuxième nouveauté importante, la RPGisation de la série, avec des magasins qui prennent une plus grande ampleur, des rubis enfin très utiles, de l’amélioration d’items, etc… Troisième point, le bouclier. Alors qu’on pouvait se cacher sans trop de risques derrière son bouclier dans les anciens Zelda, le bouclier est désormais destructible. Trop de coups parés, et vous risquez de vous retrouvez sans défense. Les combats prennent donc une dimension très techniques, où il faut alterner entre parade, esquive et attaque. Et c’est dans ce dernier que le Wii Motion Plus, obligatoire, entre en jeu. L’épée suit désormais précisément les mouvement de votre Wiimote, et les attaques peuvent être horizontales, verticales, diagonales ou piquées. Même l’attaque tourbillon peut être exécutée sur un plan vertical !

Seul un coup horizontal pourra l’atteindre

Skyward Sword

Et c’est là que le fait de jouer affalé dans son lit peut poser problème. En effet, la plupart des ennemis doivent être frappés dans un sens particulier. Agitez la manette dans tous les sens (Twilight Princess style) et vous risquez de vous mangez une contre-attaque en pleine poire sans pouvoir réagir. Pour preuve de la difficulté, j’ai dû m’y prendre à 5 reprises pour battre le premier boss ! Et tous cela avec une potion dans la toute nouvelle sacoche, qui agrémente le côté « RPG », où vous pourrez ranger des flacons de potion, des médailles augmentant la vie ou la valeur des trésors trouvés. Bref, j’ai trouvé le jeu assez difficile au début à cause de l’adaptation nécessaire pour maîtriser le sens des coups, mais surtout pour dompter le Wii Motion Plus. Ce dernier a tendance à se décentrer de l’écran, ce qui est assez gênant pour utiliser les armes secondaires (arc, scarabée volant). Au fur et à mesure, j’ai commencé à avoir l’impression que la détection n’utilisait quasiment pas le pointeur de la télécommande, mais presque uniquement les gyroscopes.

La chatoyante forêt de Firone

The Legend of Zelda

Le gameplay étant vraiment proche de la perfection, je ne vais pas m’étendre plus longtemps sur ce sujet. Techniquement, les choix artistiques permettent presque de faire oublier la faiblesse matérielle due à la Wii. Malgré tous les efforts faits par l’équipe de développement, ça pique quand même un peu les yeux par rapport aux autres jeux récents sur les autres supports, mais la richesse de l’univers compense largement ce souci. Les musiques sont également toujours aussi réussies avec les classiques remixés, mais aussi de nouvelles compositions sublimes. Mais le plus gros avantages de ce jeu pour les fans de la série, c’est son scénario. Etant chronologiquement le premier volet de la saga The Legend of Zelda, Skyward Sword apporte une énorme pierre à l’édifice de ce monde merveilleux.

The Legend of Zelda : Skyward Sword arrive au niveau des mastodontes Twilight Princess et Ocarina of Time, avec un gameplay qui les dépasse en tous points. Un chef d’oeuvre auquel tout gamer doit jouer au plus vite !
  • Un gameplay exceptionnel
  • Un univers toujours aussi magique
  • Une histoire très prenante
  • Vivement la WiiU pour de meilleurs graphismes
  • Un temps d’adaptation qui peut être long
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[CRITIQUE] Take Shelter /critique-take-shelter/ /critique-take-shelter/#comments Fri, 13 Jan 2012 22:22:52 +0000 /?p=2946 Après une année 2011 riche en émotions cinématographiques, 2012 commence déjà très fort avec Take Shelter. A 33 ans, et avec seulement 1 film derrière lui (Shotgun Stories, dont on entend beaucoup de bien), le réalisateur Jeff Nichols s’impose déjà comme une figure emblématique du cinéma indépendant américain. Son film s’est fait remarqué dans bon nombre de festivals, à savoir entre autres Deauville et Cannes, où il a respectivement raflé le grand prix et le prix de la semaine de la critique. C’est également l’occasion pour le réalisateur de retrouver son précédent acteur, Michael Shannon, lui-même disant ne pas se voir “tourner avec quelqu’un d’autre que lui”.
Il est toujours délicat de passer l’épreuve du second film, mais Nichols démontre ici qu’il est capable d’une maîtrise impressionnante sur tous points, et certains voient en lui, et à juste titre, le digne successeur de Terrence Malick.
Le génial Take Shelter fait suite aux nombreux films apocalyptiques et traitant de la peur vus l’an passé, mais cette fois-ci avec une puissance encore plus folle que celle vu dans Melancholia, par exemple.

Difficile de savoir par où commencer tant cette oeuvre est riche, complexe, et pourtant dans un même temps limpide lors de sa vision.
Curtis LaForche mène une vie paisible avec sa femme et sa fille, jusqu’à ce qu’il devienne sujet à des cauchemars de plus en plus violents, où sa famille se voit impliquée dans la menace de l’arrivée d’une tornade dévastatrice. Ces visions vont peu à peu empiéter sur sa vie sociale ainsi que sur son couple, et une nouvelle obsession va peu à peu l’envahir : celle d’aménager à tout prix l’abri anti tornade de son jardin…
Nichols filme ici un monde au bord du gouffre, alors que tout semble normal en apparence. Les personnages principaux forment une famille on ne peut plus unie, cela étant en plus accentué par le handicap de la fille du couple, qui se trouve être sourde. Cette cellule familiale semble donc être tranquille et à l’abri de tout problème, mais l’élément déclencheur de la fragilisation de celle-ci est l’apparition des cauchemars à répétition, puis des visions, de Curtis.

Ces dérèglements psychologiques vont le conduire, comme s’il était en état d’hypnose, à se fixer un objectif qui va prendre le dessus sur tout, à savoir l’agrandissement et l’aménagement de l’abri anti-tornade du jardin, car il est persuadé qu’une tornade approche. Le récit se centre ainsi sur cette famille, pour mieux la voir se fragiliser, devenir précaire le temps d’un instant dans l’union qui faisait sa force, sans pour autant jamais craquer; car ce qui est étonnant, c’est que dans sa présumée folie, on est en mesure de s’attendre au pire drame possible, mais jamais Curtis ne touchera sa famille, bien au contraire. C’est avant tout un personnage humain qui est censé, et comme quiconque, il cherche avant tout à se protéger lui et sa famille de ses éventuellement réelles prémonitions.
Dans la peau de cet homme baignant dans la méfiance permanente, on retrouve Michael Shannon, crevant l’écran dans Bug (Friedkin) ainsi que dans la série Boardwalk Empire, et s’avère une fois de plus absolument incroyable. Son physique atypique fait de lui une “gueule” de cinéma, il correspond parfaitement à son personnage. Totalement magnétique, son regard à la fois envoûtant et vide qui veut tant dire, va jusqu’à le rendre effrayant et contribue a accentuer cette folie ambiguë qui l’anime.
En se centrant sur la famille, et plus particulièrement sur Curtis, on découvre un personnage fragile et à fleur de peau, qui peut exploser à tout moment, et son self-control face à ses proches tout au long de cette épreuve finit par exploser littéralement lors d’une scène ou toute la tension qu’il avait accumulé jusqu’alors s’évacue en un accès de colère scotchant, démontrant la performance incroyable de l’acteur, qui nous cloue complètement au siège.
Et pourtant, ce sera sa femme, sublime Jessica Chastain comme dans le prolongement de son personnage dans The Tree of Life, qui s’avèrera être la salvation de son mari, car derrière la carrure imposante de ce dernier, se trouve un homme meurtri mais qui ne trouve finalement son seul point d’accroche à la réalité en elles. De plus, la surdité de sa fille fait aussi écho à la perdition du père, on ressent cette sensation frustrante qu’est celle de se trouver impuissant et incompris face à cette peur d’une force transcendante devant laquelle on ne peut rien, et son combat le rend d’autant plus touchant et sa solitude compréhensible.

Intimiste au premier abord, Take Shelter s’avère terriblement contemporain dans son sujet. Le film joue aussi habilement sur des thèmes aujourd’hui d’actualité, tels que la crise, ce qui installe une précarité ambiante, et atteste des difficultés à l’heure actuelle de se faire accepter dans cette société où l’erreur peut-être fatale et où le regard des autres est facteur de réussite. La peur devient ainsi récurrente, et permet de jouer sur l’ambiguïté du personnage : on est ainsi à la fois persuadé de sa folie mentale, mais aussi dans un même temps dérangé et troublé par les propos prophétiques exprimés.
Nichols aborde ainsi le thème de la paranoïa par le biais des obsessions de Curtis de vouloir aménager cet abri, seul moyen de salut, mais sans pour autant que l’on sache si c’est afin de sauver sa famille, ou de se protéger de lui-même. La psychose parfaitement traité fait d’ailleurs immédiatement penser au personnage de Jack Nicholson dans Shining, l’esprit torturé étant tout autant étrange et dérangeant.
L’angoisse est constante, le spectateur est toujours sous pression, même si elle n’est parfois qu’implicite. Que ce soit, par des gestes, des paroles, ou même des silences pesants, il règne une atmosphère et une ambiance qui ont un rôle primordial dans le film : on frôle souvent l’irréel, chaque plan pèse, renforçant l’ambiguïté de la lecture du propos. A l’image du ciel, lui aussi semblant par moment fictif, il y a un fabuleux jeu sur l’imprécision de la rationalité ainsi que de la véracité des situations. Est-ce un simple rêve, ou tout est vraiment réel ? Cependant, les musiques aussi ont un rôle décisif, puisqu’elles permettent de garder un point d’ancrage dans la réalité.

L’autre grande force de Take Shelter est bien sûr sa montée en puissance extrêmement pesante, à l’image du film entier. Les personnages sont enfermés dans des cadres les empêchant de respirer, les quelques plans larges sur le ciel menaçant ne font paradoxalement que renforcer la claustrophobie qui se dégage, ils sont finalement prisonniers de la planète face à l’éventuelle menace.
Si le développement du récit est plutôt lent et posé, il est possible de placer la fin dans une fourchette d’une demi-heure, et s’avère d’une puissance rarement atteinte depuis un bon moment au cinéma. Ce climax d’une emprise incroyable est d’autant plus intelligent qu’il se permet de jouer sur une double alternative finale, ne faisant que renforcer les doutes du spectateur, et le pousse dans ses derniers retranchements d’anxiété et de tension.

Take Shelter est de ces films passant relativement inaperçus, mais qui mériteraient d’être plus sous le feu des projecteurs tant c’est une oeuvre puissante. D’une maitrîse incroyable en tous points pour un deuxième film, Nichols signe un chef-d’oeuvre à la fois personnel et ancré dans notre présent, tout en filmant la paranoïa jusqu’à nous faire douter sur ce qui paraît pourtant évident. La dernière demi-heure est absolument dingue, d’une beauté et d’une puissance émotionnelle parfaites.

 

 

 

Titre Français : Take Shelter
Titre Original : Take Shelter
Réalisation : Jeff Nichols
Acteurs Principaux : Michael Shannon, Jessica Chastain, Tova Stewart
Durée du film : 02h00
Scénario : Jeff Nichols
Musique : David Wingo
Photographie : Adam Stone
Date de Sortie Française : 4 janvier 2012
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