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Pour cette troisième édition, c’est Alex de la Iglesia qui s’offre l’ouverture avec son dernier film : Les Sorcières de Zugarramurdi – que malheureusement nous ne pourrons pas voir, les hostilités commençant pour nous Jeudi midi – en sa présence. En clôture, Wolf Creek 2 de Greg McLean viendra finir en beauté (ou re-dite de la catastrophe Silent Hill 2 ?), avec son côté indé et saignant, la programmation.
Cette année, le festival s’offre un casting assez bluffant en comparaison aux autres années. Si Peter Jackson, Dario Argento ou Tsui Hark nous avaient donné rendez-vous lors de la précédente édition, les nouveaux invités n’ont rien à leur envier. Côté classiques : Re-Animator, Seconds (L’Opération Diabolique), Perfect Blue et The Wicker Man sont là pour nous titiller là où il faut bien. Côté compétition, beaucoup ont déjà fait leurs preuves à travers d’autres festivals, notamment The Battery de Jeremy Gardner. Pour les non-anglophones, c’est aussi l’occasion de découvrir Byzantium de Neil Jordan. Après le TIFFF, le film s’offre une occasion de convaincre son public et d’espérer décrocher une date de sortie française. Bien évidemment, le PIFFF ne serait pas ce fantastique festival sans son petit film bien bis. Le grand représentant du genre se nomme ici HK – Forbidden Super Hero, ou l’histoire du super-héros aux goûts plus que douteux. La nuit nous donnera elle l’occasion de s’attarder sur le nouveau remake (dispensable ?) de Carrie. Suivrons : Christine de John Carpenter, Creepshow de George Romero et enfin Simetierre de Mary Lambert.
19 Novembre 20h30
Après le casse d’une bijouterie madrilène, trois braqueurs en fuite se réfugient à Zugarramurdi, petit village basque dont la réputation maléfique tient à la présence massive de sorcières
20 Novembre 14h00
Ermite fasciné par la mort depuis son enfance, Ian accompagne les êtres brisés jusqu’à leur suicide. Et au-delà…
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Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky qui effectue son dernier vol avant de prendre sa retraite. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d’autant plus qu’à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d’oxygène qu’il leur reste. Mais c’est peut-être en s’enfonçant plus loin encore dans l’immensité terrifiante de l’espace qu’ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre…
Après Les Fils de l’homme, film aussi bien abouti techniquement qu’exemplaire dans son traitement humble du dernier espoir humain, Alfonso Cuarón prouvait qu’il était bien plus qu’un quelconque « yes-man » ayant participé à la conception du personnage d’Harry Potter sur grand écran. Il aura fallu sept longues années pour que le nouveau film du réalisateur mexicain fasse son chemin vers le grand écran. Repoussé à de maintes reprises, remanié, re-casté jusqu’à finalement aboutir à ce qui sera le premier et le dernier film d’Alfonso Cuarón sur le terrain du vide galactique. Incroyable oeuvre technique, le film se heurte une nouvelle fois aux mêmes détracteurs que Cloud Atlas, ne voyant en Gravity qu’un unique plan-séquence et ainsi une prouesse technique effaçant toute émotion ou enjeu dramatique — élément par ailleurs faux, le film ne comportant à proprement parler aucun plan-séquence, uniquement de longs plans, devenant la norme même du récit. Néanmoins, il paraît rapidement évident au vu des désirs du film à développer non pas seulement l’histoire d’un homme, mais celle de l’humanité que Gravity est l’un des films majeurs de notre année. C’est une œuvre somme, nous touchant au plus profond de nous-même, dépassant ainsi l’univers de Ryan Stone (Sandra Bullock) et Matt Kowalski (George Clooney) pour faire du spectateur un véritable témoin les accompagnant. Alors que l’équipe s’attarde sur la réparation d’une partie de leur matériel au cours d’une sortie dans l’espace, Houston leur annonce qu’un satellite a été détruit. Dès lors, ce qui est pour nous le symbole de la vie sur terre, la gravité, condamne l’équipe à subir le raid sauvage de ces débris en orbite, forces accrues par les implacables lois physiques au fur et à mesure qu’ils se font de plus en plus nombreux. Ce sentiment d’impuissance, laissé à nos personnages, se caractérise ainsi par la réduction de l’immensité spatiale à une simple force, et ce, dès l’ouverture du film.
Cette force, nous la connaissons tous, c’est celle qui fait de nous ce que nous sommes, en faisant alors d’un principe immuable et logique le vecteur même de l’action, le spectateur n’a pas d’autre choix que d’être plongé corps et âme dans cette épopée. Entre terreur et anxiété, nous sommes amené à littéralement étouffer face au torrent d’émotions qui s’abat sur nous. Jouant avec notre espoir, nos instincts primaires humains et universels, Alfonso Cuarón nous fait sentir toutes les émotions dont le docteur Ryan Stone et Matt Kowalski doivent s’émanciper pour survivre. Cette carence naturelle nous touche d’autant plus que la peur dont sont victimes nos deux protagonistes principaux est naturelle, primaire : la peur du vide et de tout ce qu’il implique. Pour cela, Alfonso Cuarón nous soustrait tour à tour chacun de nos sens, chacun de nos repères, d’abord le son, puis la vue, et enfin le temps. Mais là où Gravity propose une logique originale de chacune de ces étapes, c’est dans sa manière de les soustraire par le contraire. Le son n’est pas inexistant, au contraire, il est violent, omniprésent, la question du temps est un facteur crucial, et pourtant l’on se prend à l’oublier. Car dans la poésie de chaque instant l’on s’étonne de ne plus penser à ce sentiment de survie qui nous animait quelques minutes auparavant, mais à admirer les étoiles, l’immensité de ce que peut représenter la vie.
Alors que le générique nous décrit un court état des lieux, que les textes s’enchaînent timidement, qu’ils nous rappellent que dans l’espace, le silence est roi, vient soudainement détonner une incroyable nappe sonore, d’abord déconcertante puis rapidement oppressante. Ce désordre sonore, symbole de mort et de peur sera notre seul repère. Par le biais de cet univers sonore envahissant, Cuarón offre au silence un leitmotiv inexorablement brisé et mis à mal par le son. Ainsi, les blancs sonores, qui par un souci de réalisme auraient pu empêcher toute existence de bande-son, deviennent épars, mais surtout artifices nécessaires afin de souligner les instants cruciaux. Le silence devient instant de paix pour le spectateur, microcosme où la vie peut se reconstruire étape par étape. Ce travail du son continuel, selon les règles de la perception humaine, presque palpable par la force de ses vibrations, legs à de courts battements de cœur ou des souffles le lourd fardeau d’être témoins et preuves de la vie. Transmis pas la radio, ces sons sont néanmoins rapidement aseptisés de tout timbre humain caractéristique, nous éloignant juste assez des personnages pour nous positionner en temps que spectateur intrinsèque au récit. Ce sont ces mêmes sons qu’attendent désespérément Kowalski ou Stone, nous spectateurs, partageons alors cette même angoisse au sein de ce vide illusion d’une cécité indomptable. Cuarón a fini par nous convaincre alors : la caméra, dans ses mouvements fluides, devient la combinaison du troisième personnage que nous enfilons avec autant de plaisir que d’effroi.
Ce travail sur le néant, Alfonso Cuarón en fera son cheval de bataille tout au long du film, aussi bien formellement qu’idéologiquement. Tout en parvenant à souligner l’immensité presque démoralisatrice de cet espace vide, Cuarón l’isole pour lui donner un aspect presque matériel, signifiant soudainement une nouvelle échelle de l’espace et du temps. Ce néant est aussi la première étape de la réincarnation prônée par le réalisateur tout au long de son récit avant de se finir dans un dernier plan aussi beau que fort en symboles – le format lui même s’opposant à la totalité du film : le 70 mm contre le numérique. Du néant naît quelque chose, le plus petit des objets y prend une importance astronomique. Car ici c’est littéralement le microscopique qui est mis en confrontation directe avec le gigantisme même de l’univers, habilement souligné par une représentation abstraite des distances et de leur tendance à se métamorphoser selon le contexte où elles sont normées. Ainsi, à première vue, lorsque le film s’ouvre sur la Terre et qu’un cosmonaute entre dans le champ, notre seul point de repère sera ce petit point blanc, accompagné par la voix d’Ed Harris.
La musique de Steven Price pourrait paraître de prime abord comme un bruit sonore environnant et surtout trop envahissant par rapport à l’aspect léché et sans fêlures de l’image, et pourtant, l’on pourra saluer un choix exigent de cette nappe sonore. En faisant de cette musique omniprésente une musique presque organique, une véritable tension se met en place. Entre poésie et cauchemar, de vraies subtilités parviennent à notre oreille. Opéra sans limites, aux mouvements bien distincts, et aux scènes clairement découpées, chaque instant où elle se met en place, une nouvelle étape du voyage vers la survie du Dr. Ryan est esquissée. Mais s’il est évident que la bande-son s’avère être un outil indispensable dans cet espace insonorisé, elle permet aussi paradoxalement de nous faire apprécier le silence. Lorsque la radio se coupe, précédé d’abord par l’osmose sonore de l’intégralité des radios, que tous les sons du monde se retrouvent concentrés l’espace d’un instant en un point unique, auquel ont accès Clooney, Bullock et par incidence le spectateur, ce n’est pas à la formation de la tour de Babel que nous avons le droit, mais bien à un bruit pur, violent, dont l’on veut se détacher au plus vite. Pourtant jamais il n’est question dans Gravity de dresser une véritable séparation entre l’espace diégétique et extra-diégétique sonore. Ainsi, lorsque que la musique s’élance, que Bullock tournoie dans le vide, cet outil propre d’un espace externe au film tournoie avec elle, le son se déplaçant aussi anarchiquement que lui permet ce calvaire interminable.
L’on remarque ainsi cette idée que se fait Cuarón, qu’une musique, même extra-diégétique, est l’une des strates indispensables à la conception de notre perception. Cet aspect, achevant de nous immerger dans le récit, nous rappelle aussi que nos sens n’ont plus le loisir de leurs fonctions. Nous tournoyions aussi désespérément que Ryan Stone, perdus et désemparés face à un mouvement auquel nous n’avons aucune emprise. Nous devons réapprendre avec les différents protagonistes du récit à maîtriser notre corps. La résurrection humaine est alors transposée de la fiction à la technique, celle-ci se développant ainsi à chaque instant en filigrane de la réalisation, impliquant d’une manière sensorielle le spectateur. Néanmoins, il est triste de constater que cette musique, même si elle s’avère d’une efficacité fulgurante dans le récit, ne pourra pas survivre d’elle-même. Elle ne s’apparente pas à une partition comme le sont souvent les opéras galactiques, autonomes et intemporels tels qu’a pu les composer Jerry Goldsmith, et ce, même si celle-ci dégage au cours de nombreuses scènes des fulgurances appelant une nostalgie cinématographique fascinante.
Cette nostalgie du cinéma, se sent évidemment aussi dans l’intégralité de Gravity. Il n’est pas possible de parler de Gravity sans mentionner 2001 : L’Odyssée de l’Espace, et pourtant, ce n’est pas parce qu’il est ici nécessaire de le faire, que ce commentaire doit être un constat triste découlant d’une sensation de redondance comme l’imposait le très récent Oblivion. Gravity s’élance simplement sur des réflexions similaires à l’oeuvre de Kubrick, et ce d’une manière bien différente. Aucun jugement de valeur ici, les deux œuvres restants clairement à deux antipodes. Là où 2001 s’apparente à une réflexion abstraite d’une force démesurée, Gravity se permet une certaine transparence dans ses enjeux, non sans proposer des sous-textes que jamais le réalisateur ne cherche à trop appuyer. Jouant tous deux sur des artifices bien différents, l’on pourra néanmoins espérer de la part de Gravity un même héritage, c’est après tout dans le conflit que marquent les œuvres majeures.
Car formellement Gravity instaure un nouveau palier dans l’exploration imaginaire de l’espace au cinéma. Si l’idée du huis-clos est omniprésent par principe dans tout space-opéra, Gravity décide de positionner son point de vue à l’extérieur d’un quelconque cocon métallique. Et pourtant, l’impression de murs invisibles se fait d’autant plus oppressante pour le spectateur, rien n’est réellement délimité dans l’espace, aucune lumière ne permet de s’orienter, chaque étoiles semble être la copie de la précédente. Exercice continuel du plan long, et non du plan séquence, Gravity évolue donc dans une logique presque théâtrale du huis-clos, où un duo se trouverait dans une pièce aux contours infinis prêt à se perdre comme à se retrouver à chaque instant. Pourquoi ne pas laisser aller notre fantasme du plan-séquence ? Et bien parce qu’il est objectif d’admettre que le film dans sa totalité ne représente en réalité qu’une poignée de séquences, si ce n’est même un couple de séquences. À la manière d’un Welles, d’un De Palma ou Hitchcock, Alfonso Cuarón nous fait oublier toute tangibilité temporelle en la déconstruisant à chaque étape de son film. Ainsi, ce qui aurait pu apparaitre comme un véritable gadget de cinéphile, devient un outil narratif hors pair.
En l’espace d’un unique plan d’une vingtaine de minutes, le réalisateur mexicain et le coscénariste Jonas Cuarón (son fils) parviennent à développer tous les enjeux scénaristiques du film. Plus que des sueurs froides, c’est une véritable sensation de vertige sécante à la mort s’abattant sur les astronautes qui prend forme. D’une certaine manière tout Gravity s’approche du travail effectué sur l’introduction de La Soif du Mal. Il faudra attendre les dernières minutes du film pour que la caméra virtuose se décide enfin à changer de rythme et à incarner un véritable mouvement contradictoire à celle imposé durant les 90 minutes précédentes. À la manière de son travail sur l’espace sonore, Cuarón et Emmanuel Lubezki – génial compositeur de l’image à qui l’on doit notamment la photo des trois derniers films de Terrence Malick et de la quasi-totalité de la filmographie d’Alfonso Cuarón — réalisent le même travail de dissection sur l’image. En aseptisant tout un mouvement de caméra, celui-ci, même expérimenté et complexe, devient alors un lien inviolable avec le spectateur, et ce qui devient la norme donnera du sens au reste.
Emmanuel Lubezki réalise un travail de lumière impressionnant en parallèle des contraintes données par la méthode de tournage. Là où il n’existe pourtant qu’une lumière frontale, celle du soleil, il découpe un véritable jeu de silhouettes, dégageant de l’obscurité avec précision chaque corps. Une poésie de l’image se met alors en place, ce spot unique, source de toutes les lumières – et de la vie, permet un jeu de lumières presque organique, où le blanc chirurgical des machines, des combinaisons, s’efface de plus en plus, éclairé par cette source de vie naturelle comme par respect et peur de s’exprimer. Ainsi cette lumière unique permet l’espace d’un plan de retravailler et de clarifier la relation noueuse entre l’image et la fiction, l’espace de quelques minutes, Ryan Stone en position foetale, reliée par un cordon duquel sort un flux de lumière presque aveuglant, devient l’humain renaissant.
C’est dans ce style d’images que Gravity confirme son autre force, celle de s’avérer parfaitement limpide et sans concession quant à ses symboliques et ses métaphores. Sans être insistante, sans chercher à brouiller le spectateur par des métaphores alambiquées, la fiction permet ainsi une réflexion cohérente et forte ; cette image du cordon ombilical se retrouve ainsi dans toute la première moitié du film, reliant avec fragilité les deux dernières âmes voguant dans le néant. Gravity nous amène à oublier quelconque considération mystique pour se considérer sur l’humanisme de l’instant présent. La lumière comme source de vie devient le halo de l’ange gardien du Dr Ryan Stone prenant forme l’espace d’un instant avant de revenir concrètement plus tard. Ce souci du détail permet à Gravity de ne jamais accuser une quelconque baisse de rythme et de crédibilité. Loin de l’aspect visuel d’un documentaire, disons estampillé Discovery, Cuarón développe une imagerie forcément trompeuse, surréaliste, mais pourtant non sans une finesse omniprésente. A travers un simple reflet dans un casque, l’on nous renvoie respectivement un esprit terrifié à l’idée de perdre tout contact visuel, puis la beauté de l’espace. Car avant tout, il ne faut pas oublier que Gravity reste un huis clos à une échelle cosmique. Au-delà de cette poésie se trouve un cauchemar aussi noir que le néant dans lequel voguent ses victimes. Et pourtant, il n’est jamais réellement question d’une véritable peur sidérale du vide, et de ce qui peut naitre de celui-ci. Ainsi, même si la menace est clairement représentée par ce flux incessant de débris, la peur, la plus humaine, se développe autour de l’insignifiant. Quelques centimètres à cette échelle deviennent des kilomètres, car dans cet espace sans gravité, louper une accroche peut être synonyme de mort immédiate. Mais en revanche, lorsque notre destin repose directement entre nos mains, c’est à cet instant que le libre arbitre laisse à l’instinct de survie le contrôle total de nos sens.
Ainsi Gravity réussi le pari risqué de nous plonger directement à travers l’un des protagonistes, voir même à faire de nous un protagoniste concret de ce récit cauchemardesque. Alors que Ryan Stone tournoie seule dans l’espace, nous nous confondons avec elle, nous nous dirigeons dans son casque, voyons sa propre vision de ce miasme de terreur dans lequel elle se fond peu à peu. Choisir de tourner certains plans en point de vue subjectif permet d’accentuer cet effet, créant par la même occasion une sensation de perte de soi aliénante et dont il s’avérera ensuite impossible de se débarrasser. Le format cinémascope est lui aussi crucial lorsque l’on nourrit de telles ambitions d’espaces. Quoi de mieux que ce format pour ouvrir notre vision sur l’immensité de cet espace tout en le comprimant dans l’enceinte d’un casque ? Le hors-champ se voit alors proposé de la même manière une place indispensable, continuité de ce casque dont nous ne pouvons nous débarrasser et le reflet, qu’il vienne d’un miroir ou d’un autre casque, devient source d’espoir. Comment ne pas se mettre à la place des protagonistes dont l’on ne fait pas que suivre, mais bien vivre, l’expérience interminable ?
Et pourtant, il s’agissait bien du seul point effrayant de Gravity, son casting remanié à de trop nombreuses reprises. Le duo George Clooney & Sandra Bullock n’avait franchement rien de réjouissant, entre le sourire estampillé Nespresso et une actrice en chute libre, rien de bien rassurant. Et pourtant, le doute est rapidement effacé, et étonnamment c’est de Sandra Bullock que nous vient la plus belle surprise; fatiguée, creusée, voilà comment nous apparait l’actrice lors des premiers plans où celle-ci se dévoile. En jouant de finesse à travers un regard perçant, elle parvient rapidement à briser le 4ème mur pour nous inviter directement au milieu de cette expérience. Puis lorsqu’enfin elle se dévoile, celle-ci fait preuve d’une humanité touchante et incroyable, accroché à la vie par de petites choses insignifiantes. Les forces de l’univers sont alors vaincues, face à la microscopique force de l’humain.
Edition 2013
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Il y a quelque chose d’assez fascinant qui tend à se dégager de cette nouvelle vague (si l’on peut nommer ainsi cette tendance récente) de jeunes réalisateurs américains indépendants. Outre le fait qu’ils se démarquent d’Hollywood par des productions indépendantes et souvent à petit budget, mais aussi par un passage apparemment baptistaire au festival de Sundance, ces cinéastes ont en commun une manière de filmer si particulière un pan plus ou moins profond du Sud des Etats-Unis d’Amérique. En effet, des réalisateurs comme Jeff Nichols, Benh Zeitlin, Andrew Dominik ou encore David Gordon-Green détiennent une vision âpre, violente et même parfois mélancolique des régions dans lesquelles ils tournent ; et, de l’humidité du bayou aux vastes champs texans à la chaleur pesante, ils parviennent tous sans exception non seulement à donner corps à ces décors déjà fabuleux naturellement, mais ils s’aventurent aussi à les ancrer dans leurs histoires de manière à ce que les environnements deviennent des personnages à part entière. Les films de ces cinéastes dégagent ainsi une puissance souvent enfouie, qui explose parfois, la nature reflétant les états d’âme des personnages. Et cela, David Lowery l’a très bien compris et mène avec Les Amants du Texas une œuvre héritière d’une certaine idée d’un cinéma américain à travers une superbe histoire d’amour assez étonnante dans son traitement par correspondances.
Le film est assez surprenant dans la façon dont il va aborder le couple amoureux tout au long du récit. En effet, les premières minutes du film seront quasiment les seules où l’on verra Bob et Ruth ensemble à l’écran. Un braquage qui tourne mal va mettre fin à leur idylle : Bob est arrêté, Ruth laissée en liberté, mais elle est enceinte. Cette dernière le lui souffle, et il jurera de s’évader pour rejoindre cette famille en construction. C’est cette promesse d’un futur qu’ils passeront tous ensemble qui va motiver le pouls du film. Le temps passe, Ruth accouche, seule, Bob l’apprend en prison. Lowery prend le parti de garder le point de vue de Ruth : en se dégageant du mari, il délaisse ce qui aurait pu être un récit à suspense par un tempo tout autre, lent et pesant, mais toujours plein d’espoir. En voyant Ruth élever son enfant seule, l’on comprend le thème du film : Les Amants du Texas est finalement l’histoire d’une attente, celle d’une femme aimante, peu importe que son mari soit un truand, elle sait que sa promesse de revenir les chercher et de s’enfuir vers un avenir meilleur que leur passé déjà vécu n’est pas une parole en l’air.
Cet amour qui était évident lorsque le couple était uni physiquement va désormais devoir se faire ressentir par interpositions. La passion dans chacun des personnages est présente par l’absence de l’autre, et David Lowery a compris que cette séparation forcée par la loi va aboutir à un travail sur l’ambiance et l’atmosphère qui devront régner autour de la maison de Ruth, qui s’impose comme sa prison à elle.
Le réalisateur, avec l’aide de son directeur de la photographie Bradford Young (qui signe ici un travail des lumières tout bonnement stupéfiant de naturel), joue donc avec la richesse sans fin des décors texans pour créer un climat propice à un ton brûlant, languissant. Ainsi, même si le film lui est propre, il y a des échos criants (volontaires ou non, l’on ne cherchera pas à savoir si ces influences le sont vraiment ou si elles ne sont pas préméditées), d’une part au travail des réalisateurs cités en début d’article, et d’autre part à la filmographie de Terrence Malick, et plus particulièrement à La Balade Sauvage et aux Moissons du Ciel. Le soleil est pesant, le visage impassible de la si belle Rooney Mara laisse deviner une chaleur difficilement supportable qui viendrait s’ajouter à son embarras préexistant. Cette région isolée abrite un microcosme de personnages dont le centre d’attention va vite devenir Ruth, mais aussi Bob dont on commence à se douter de la volonté de s’échapper de prison. Le shérif –celui qui a été blessé par Bob lors du braquage et qui lui a valu la prison- cherche d’ailleurs à attendrir Ruth pour se l’accaparer, faisant douter cette dernière. Car l’attente devient longue, pénible, d’un côté comme de l’autre. Lui veut fonder sa famille loin de son passé, elle a peur de mêler leur fille à une histoire de banditisme qui les suivra à vie.
Si la chose la plus importante rattachant Bob à la vie est de retrouver sa famille, l’histoire du couple s’écrit à travers des lettres qu’ils s’envoient, et dont la voix-off (encore un lointain écho à Terrence Malick) se fait porteuse. Ce sont ces correspondances qui rythment le récit, porteuses des nouvelles de l’être aimé et rendant l’attente encore plus insoutenable. David Lowery joue ainsi tout du long sur la notion du temps qui passe
En ne les ayant montré ensemble que lors de l’ouverture du film, le réalisateur a pris le risque de faire vivre la romance par interpositions, et c’est probablement la direction d’acteurs qui lui a donné ce souffle lyrique si éblouissant. Ce rythme à la fois paisible et troublé, bien que ponctué par quelques événements qui viennent ajouter de l’intensité au récit, est entièrement porté d’une part par Rooney Mara, impassible, qui tout en retenue va faire ressentir cette attente entre l’éducation de sa fille et les moments d’angoisse quant à la situation de son mari ; et d’autre part par un Casey Affleck majestueux, apportant au film toute la fièvre et l’agitation qui viennent précipiter les événements. Rien que dans l’intonation de sa voix, rocailleuse, presque cassée, toute sa personnalité ressort : c’est un personnage cassé par la vie, fatigué de jouer avec la mort, et malgré tout fou amoureux et déterminé à retrouver sa famille. Son absence lui pèse autant qu’à sa femme, c’est lui qui se fait du mal, malgré lui, et qui fait souffrir Ruth, mais elle ne peut pas lui en vouloir. Finalement, même si c’est lui que l’on voit le moins, Les Amants du Texas est mû par des charismes aussi puissants que discrets, aussi beaux que dramatiques.
Bien plus qu’un énième film de southern gothic, Les Amants du Texas joue sur l’ambiance si particulière et propice au drame amoureux de cette région des Etats-Unis. Lowery, probablement conscient de l’exploitation passée des terres sur lesquelles il s’engage, s’impose néanmoins comme un nouvel auteur fiévreux qui, espérons-le, n’a pas fini de se servir de la richesse des décors pour servir au mieux de nouvelles histoires.
Membres du Jury : Vincent Lindon, Lou Doillon, Jean Echenoz, Hélène Fillières, Xavier Giannoli, Famke Janssen, Pierre Lescure, Bruno Nuytten, Rebecca Zlotowski.
Membres du Jury Révélation Cartier : Valérie Donzelli, Laurence Arné, Vincent Lacoste, Géraldine Maillet, Woodkid
Edition 2013
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Enfant noir pendant la guerre de Sécession, Will a pourtant une vision du monde déjà adulte, façonnée par tout ce qu’il subit et fait subir pour survivre au quotidien. Le début du film est d’une violence psychologique assez crue et sans concessions : à la solde d’une troupe de chasseurs de primes, Will et son oncle traquent les humains recherchés ou ayant une valeur marchande suffisamment élevée pour rassasier le gang. Le jeune héros est envoyé chez une fermière cachant des réfugiés chez elle, et cette dernière l’envoie dormir dans une grange ou trois autres personnes sont logées : son butin est là, à portée de main. Mais Will n’est qu’un enfant, et lorsqu’une des femmes lui tend à manger, elle qui semble si faible, il est déstabilisé. En une scène, l’on tient le principal argument que The Retrieval va développer tout au long du film : l’attachement du personnage principal à des êtres dont le destin est scellé par ces chasseurs de primes. Les personnages principaux ont beau vivre en plein milieu de la guerre civile, cette dernière n’est qu’un prétexte pour raconter l’histoire de ce jeune garçon confronté à des choix vitaux. Ainsi, il n’y aura qu’une unique scène de bataille, permettant de restituer le contexte, Chris Eska préférant concentrer le récit sur les relations entre Will, son oncle et Nate, l’homme qu’ils doivent ramener au gang. Le réalisateur guide ses personnages et leur secret à travers l’épaisseur de forêts un peu trop balisées, même si le parcours peut-être pas initiatique mais au moins formateur du héros a le mérite de tirailler une psychologie et d’ainsi éviter tout manichéisme.
L’on ressent d’ailleurs tout au long du métrage cette volonté dans l’écriture de ne pas tomber dans le piège facile des bons d’un côté et des méchants de l’autre. Le sujet du film étant la Guerre de Sécession, on aurait pu s’attendre à une opposition entre les camps du Nord et du Sud, mais c’est ici autour des blancs et des noirs qu’Eska cherche à faire évoluer les pensées dans diverses directions. Peu importe la couleur de peau, le crédo des personnages de l’époque telle qu’elle est représentée est d’agir non pas selon leur conscience, mais par intérêt, ce qui implicite la survie. Will et son oncle vont ainsi accepter la mission du gang qui est de leur ramener un hors-la-loi en faisant croire à ce dernier que son frère est mourant. Faire croire aux victimes de ces coups-montés que sa venue vers eux est sans risques, Will en a l’habitude. L’ouverture du film, minutieuse et semblant être réglée au détail près, confirme le triste professionnalisme du jeune garçon. Le rythme est d’ailleurs lent du début à la fin, The Retrieval se composant surtout de travellings en forêt, allant à la vitesse des personnages, pas spécialement pressés mais toujours à l’affut du moindre danger pouvant surgir de tous les côtés. Ce tempo lancinant permet de mieux sonder la façon dont vont évoluer les trois protagonistes principaux les uns par rapport aux autres. Le mode opératoire mis en place pour livrer les victimes vivantes au gang est vicieux, et le fait qu’un enfant en soit le relai rend d’autant plus détestable les moyens employés par cette troupe. Appâter les victimes en faisant croire à sa propre innocence et son envie de trouver refuge auprès des autres dans un pays en guerre, voilà comment il avait gagné la confiance de la femme dans la grange, et c’est de la même manière qu’il devra procéder pour arriver à amener Nate, le hors-la-loi, aux chasseurs de primes. Tout le dessein du film est de retracer ce parcours en analysant la façon dont Will va réagir face à un personnage auquel il ment quant à ses intentions et auquel il s’attache trop rapidement pour n’éprouver aucun remords. Tout lui avouer et prendre le risque de se faire tuer par les membres du gang, ou bien porter sa mission à terme et avoir la mort d’un homme qui l’a protégé sur la conscience : le dilemme est lourd et amène tout un lot de tiraillements au garçon, mais le fait de l’étirer tout au long du récit s’avère finalement assez léger, voire même répétitif. C’est d’ailleurs pour cela que Chris Eska l’étoffe en parallèle avec l’espoir de son personnage principal de pouvoir aller retrouver un jour son père, qu’il espère vivant. Cette recherche de la figure paternelle va amener tout doucement à l’émancipation de Will face à toutes ces personnes qui balisent ses choix grâce au personnage de Nate, qu’il va voir comme un être remplaçant son père, il éprouvera même de la peine envers lui à cause de ce qu’il lui fait subir sans qu’il ne s’en rende compte. Ce transfert va se faire au fur et à mesure que le récit avance, Nate étant présenté au début comme un homme renfermé et sans scrupules, qui mériterait presque le sort qui lui est réservé. Ce doute quant à la confiance qu’on pourrait lui accorder sera balayé pour ensuite faire place à un esprit protecteur envers Will, qui pourrait être son fils. La transformation de la psychologie des personnages va effacer l’anti-manichéisme mis en place au début du film, et si les ficelles paraissent parfois trop grossières, l’efficacité de l’histoire est bien présente jusque dans son final attendu mais suivant la logique mise en place auparavant.
Le dilemme d’un jeune garçon face au sort d’un homme dont la vie tient entre ses mains, et la recherche d’une figure paternelle de substitution sont les deux thèmes principaux que Chris Eska cherche à croiser dans The Retrieval. Parfois facile, le récit minimaliste a pourtant le mérite d’explorer la psychologie d’un enfant déjà adulte de part ce que la guerre lui fait vivre.
Edition 2013
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50 ans après l’assassinat de J.F Kennedy, la Mostra, Toronto et le festival de Deauville rendent chacun à leur manière hommage à ce triste événement. Mais tous ces festivals on en commun un film: Parkland. Réalisation d’un ancien journaliste d’investigation puis correspondant de guerre et peintre, Parkland, tiré du livre de Vincent Bugliosi : Four Days in November, semblerait s’engager sur la voie de la dénonciation impartiale. Car ce roman, au lieu de se concentrer comme tant d’autres sur les faits survenus le 22 Novembre 1963, se consacre plutôt aux événements suivant l’assassinat du 35ème président des Etats-Unis. Non seulement la théorie du complot n’est jamais réellement soulevée, évitant la redondance perpétuelle de faits déjà-vus et interprétés, mais cette période permet aussi de s’intéresser à l’impact de la mort d’un homme sur toute une population. Produit notamment par Tom Hanks, le film de Peter Landesman ne semble ainsi jamais porter la prétention de critiquer des agissements peu scrupuleux ou d’une logique douteuse dans un contexte de crise. C’est d’ailleurs sur cet élément que l’on trouvera à critiquer dans Parkland, de la part d’un journaliste d’investigation, il était normal d’attendre du film une vision plus globale et riche des événements, hors il laisse à craindre que seule la mise en scène fut considérée comme un outil de réflexion de la part de Peter Landesman, laissant de côté la complexité d’une évolution pour une linéarité bien inadaptée.
Parkland aurait très bien pu être un documentaire. Mais si cette oeuvre en avait pris les formes, Peter Landesman n’aurait surement pas pu évoquer ce qui semble à chaque minute lui tenir à coeur : l’émotion d’un peuple devant la perte d’un grand homme. La mort en elle même de John Fitzgerald Kennedy est entourée de mystères, mais nous en sommes las. Voir et revoir les hypothèses concernant l’assassin présumé du président ne comporte jamais l’aspect humain l’entourant. Tel un morceau de viande, en alimentant ces théories, JFK n’est aujourd’hui devant la communauté internationale que l’homme assassiné le 22 Novembre 1963. Ainsi, même si un nouveau documentaire aurait surement pu rendre hommage à ceux ayant vécu ce triste événement, Peter Landesman décide plutôt de remettre en scène l’assassinat, pour ensuite mieux déconstruire le mythe et le reconstruire autour de ceux qui ont tenté, une minute, ou une journée plus tard, de sauver la mémoire du président. C’est ainsi que s’élance Parkland, déjà ancré dans la salle bientôt mortuaire de l’hôpital éponyme.
Pour mieux nous faire revivre les événements, Peter Landesman décide de mêler, tout du moins durant une première dizaine de minutes, images d’archive et reconstitutions. Habilement, il fait ensuite disparaitre ces premières pour laisser uniquement à la fiction la place de ce mouvoir. Peu à peu, c’est une intrigue à plusieurs enjeux que tente de faire évoluer le réalisateur : celle de l’assassin, des services secrets ou encore du témoin ayant filmé l’assassinat complet de JFK. Cependant, cette mise en place nécessite ensuite un suivi hors-normes tant les personnages se démultiplient. Il n’est ainsi pas rare de se rappeler l’existence d’un personnage à la fin du film ou d’en découvrir un au même instant. Car à l’inverse du documentaire, une fiction nécessite un scénario fort afin de garder la tension durant sa totalité. Peter Landesman ne semble pas se préoccuper de cet argument, laissant à l’Histoire le choix de suivre son propre fil, sans jamais être matée ou contrôlée. Or, de la part de ce vétéran de l’information, il aurait été surement plus judicieux de mieux ausculter certains personnages, chose qu’il ne décide que trop tard en diminuant le nombre d’intrigues en cours de route.
Mais au-delà de ces défauts, tares beaucoup trop importantes pour permettre au film de réellement prendre son envol, Peter Landesman réussi à construire un récit fondamentalement humain. L’hommage n’est ainsi pas dédié à l’homme, mais à ceux qui ont survécu à cette perte, à ceux qui au même instant, ont perdu un être cher. Cette sensation, très forte à travers les personnages des docteurs, l’est encore plus avec le personnage de Jackie Kennedy. Tel un ange protecteur, elle est ici loin de l’image perpétuelle de la femme courant après les morceaux de crâne de son mari. Mais c’est surtout chez les Oswald qu’un travail extraordinaire a été réalisé. Ainsi les passages les plus intéressants du film traitent de la réaction de Robert Oswald, interprété par James Badge Dale, déterminé à faire régner la justice mais aussi à respecter sa famille. Il devient alors le plus objectif parmi une meute de loup assoiffé de sang. Cette course au bouc émissaire symbolise la totalité du film. Plutôt que de pleurer un mort, il semble plus facile de combler un vide par une haine envers un homme qui pourrait être fautif de tous les malheurs du monde. Tel des fossoyeurs, incapable de supporter le regard d’un mort, tous sont pressés d’enterrer l’homme pour avancer vers un autre futur. Il est triste en faisant un tel constant de voir les erreurs de casting accompagnant de si ambitieux personnages. Paul Giamatti a lui seul semble bien déterminé à anéantir la crédibilité de chaque personnage qu’il endosse, et aucun autre protagoniste composant ce microcosme ne parvient à lui donner réellement vie. Ainsi, derrière une mise en scène des plus classiques, Parkland dévoile mais ne rétorque jamais. Coincé dans un cadre qu’il aurait fallu brisé, l’envers de l’assassinat de J.F. Kennedy est trop manichéen pour chercher chez le spectateur une confusion quelconque. Peter Landesman semblait pourtant avoir bien compris qu’en jouant sur de petits détails il était possible de caractériser la valeur d’un homme, et ainsi, lui rendre justice.
Parkland est un récit à double tranchant. Trop classique et trop ambitieux, le film manque surement simplement de visages sincères pouvant supporter de tels aveux. But à moitié accompli par Peter Landesman qui pourra parvenir à toucher, mais sans doute pas convaincre.
Edition 2013
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Le traitement pour vaincre le cancer du sein de Lily est sur le point de se terminer. Elle a beau être déjà adulte, l’héroïne a encore un visage d’enfant, ses cheveux qui commencent à repousser après la chimiothérapie lui donnent un aspect de petit garçon sur qui la maladie est tombée sans prévenir et a fait de ce drame une situation a assumer au quotidien. Cette apparente fragilité physique détonne pourtant avec la façon dont Lily voit le monde, et c’est ce qui lui confère cette vulnérabilité touchante, presque agréable à vivre.
Si le film se contente de la suivre dans son quotidien sans jamais appuyer sur l’injustice de la maladie, c’est en grande partie grâce à son actrice, Amy Grantham. En effet, pour son premier long-métrage, Matt Creed s’est attelé à l’écriture du scénario avec cette dernière car elle-même a vécue cette situation, et il est donc logique que ce soit elle qui en interprète le rôle principal. Entre les derniers rendez-vous chez les médecins afin que toute éventualité d’un réminiscence de la maladie survienne, Lily observe le monde qui l’entoure, tout en étant observée mais jamais jugée par la caméra. Finalement, le film ne s’intéresse pas tant que cela à ce cancer, mais plutôt à la façon dont le personnage va retrouver une vie normale, comme avant. Cette distance qui est toujours gardée avec la frontalité touche presque à l’exercice de style pour un jeune réalisateur voulant livrer une oeuvre singulière, et le résultat, à défaut d’être tout le temps passionnant et passionné, s’avère un minimum attachant de part son intimité préservée.
Il y a dans Lily plusieurs petits détails qui peuvent paraître anodins mais qui finalement contribuent à rendre le personnage crédible et allant dans un même système de pensée. Par exemple, elle ne cherche pas à exposer a toutes ses connaissances le fait d’avoir vaincu son cancer, bien au contraire. Dans un élan inné de modestie quotidienne, elle sait garder pour elle des choses qui pourraient créer de l’empathie chez les autres, soit par gène d’en parler, comme avec ses amis, soit par des antécédents familiaux qui font barrage à toute communication, comme avec son père, qui ne saura pas que sa fille a été malade.
Le réalisateur utilisant sa caméra comme un point de vue d’une neutralité totale, les champs de l’interprétation et du jugement sont laissés libres au spectateur. Ainsi, l’aspect purement contemplatif peut laisser totalement indifférent car c’est l’actrice qui ici dirige la caméra, et non l’inverse. Creed laisse complètement vivre ses personnages, à tel point que l’on pourrait comparer certains aspects de la vie de Lily à ceux de personnages issus des films de François Truffaut. Amatrice d’arts, elle cherche à y vouer sa vie mais peine à percer.
Lily dessine aussi un récit de maturité pour son personnage principal, qui va passer du renoncement à l’acceptation de son physique « transformé », et cela grâce au soutien de ses proches. La séquence était forcément obligatoire dans un film sur ce sujet, le passage est un peu facile mais il arrive à tenir la route sans tomber dans les clichés, toujours grâce au traitement léger et enlevé du cinéaste, qui filme une tranche de vie comme il tournerait un documentaire, plutôt que comme il met en scène des acteurs autour d’un thème bien écrit. Matt Creed utilise d’ailleurs le terme de vulnérable pour désigner le personnage. En effet, le film commençant à la fin de son traitement, l’on ne peut pas spécialement affirmer que Lily soit ou pas une battante dans l’âme, mais sa personnalité repose sur une dualité plutôt naïve mais pourtant assez fouillée pour qu’elle retienne l’attention.
D’un côté, l’héroïne pense retrouver sa vie d’avant comme si de rien n’était, sans nouvelle étape à reconquérir ou d’anciennes connaissances à recontacter. Cette Lily là est douce, souriante, joyeuse et pleine d’entrain, prête à découvrir de nouvelles choses et à croquer la vie à pleine dents comme si elle vivait une renaissance. Elle n’a (presque) pas honte de se mettre à apprendre les claquettes en pleine rue ou à faire un bruit infernal chez elle jusqu’à ce que les voisins interviennent, et ce penchant insouciant la rapproche parfois de personnages du burlesque, jusque dans les mimiques taillées dans sa bouille d’ange.
De l’autre côté, l’on fait face à une femme qui vient de sortir d’une période difficile aussi bien physiquement que moralement, et cela se lit aussi bien sur son visage souvent fatigué que lorsqu’on l’entend monter ses interminables escaliers avec peine. La crainte d’une rechute semble autant la contrarier que l’envie et l’angoisse de retisser des liens avec ceux qu’elle connaissait avant que son cancer ne la ronge.
Lily a beau être trop distant pour passionner, le film a au moins le mérite d’assumer sa singularité avec honnêteté du début à la fin. Ne tombant jamais dans le pathétique ou le mélodrame, Matt Creed fait de son premier long-métrage une chose touchante et agréable à vivre, comme si l’on vivait le quotidien de l’héroïne à ses côtés.
Edition 2013
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Logan et Noah Miller, les deux frères jumeaux à l’origine de Shérif Jackson, aiment le western, c’est certain, et essaient à travers leur film de rendre hommage à ce genre aux codes bien spécifiques, tout en y ajoutant ce que l’on pourrait appeler leur patte personnelle. Le problème réside dans le fait qu’ils ne savent pas du tout comment faire pour honorer un film de genre, et la volonté de vouloir le rendre original afin de le démarquer termine définitivement d’enterrer une oeuvre qui aurait pu être absolument folle lorsque l’on voit les germes d’idées extravagantes qui parsèment tout le film.
En effet, le film s’ouvre sur deux scènes complètement fantasmées qui introduisent deux des personnages principaux : l’un est Shérif Jackson, hurlant comme un loup et chantant au crépuscule sur une colline désertique, paysage de western par excellence, l’autre est le Prophète Josiah, brisant le quatrième mur en récitant des paroles bibliques dans un vaste vide noir d’où naissent d’immenses croix blanches. Des images de paradis ou d’enfer, on ne sait pas trop, mais quoi qu’il en soit, les images sont d’une provocation graphique impressionnante. En quelque plans, les deux frères signent ici la promesse d’un film original et apportant une fantaisie hallucinée manquant parfois cruellement à un western habitué à être terre-à-terre.
Mais très vite, la désillusion prend le dessus sur l’émerveillement procuré par l’ouverture du film. En se mettant en scène immédiatement après cette dernière dans les rôles de deux personnages pathétiques qui seront d’ailleurs réutilisés plus tard dans le métrage sous la forme d’un prétexte à peine utilisé, les cinéastes sèment des indices quant à la tournure que va prendre le ton du film. La césure entre l’épouvante des premières images et l’humour décalé de cette scène laisse doucement la parodie pointer son nez. Sauf que pour envisager de parodier un genre si particulier que le western, il faut déjà en maîtriser les codes afin de mieux les détourner. Et c’est ici que la réalisation de Shérif Jackson pêche complètement et plombe totalement le film jusqu’à la fin. Les frères Miller semblent eux-même avoir du mal à tenir les rennes de leurs ambitions, le non savoir-faire se ressent au fur et à mesure que se déroulent les aventures de la galerie de personnages plus absurdes les uns que les autres. Du coup, ils n’ont d’autre choix que de bifurquer sur un autre terrain, celui de l’attirance des yeux par des jeux de couleurs et de lumières agréables, et par des gags de bas étage.
Le western, genre si attrayant rien qu’au niveau visuel, est ici totalement inexploité, et c’est dans ce sens que la parodie n’aboutit jamais. Il aurait fallu un environnement assez puissant de bout en bout pour pouvoir ensuite en détacher un regard amusé sur des personnages ou des situations typiques de ce genre de films, mais au bout du conte, rien n’est exploité comme il le faudrait. Les paysages désertiques ne sont plus qu’un prétexte pour y apposer des personnages qui auraient pu évoluer dans n’importe quel autre décor, leur mise en scène comme les simples choix de cadrages font qu’ils ne sont utilisés au mieux de manière hasardeuse, au pire pas du tout. Il en va de même pour les villages typiques implantés en plein milieu du désert et bien souvent victimes des règlements de compte entre figures burinées : ici, les grands rues ne sont à peine filmées et toujours cantonnées à une pincée de boutiques, qu’on ne voit en plus quasiment que de l’intérieur (aucun armurier par exemple, ni même de saloon). Les Miller préfèrent régler le passage inévitable du face-à-face final dans un enclos à moutons, et si en soit l’idée n’est pas si stupide qu’elle aurait pu en avoir l’air, le résultat est ridicule car encore une fois les mauvais choix en termes d’utilisation des espaces sont faits.
L’on peut au moins saluer dans Shérif Jackson l’absence de manichéisme dans les personnages, les rapprochant un minimum de ce que Sergio Leone avait su imposer magistralement. Tous ont un passé, des convictions, des états d’âme qui peuvent varier en fonction des événements et au final les rendre attachants ou méprisables. Mais cela ne va malheureusement pas plus loin, car ils se perdent tous dans un récit totalement disparate, les Miller ne sachant pas comment faire avancer, puis terminer une histoire à peine lancée. Ainsi, le pitch parle de Sarah comme l’héroïne devant venger la mort de son mari, mais dans les faits, il n’y a pas qu’un personnage principal, mais trois avec le shérif et le prophète. Encore une fois, cela aurait pu aboutir à des situations donnant des ressources à la parodie, mais ici le comique triangulaire s’effondre à cause d’un melting-pot d’intrigues sans queue ni tête. D’un but principal, le récit s’éloigne vers quelque chose de secondaire qui va finalement reprendre la place de fil rouge tandis que l’histoire première ne sera jamais résolue. Ils se contentent de ne prendre que ce qui leur paraît le plus intéressant dans chaque personnage, sans pour autant faire interagir ces forces comme il se doit pour qu’un intérêt ou un élan quelconques s’en dégagent. Et c’est ainsi pendant tout le film, la caméra ne sait pas où aller, quand s’arrêter, à quel moment laisser des pauses. Car en essayant de citer les Coen ou Tarantino, Logan et Noah Miller s’attaquent à des monstres de rythmes, et vont en faire un des nouveaux défauts principaux de Shérif Jackson. L’accumulation d’intrigues et la volonté de créer un rythme soutenu et haletant ne se mélangent pas comme prévu et cela aboutit à une bouillie de ce qui aurait pu être harmonieux.
S’il faut avouer la fadeur du jeu de January Jones en veuve vengeresse, le Prophète Josiah interprété par Jason Isaacs et Ed Harris en shérif ont tout de personnages de cinéma au potentiel déflagrateur. Ces deux gueules ont beau ne pas être optimisées pour pousser le film vers de plus hautes ambitions, ils sont néanmoins la preuve que les deux réalisateurs ont eu de la suite dans les idées, ne serait-ce que dans ce que les acteurs dégagent visuellement au milieu d’une galerie de personnages sans grande saveur. En tant que méchant attitré, puisqu’apparemment il faut en désigner un, le Prophète bénéficie d’un charisme et d’un travail soigné dans la voix, mais l’acteur grime trop ses gestes pour convaincre d’une noirceur profonde qui motiverait ses actes. Lui faire réciter des prières à la gloire de Dieu tout en commettant des pêchés peut être amusant sur le coup, mais l’ambition comique du film s’arrête là. Le ton est pénible, toujours dans l’excès sans pour autant maîtriser tout ce qui devrait aller avec, du moment que l’aspect graphique du film soit attirant. On ne peut pas dire que les Miller manquent de passion pour leur sujet, mais plutôt d’un manque cruel de moyens artistiques pour faire passer leur vision de Shérif Jackson.
Shérif Jackson est un triste exemple de cinéma arbitraire de bout en bout. Il faut connaître un minimum le western lorsque l’on essaie de s’atteler à la dure tâche d’en emprunter les décors et les personnages pour en faire un film décalé. Les frères Miller ne semblent pas maîtriser ces codes si spécifiques et le film aboutit à un résultat final non pas catastrophique, mais surtout à un immense gâchis en vue de certaines idées fulgurantes du duo de réalisateurs, qui dirigent leur petit monde dans un hasardeux et joyeux bordel.
Edition 2013
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Chaque année, Deauville a le droit à un ou deux ovnis qui ne semblent pas avoir leur place dans la compétition officielle. Non pas que les films soient mauvais, mais plutôt proposés à un public concrètement inadapté. Blue Ruin en est le parfait exemple, et sa sélection à l’Etrange Festival 2013 confirme la crainte évoquée. Car ce film, déjà présenté à la Quinzaine des Réalisateur de Cannes, est bel bien un film de genre. Il est d’autant plus triste de faire ce constat que le film est parti pour être l’un des meilleurs films de la compétition.
Vigilante anti-manichéeen, porté par la performance incroyable de Macon Blair, le second film de Jeremy Saulnier abandonne toute once de comédie pour ne proposer qu’une épopée noire et déstabilisante. Evidemment, c’est donc du western que Jeremy Saulnier décide de tirer le plus de codes. Créant un microcosme de vengeance ne menant à aucun but apparent, soulevé par un désir violent et presque pervers, le réalisateur propose une odyssée surprenante où de simples personnages, parias par leur aspect ou leur passé, s’entrechoquent dans des accès de rage outre-mesure. Jouant sur un doute perpétuel du spectateur concernant la logique de ses personnages, à l’aide d’une vision minimaliste des dialogues, rares mais primordiaux, le réalisateur se rattrape rapidement en élevant à crescendo la vengeance, qui laisse alors place à une guérilla préventive, elle même source de nouveaux conflits.
Alors que le film démarre sur ce personnage étrange, dont on ne connait rien, aucun indice ne laisse transparaitre la direction sur laquelle bifurquera soudainement le film. D’apparence simple vagabond voguant de maison en maison pour se laver avant de rejoindre son épave roulante, dernier abri le protégeant, Dwight n’est jusque là qu’un échantillon humain. Cependant, c’est in medias res que Jeremy Saulnier décide de nous introduire l’histoire de Dwight. Jamais il n’est question de s’apitoyer sur son sort, pas d’empathie, pas d’accroche émotionnelle sur un personnage nous partageant pourtant une mélancolie pure par le biais d’un simple regard. Et lorsqu’enfin le film se décide à nous donner une clé sur la raison de cette situation, il l’introduit de sorte à nous berner. Là où naît chez le spectateur une empathie naturelle liée au deuil et un sentiment de protection, une vengeance prend en réalité forme. Inutile alors de laisser une place aux mots, le geste est simplement utile. Sans un mot, notre vagabond brise sa routine que nous venions à peine de voir prendre forme pour laisser place à une quête personnelle.
Ainsi, il faudra attendre une nouvelle fois que les mots reprennent leur place pour que le récit puisse évoluer sur une nouvelle ouverture, tiraillant le spectateur et le personnage d’un sentiment de doute permanent.
Néanmoins, Jeremy Saulnier construit aussi habilement un personnage en évolution constante. Dwight, vagabond par choix, ermite par nature dans un univers où la sauvagerie a eu raison de son innocence, se construit une personnalité en perpétuelle évolution. S’adaptant aux choix faits, bons comme mauvais, jamais ce dernier ne cherche à s’arrêter, même en situation sûre. Car malgré la volonté profondément égoïste qui anime dans un premier temps ses choix, les conséquences de ceux-ci ne sont pas sans dommages collatéraux. Tout s’écroule autour de lui, les amis et la famille qu’il a volontairement quitté le quittent avec autant de facilité. Soudainement, le personnage change aussi bien physiquement que psychologiquement, comme si la réincarnation avait été accomplie, que la vengeance avait laissée place à l’instinct naturel de survie, masqué derrière un ressentiment faussement familial. L’homme tue finalement avec autant de facilité si ce n’est plus que celui qu’il recherche. Cette paix utopique, qu’il espérait croiser lors de sa résurrection personnelle, ne pourra être atteinte qu’à la transmission du nouveau fardeau que lui même s’est conçu, fardeau de haines et d’incompréhension.
Une telle force à travers un personnage pourtant si simple n’aurait surement jamais pris forme avec un acteur autre que Macon Blair. Véritable révélation du film, ce dernier nous partage la même mélancolie contagieuse du regard qu’avait porté Javier Bardem dans Biutiful. Véritable canevas à multiples facettes, l’acteur évolue autant que le permet son personnage. Son regard, d’un simple coup d’oeil, annonce la chute ou la réussite de ses espoirs de vie paisible. Quel que soit son état, où l’avancement de son but, l’acteur parvient à retranscrire un jeu en finesse, débordant d’émotions sauvages et imprévisibles.
Car jamais il n’est possible de réellement prévoir comment va progresser l’histoire de Blue Ruin. Imprévisible de bout en bout, le personnage suit respectivement des instincts humains, puis primaires. Les rares instants plus légers sont crées par des personnages miroirs d’un drame qui a indirectement joué un rôle dans la vie de tout un chacun. Comédie il n’y a jamais, si ce n’est pour ressasser un passé comme perdu à jamais, à la fois proche et pourtant intouchable. Un tel passé n’est alors plus envisageable lorsque la machine de la haine, spirale perpétuelle, se met en marche. Pourtant, étrangement, face à tant de violence, le réalisateur cherche tout de même à accomplir jusqu’au bout l’odyssée de son personnage, quitte à faire de lui un monstre traumatisé par ce qu’il vient de mettre en marche. Ce monstre, l’on s’y accroche, seul regard humain dans cette vendetta.
Néanmoins par cette envie d’utiliser les codes de plusieurs genres après avoir quitté le western, le film se perd quelque peu, parfois obscur sur les intentions du personnage principal. Par facilité, l’on pourrait y voir un reflet de la personnalité de celui-ci, mais cette facilité accuse tout de même plusieurs baisses de rythme. Mais ce n’est pas sans un certain plaisir que nous voyons le personnage de Dwight Evans tour à tour chuter pour mieux se relever. Car loin du personnage caractéristique du cinéma américain, Dwight n’est qu’un grand enfant évoluant dans un univers meurtri par les armes.
Ainsi, d’aucun verraient à travers le film émerger l’idée que le film porte cette aspect moralisateur du lobby des armes à feux. Impossible dans un tel contexte de faire abstraction de ce problème social qui justifie à lui seul la totalité du film et les différentes crises qui s’y déroulent. Cependant, le film n’a pas été pensé ainsi, le réalisateur Jeremy Saulnier étant allé jusqu’à couper du montage certaines répliques tranchant dans le vif du sujet pour concentrer le spectateur sur le récit même du film.
Road movie fascinant d’un homme qui n’a plus rien à perdre, Blue Ruin est une oeuvre atypique où la violence devient argument de foi. Parfois perdu entre différents genres, le film se rattrape néanmoins très rapidement pour proposer une vision étonnante de la violence humaine.