The Sessions - Affiche

Deuxième film de Ben Lewin, après la réalisation d’un court-métrage tourné à Paris il y a plus de vingt ans et mettant en scène notamment Jeff Goldblum et Jacques Villeret, puis d’un passage à la télévision, The Sessions, s’il ne fait pas énormément parler de lui en France, a visiblement conquis à la quasi-unanimité la critique américaine. En effet, il fait partie de ces films qui font beaucoup parler d’eux : multi nominé et notamment récompensé du prix du jury à Sundance, il était forcément attendu au tournant, avec tout de même cette méfiance qui accompagne ces œuvres glorifiées de partout. Adapté de l’histoire vraie de Mark O’Brien (ou plutôt de l’un des essais de ce dernier, intitulé « On Seeing a Sex Surrogate »), The Sessions s’infiltre dans la vie de cet homme condamné à vivre le restant de ses jours allongé en permanence, car paralysé par la polio. Le film ayant un potentiel mélodramatique intense, le réalisateur prend à contrepied son sujet en donnant à son personnage un objectif précis : se dépuceler. C’est ainsi que le ton vire immédiatement vers la comédie dramatique, et si ce choix est plutôt intéressant sur le papier, le résultat final manque clairement de relief et en devient finalement plus insignifiant que touchant.
Si le film s’ouvre sur des archives vidéo montrant le vrai Mark O’Brien, ce n’est pas un hasard. On le voit sur son « lit roulant », on l’entend parler, on comprend que seul son cou peut s’articuler. En faisant cela, Ben Lewin permet de justifier le jeu de John Hawkes, certes incroyablement juste, mais qui va jusqu’à imiter sa propre voix, ce qui pourra paraître pénible à la longue. Le ton est d’ailleurs immédiatement donné par le personnage, car c’est évidemment lui qui dirige tout le récit. Au lieu d’avoir une personne s’apitoyant sur son sort, Mark est un homme qui joue énormément sur l’humour et l’autodérision, comme pour échapper à son irrévocable quotidien. Et c’est là que demeure tout le problème de The Sessions : prendre un personnage en contre-emploi est une bonne idée en soi, mais il faut que le reste du film soit dans le même registre. Ici, l’intention de Ben Lewin se sent instantanément, il veut à tout prix éviter de tomber dans le mélodrame tire-larmes. Mais cette démarche est-elle si honnête que cela ? Difficile d’y répondre, car le film est constamment le cul entre deux chaises. Touchant, il l’est forcément, une histoire comme celle-ci ne pouvant pas laisser de marbre, même en évitant à tout prix le pathos. Mais il finit irrémédiablement par tomber dedans, et ce par petites touches dispersées discrètement tout le long du récit, que ce soit par la musique ou par une mise en scène plus appuyée que la normale.
L’équilibre entre humour et émotion est rarement trouvé, faute à un choix définitif du réalisateur de savoir ce qu’il désire comme sensation finale pour le spectateur.

The Sessions 1

The Sessions est somme toute assez minimaliste dans ses effets. Le réalisateur a pris le parti de dépeindre un monde finalement assez simple, à l’image du film, se contentant d’une poignée de décors, meublés et décorés du strict minimum, afin de laisser toute la place à ses personnages. Il s’enferme ainsi dans un univers qui à l’image semble protecteur et confortable, appuyé par une lumière qui paraît très naturelle, parfois tamisée, le tout dans des saisons réconfortantes qui prennent le meilleur du printemps et de l’automne. Mais ce microcosme nuit au développement des personnages, qui restent certes peu nombreux, mais dont la plupart sont réduits à de simples bouche-trous qui font irruption lorsque le récit a besoin de reprendre de l’ampleur. Même Mark n’est en définitive pas si ample qu’il le laisse paraître : son objectif ne va que peu changer au cours du film, et lorsque son esprit va s’attarder sur de nouveaux éléments (en l’occurrence, éprouver des sentiments pour son assistante sexuelle), ce sera quelque chose de déjà attendu et deviné plus tôt. Seuls deux personnages arrivent avec peine à produire réellement de la profondeur à une histoire plutôt faible. D’une part Cheryll, l’assistante de Mark, dont l’ambition et les pensées envers Mark vont évoluer en fonction de ce dernier, demeure intéressante car c’est finalement elle l’élément déclencheur d’un tout qui va mener l’aventure à son terme. D’autre part, l’utilisation à contre-emploi du prêtre s’avère plutôt maligne ; son look plutôt rocker qu’homme d’église lui confère de manière inconsciente la légitimité de devenir le confident le plus précieux du protagoniste principal.

The Sessions 2

C’est d’ailleurs à travers ces deux personnages que le film arrive à devenir un objet curieux, et ce un peu malgré lui, car il soulève des questions taboues. En effet, Ben Lewin a lui-même déclaré ne pas avoir voulu faire réfléchir son spectateur à des thèmes sociétaux, mais avant tout à raconter une histoire, et faire le spectateur s’attacher aux personnages. Le prêtre tout d’abord, en plus d’être amusant dans son image totalement détachée et improbable du rôle, s’impose tranquillement comme un vent de nouveauté au sein d’une Institution vieillissante et conservatrice. Sa relation avec Mark l’oblige en quelque sorte par acquis de conscience à voir plus loin que les règles et à agir selon sa bonne volonté. Il en est de même pour Cheryll, l’assistante sexuelle, qui relève en délicatesse le voile très trouble qu’il peut y avoir entre son métier et la simple prostitution. En aidant Mark à son éveil sexuel, elle endosse une responsabilité énorme d’un point de vue moral qui fait de sa profession quelque chose d’unique.
The Sessions se veut sans tabou vis-à-vis de la nudité : en effet, on y voit à plusieurs reprises Helen Hunt complètement nue, et sur ce point-là le film se veut mature car abordant un corps nu sans aucune fioriture, il est presque montré comme un objet divin mais pas sexuel. Et c’est aussi la limite et la maladresse d’écriture de The Sessions : il veut prouver que montrer un corps féminin n’est pas un problème au cinéma, mais n’en fait pas de même pour celui de John Hawkes. En effet, et ce paradoxalement, sous réserve du handicap, le corps de Mark n’est jamais entièrement dévoilé. Non pas qu’on ait forcément envie qu’il le soit, mais cela démontre la non-prise de risque de cette histoire certes intime, mais finalement assez insignifiante dans sa globalité.


Mark fait paraître une petite annonce : « Homme, 38 ans, cherche femme pour relation amoureuse, et plus si affinités. En revanche paralysé… Amatrices de promenades sur la plage s’abstenir… »
L’histoire vraie et bouleversante d’un homme que la vie a privé de tout, et de sa rencontre avec une thérapeute qui va lui permettre d’aimer, « comme tout le monde ».


A trop vouloir prendre ses distances avec le mélodrame, The Sessions n’arrive pas à trouver la bonne justesse de ton pour nous toucher. Il est d’autant plus dommage que les quelques questions intéressantes que le réalisateur soulève ne soient pas l’un des objectifs principaux du film, ce qui le rend globalement insignifiant.
Titre Français : The Sessions
Titre Original : The Sessions
Réalisation : Ben Lewin
Acteurs Principaux : John Hawkes, Helen Hunt, William H. Macy
Durée du film : 1h35
Scénario : Ben Lewin
Musique : Marco Beltrami
Photographie : Geoffrey Simpson
Date de Sortie Française : 6 Mars 2013

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Rédacteur Ciné

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