En France, si ce n’est une romance, c’est à l’autre extrême que l’on a souvent à faire. Pascal Laugier, se réclamant de ce nouveau genre, l’avait souligné avec son précédent film titré Martyrs, film qui avait su faire parler de lui par son approche très crue et primitive de ce que l’on appellera couramment un mythe urbain. The Secret, ou The Tall Man, son nouveau film, inexactement sous-titré et comparé avec Sixième Sens par son approche et sa construction autour d’un twist violent, s’attaque de nouveau à ce qui pourrait être l’une de ces sombres histoires sordides de l’Amérique profonde. Son récit se voulant avant tout dérangeant et d’une ambiguité certaine, utilise alors ce twist non pas pour nous déranger, mais pour mettre à jour les véritables fondements de son histoire.  Malheureusement, The Secret ne va pas plus loin qu’un pseudo film d’épouvante, ne tenant pas longtemps les rares bribes d’ambiances, tenant elles du thriller, allant se perdre totalement sur un final revenant rajouter une couche inutile sur une concept devenu déjà évident à ce moment du film. Nous sommes bien loin du principe de base prévu par Pascal Laugier, surement trop ambitieux, trop jusqu’au-boutiste, ce ton final présent tout au long du film semble désuet et inadapté au message, devenant parfois trop évident. Là où The Secret aurait pu devenir une magnifique fable noire, car matière il y a, son intrigue trop évidente, à peine cachée, fait que la sauce ne prend pas, et de peu.

Toute la première partie du film est là pour nous induire dans une certaine ambiance, nous préparer habilement au twist à venir, car dépassant le simple récit d’épouvante, l’histoire commence peu à peu à se construire et à enfin se montrer sous un jour plus intriguant. Cette histoire, totalement plausible, se retrouve malheureusement engendrée par un évènement dont la simple existence découle d’une coïncidence plus qu’aberrante et sans le moindre sens quelconque, que par de nombreuses manières elle était dispensable ou corrigeable. Ce passage montre que Pascal Laugier, malgré son perfectionnisme tournant autour de du récit, semble ne pas se préoccuper de ce qui soutient la partie la plus importante de son histoire, élément visiblement trop quelconque. Ce souci de logique devient réellement intriguant lorsqu’on en arrive justement à ce qui découle de cette partie : la fin est là elle aussi pour nous secouer, volontairement ambiguë sur la morale de l’histoire, de ses personnages, et surtout de leurs choix. Principe constamment mis en avant, le réalisateur cherche à nous faire réfléchir sur ce qui définit nos actes, faut il agir, ou rester de marbre face à ce qui nous dégoute, quitte à mettre un pied dans un univers haït de tous. Pour cela, non content de la seule présence de son twist, Pascal Laugier nous laisse en plan à la fin du film, fin totalement ouverte, non sur le déroulement des évènements futurs, mais sur son jugement. Si maladresse il y a, c’est qu’au final si nous autres spectateurs sommes amenés à prendre parti, le réalisateur dit assumer une approche totalement neutre. S’il n’est clairement pas le fondateur d’un nouveau concept, le cinéma nous a montré que ce genre de fin pouvait tenir la route, quand il y a matière pour orienter la réflexion, ce qui n’est pas la cas dans The Secret. Tout au contraire, cette fin ne fait finalement que nous embrouiller un peu plus, nous persuadant alors justement du contraire, que Pascal Laugier a un message. C’est donc sans difficulté que l’on peut rester bloquer à la moitié du récit, le film changeant soudain de bord, soit l’on reste coincé sur ce point, la suite du film se rapprochant d’une belle blague fade, soit l’on accepte de jouer le jeu, de voir où l’on veut nous emmener, de se fondre ou non dans le récit, et c’est sur ce point que le film joue alors avec brio.

Car le film est loin d’être sans qualités, si les dernières minutes du film et la manière dont la seconde partie sont clairement amenée de manière maladroite, il reste évident qu’entre les deux reste une situation mettant en avant l’ambiguïté de son scénario et de ses personnages. Il est impossible de déceler au départ la véritable thématique du film, lorsque tout s’effondre, de déceler qui est le bon, qui est le mauvais, qui dans cette population est le boogie man, le « Tall Man », ce mangeur d’enfants, et la population devient une sorte de famille dégénérée. Qui finalement est celui qui provoque la peur dans cette petite ville ? C’est avec ce sentiment d’angoisse que Pascal Laugier porte son film de manière équivoque et dérangeante. La voix off portée par Jodelle Ferland que l’on a pu voir notamment chez Christopher Gans dans Silent Hill, permet à la fois de fluidifier le récit et d’appuyer son atmosphère, mais aussi d’échapper de justesse à de beaux clichés. Pour ce film, le réalisateur se permet une tête d’affiche : Jessica Biel. Malgré son départ en retraite anticipée vers des seconds rôles quelconques menant peu à peu à sa disparition totale, l’actrice que l’on avait pu apercevoir dernièrement dans L’Agence Tout Risques prend son rôle à cœur. Julia Denning semble totalement habitée par l’ambiguité du récit, notre jugement face à ce personnage candide, pourtant amené à l’extrême en temps que mère, fini par ne plus rien représenter, ne plus prendre aucun sens. Les laissés pour compte en revanche sont paradoxalement les enfants, ici placés dans un état proche du point zéro de l’intelligence humaine et pourtant centre même de notre histoire. Alors que ces êtres sont le centre même de l’histoire, Pascal Laugier les balaie de nouveau d’un geste de la main, devenant simples outils au récit, et ne faisant naitre ainsi aucune once d’inquiétude ou de sentiments pour eux. Le travail de Kamul Derkaoui est au final peut être la seule vrai surprise, même si l’étalonnage n’est pas toujours agréable, particulièrement brut, la photo permet à certains plans de disposer d’une véritable existence, et d’être dotée d’une signification forte. Scènes par lesquelles le récit avance au final par lui même, ne nécessitant aucun dialogue accessoire pour nous en faire comprendre ses enjeux.


Chaque année 750 000 enfants disparaissent aux Etats-Unis. La plupart d’entre eux sont retrouvés dans l’heure ou les jours qui suivent. En revanche, 0.3% d’entre eux disparaissent à jamais sans laisser de trace. A Cold Rock, petite ville minière isolée, plusieurs disparitions suspectes ont été répertoriées ces dernières années. Chaque habitant semble avoir sa théorie sur le sujet mais pour Julia, qui fait office de médecin dans cette ville sinistrée, ce ne sont que des légendes urbaines. Une nuit, son fils de 5 ans est enlevé sous ses yeux par un individu mystérieux. Elle se lance à sa poursuite sachant que si elle le perd de vue, elle ne reverra jamais son enfant.


Avec The Secret, c’est au final non pas un film d’épouvante que tente de nous signer Pascal Laugier, mais bien un thriller dans les règles. Posant son révolu sur une ambiguïté morale et scénaristique, le récit n’arrive pourtant pas à décoller et à nous mettre dans un état de tension continue, car à trop vouloir en faire, il ne fini que par trop nous en dire, et la fin se dévoile alors bien trop tôt.
Titre Français : The Secret
Titre Original : The Tall Man
Réalisation : Pascal Laugier
Acteurs Principaux : Jessica Biel, Stephen McHattie, William B. Davis
Durée du film : 1h45min
Scénario : Pascal Laugier
Musique : Todd Bryanton
Photographie : Kamal Derkaoui
Date de Sortie Française : 5 Septembre 2012

A propos de l'auteur

Rédacteur stellaire, parle cinéma, jeux-vidéo et de bien d'autres choses inutiles. Dirige entre autres les larbins qui enrichissent ce blog fondé quelque part aux environs de l'an de grâce 2011. Raconte des bêtises sur @noxkuro

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