[one_third last="no"]Deauville[/one_third][two_third last="yes"]

FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE

Edition 2013

COMPETITION

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Le traitement pour vaincre le cancer du sein de Lily est sur le point de se terminer. Elle a beau être déjà adulte, l’héroïne a encore un visage d’enfant, ses cheveux qui commencent à repousser après la chimiothérapie lui donnent un aspect de petit garçon sur qui la maladie est tombée sans prévenir et a fait de ce drame une situation a assumer au quotidien. Cette apparente fragilité physique détonne pourtant avec la façon dont Lily voit le monde, et c’est ce qui lui confère cette vulnérabilité touchante, presque agréable à vivre.
Si le film se contente de la suivre dans son quotidien sans jamais appuyer sur l’injustice de la maladie, c’est en grande partie grâce à son actrice, Amy Grantham. En effet, pour son premier long-métrage, Matt Creed s’est attelé à l’écriture du scénario avec cette dernière car elle-même a vécue cette situation, et il est donc logique que ce soit elle qui en interprète le rôle principal. Entre les derniers rendez-vous chez les médecins afin que toute éventualité d’un réminiscence de la maladie survienne, Lily observe le monde qui l’entoure, tout en étant observée mais jamais jugée par la caméra. Finalement, le film ne s’intéresse pas tant que cela à ce cancer, mais plutôt à la façon dont le personnage va retrouver une vie normale, comme avant. Cette distance qui est toujours gardée avec la frontalité touche presque à l’exercice de style pour un jeune réalisateur voulant livrer une oeuvre singulière, et le résultat, à défaut d’être tout le temps passionnant et passionné, s’avère un minimum attachant de part son intimité préservée.

Lily 1

Il y a dans Lily plusieurs petits détails qui peuvent paraître anodins mais qui finalement contribuent à rendre le personnage crédible et allant dans un même système de pensée. Par exemple, elle ne cherche pas à exposer a toutes ses connaissances le fait d’avoir vaincu son cancer, bien au contraire. Dans un élan inné de modestie quotidienne, elle sait garder pour elle des choses qui pourraient créer de l’empathie chez les autres, soit par gène d’en parler, comme avec ses amis, soit par des antécédents familiaux qui font barrage à toute communication, comme avec son père, qui ne saura pas que sa fille a été malade.
Le réalisateur utilisant sa caméra comme un point de vue d’une neutralité totale, les champs de l’interprétation et du jugement sont laissés libres au spectateur. Ainsi, l’aspect purement contemplatif peut laisser totalement indifférent car c’est l’actrice qui ici dirige la caméra, et non l’inverse. Creed laisse complètement vivre ses personnages, à tel point que l’on pourrait comparer certains aspects de la vie de Lily à ceux de personnages issus des films de François Truffaut. Amatrice d’arts, elle cherche à y vouer sa vie mais peine à percer.
Lily dessine aussi un récit de maturité pour son personnage principal, qui va passer du renoncement à l’acceptation de son physique « transformé », et cela grâce au soutien de ses proches. La séquence était forcément obligatoire dans un film sur ce sujet, le passage est un peu facile mais il arrive à tenir la route sans tomber dans les clichés, toujours grâce au traitement léger et enlevé du cinéaste, qui filme une tranche de vie comme il tournerait un documentaire, plutôt que comme il met en scène des acteurs autour d’un thème bien écrit. Matt Creed utilise d’ailleurs le terme de vulnérable pour désigner le personnage. En effet, le film commençant à la fin de son traitement, l’on ne peut pas spécialement affirmer que Lily soit ou pas une battante dans l’âme, mais sa personnalité repose sur une dualité plutôt naïve mais pourtant assez fouillée pour qu’elle retienne l’attention.
D’un côté, l’héroïne pense retrouver sa vie d’avant comme si de rien n’était, sans nouvelle étape à reconquérir ou d’anciennes connaissances à recontacter. Cette Lily là est douce, souriante, joyeuse et pleine d’entrain, prête à découvrir de nouvelles choses et à croquer la vie à pleine dents comme si elle vivait une renaissance. Elle n’a (presque) pas honte de se mettre à apprendre les claquettes en pleine rue ou à faire un bruit infernal chez elle jusqu’à ce que les voisins interviennent, et ce penchant insouciant la rapproche parfois de personnages du burlesque, jusque dans les mimiques taillées dans sa bouille d’ange.
De l’autre côté, l’on fait face à une femme qui vient de sortir d’une période difficile aussi bien physiquement que moralement, et cela se lit aussi bien sur son visage souvent fatigué que lorsqu’on l’entend monter ses interminables escaliers avec peine. La crainte d’une rechute semble autant la contrarier que l’envie et l’angoisse de retisser des liens avec ceux qu’elle connaissait avant que son cancer ne la ronge.


Lily a beau être trop distant pour passionner, le film a au moins le mérite d’assumer sa singularité avec honnêteté du début à la fin. Ne tombant jamais dans le pathétique ou le mélodrame, Matt Creed fait de son premier long-métrage une chose touchante et agréable à vivre, comme si l’on vivait le quotidien de l’héroïne à ses côtés.


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    Rédacteur Ciné

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