?xml version="1.0" encoding="UTF-8"?> PixAgain » A LA UNE http://pixagain.org Critiques, Tests, Avis, Dossiers, Previews... Mon, 18 Nov 2013 23:50:41 +0000 fr-FR hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.7.1 Paris International Fantastic Film Festival : Programme /paris-international-fantastic-film-festival-programme-2/ /paris-international-fantastic-film-festival-programme-2/#comments Mon, 18 Nov 2013 23:49:06 +0000 /?p=8773 pifff_hdDepuis la création de PixAgain, fin novembre correspond d’une part plus ou moins à notre anniversaire, mais surtout au Paris International Fantastic Festival. Coup d’envoi pour certains, ou conclusion d’une année pour d’autres, le PIFFF nous offre l’occasion de nous détendre plus simplement autour d’une sélection toujours bien étrange et variée. Cette fois-ci, le festival se condense sur 6 jours contre 11 pour l’année passée et pourtant la sélection, organisée de manière plus cohérente (séances en journée), nous propose pratiquement une vingtaine de films. Bien évidemment, il faut ajouter à cela la fameuse Nuit, cette année dédiée à Stephen King. Toujours au Gaumont Opéra, mais sans jury cette fois-ci pour la compétition internationale, c’est le public qui est désormais entièrement à l’honneur.

Pour cette troisième édition, c’est Alex de la Iglesia qui s’offre l’ouverture avec son dernier film : Les Sorcières de Zugarramurdi – que malheureusement nous ne pourrons pas voir, les hostilités commençant pour nous Jeudi midi – en sa présence. En clôture, Wolf Creek 2 de Greg McLean viendra finir en beauté (ou re-dite de la catastrophe Silent Hill 2 ?), avec son côté indé et saignant, la programmation.

Cette année, le festival s’offre un casting assez bluffant en comparaison aux autres années. Si Peter Jackson, Dario Argento ou Tsui Hark nous avaient donné rendez-vous lors de la précédente édition, les nouveaux invités n’ont rien à leur envier. Côté classiques : Re-Animator, Seconds (L’Opération Diabolique), Perfect Blue et The Wicker Man sont là pour nous titiller là où il faut bien. Côté compétition, beaucoup ont déjà fait leurs preuves à travers d’autres festivals, notamment The Battery de Jeremy Gardner. Pour les non-anglophones, c’est aussi l’occasion de découvrir Byzantium de Neil Jordan. Après le TIFFF, le film s’offre une occasion de convaincre son public et d’espérer décrocher une date de sortie française. Bien évidemment, le PIFFF ne serait pas ce fantastique festival sans son petit film bien bis. Le grand représentant du genre se nomme ici HK – Forbidden Super Hero, ou l’histoire du super-héros aux goûts plus que douteux. La nuit nous donnera elle l’occasion de s’attarder sur le nouveau remake (dispensable ?) de Carrie. Suivrons : Christine de John Carpenter, Creepshow de George Romero et enfin Simetierre de Mary Lambert.

Bande-Annonce


Programmation

affiche19 Novembre 20h30
Après le casse d’une bijouterie madrilène, trois braqueurs en fuite se réfugient à Zugarramurdi, petit village basque dont la réputation maléfique tient à la présence massive de sorcières

affiche-124 Novembre 19h30
Deux routards décident de partir dans l’outback australien et tombent sur le plus dangereux prédateur du coin : le psychopathe Mick Taylor.
 

En Compétition

affiche-220 Novembre 14h00
Ermite fasciné par la mort depuis son enfance, Ian accompagne les êtres brisés jusqu’à leur suicide. Et au-delà…

affiche-320 Novembre 19h30
Deux joueurs de baseball aux caractères opposés apprennent à (sur)vivre ensemble dans un monde dévasté et dominé par des « infectés ».
affiche-421 Novembre 14h00
Un jeune garçon lunaire partage ses états d’âme avec un ours en peluche doué de parole. Son quotidien va basculer avec l’arrivée dans son école d’un élève mystérieux.

affiche-521 Novembre 19h30
Une lycéenne rejoint l’équipe de pom-pom girls et part bientôt dans une croisade violente et surnaturelle contre les garçons de l’équipe de football…
kinopoisk.ru22 Novembre 14h00
Employé sans histoires dans un diner californien, Odd Thomas mène un combat contre les forces de l’Au-delà, qu’il côtoie au quotidien…
affiche-722 Novembre 19h30
Une jeune mangaka est plongée dans le coma suite à une tentative de suicide. Son compagnon la rejoint dans son subconscient grâce à un programme expérimental développé par un neurologue.

affiche-823 Novembre 14h00
Une femme aux mœurs dissolues disparaît. Son mari mène l’enquête et glisse dans un cauchemar sans limite.
affiche-923 Novembre 19h30
Deux amis fauchés sont alpagués par un mystérieux couple afin d’animer une soirée dont l’issue se révèlera sanglante.
 

La Séance Culte

affiche-1020 Novembre 16h30
Étudiant en médecine brillant mais rebelle, Herbert West expérimente une méthode très spéciale pour ranimer les morts…
affiche-1121 Novembre 16h30
Un banquier quinquagénaire répond au coup d’un fil d’un vieil ami qu’il croyait mort et qui lui évoque la possibilité de « disparaître »…
affiche-1222 Novembre 16h30
Une chanteuse de J-Pop décide d’embrasser une carrière d’actrice créant ainsi la polémique auprès de ses fans. Dont un particulièrement pervers…

affiche-1324 Novembre 16h30
Un inspecteur de police part sur une île au large de l’Écosse afin d’enquêter sur la disparition d’une jeune fille. Sur place, il fait la rencontre d’un gourou illuminé et de ses adeptes.
     
   

Hors Compétition

affiche-1920 Novembre 22h00
Le mythique Festival International du Film Fantastique d’Avoriaz vu et revu par ses principaux instigateurs.
affiche-1821 Novembre 22h00
Deux vampires prétendues sœurs s’installent dans un hôtel abandonné d’une petite ville côtière. Chasseuses et chassées, les deux femmes tentent de préserver leurs secrets…

Nuit & Séance Interdite

affiche-1423 Novembre 22h00
Adolescente renfermée élevée par une mère bigote, Carrie White subit les railleries de ses camarades d’école. Douée de pouvoirs télékinésiques, la jeune fille va prendre sa revanche.
affiche-15Souffre-douleur de son lycée, Arnie Cunningham fait l’acquisition d’une vieille Plymouth Fury rouge qu’il nomme « Christine » et pour laquelle il se prend d’une affection malsaine.
affiche-16Un jeune garçon voit jeter aux ordures par son père sa bande dessinée d’horreur préférée dont les cinq histoires finissent par prendre vie.

affiche-17Un couple avec enfant s’installe à la campagne dans une maison proche d’un cimetière animalier. Un drame atroce et une découverte macabre vont alors faire voler en éclats leur quotidien.
affiche-2022 Novembre 22h00
Un étudiant introverti se découvre des super-pouvoirs après avoir « accidentellement » enfilé une petite culotte sur la tête.
 

 

 

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Critique : Gravity (Alfonso Cuaron) /critique-gravity-alfonso-cuaron/ /critique-gravity-alfonso-cuaron/#comments Sun, 17 Nov 2013 15:50:41 +0000 /?p=8751
Alexis G.
Samuel H.
Ghislain B.
5.0Note Finale
Note des lecteurs: (0 Votes)

Fiche Technique
Titre Français : Gravity
Titre Original : Gravity
Réalisateur : Alfonso Cuarón
Acteurs Principaux : Sandra Bullock, George Clooney, Ed Harris
Scénario : Jonás Cuarón & Alfonso Cuarón
Photographie : Emmanuel Lubezki
Compositeur : Steven Price
Durée : 1h30min
Sortie en Salles : 23 octobre 2013





Résumé

Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky qui effectue son dernier vol avant de prendre sa retraite. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d’autant plus qu’à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d’oxygène qu’il leur reste. Mais c’est peut-être en s’enfonçant plus loin encore dans l’immensité terrifiante de l’espace qu’ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre…

Critique

Gravity AfficheAprès Les Fils de l’homme, film aussi bien abouti techniquement qu’exemplaire dans son traitement humble du dernier espoir humain, Alfonso Cuarón prouvait qu’il était bien plus qu’un quelconque « yes-man » ayant participé à la conception du personnage d’Harry Potter sur grand écran. Il aura fallu sept longues années pour que le nouveau film du réalisateur mexicain fasse son chemin vers le grand écran. Repoussé à de maintes reprises, remanié, re-casté jusqu’à finalement aboutir à ce qui sera le premier et le dernier film d’Alfonso Cuarón sur le terrain du vide galactique. Incroyable oeuvre technique, le film se heurte une nouvelle fois aux mêmes détracteurs que Cloud Atlas, ne voyant en Gravity qu’un unique plan-séquence et ainsi une prouesse technique effaçant toute émotion ou enjeu dramatique — élément par ailleurs faux, le film ne comportant à proprement parler aucun plan-séquence, uniquement de longs plans, devenant la norme même du récit. Néanmoins, il paraît rapidement évident au vu des désirs du film à développer non pas seulement l’histoire d’un homme, mais celle de l’humanité que Gravity est l’un des films majeurs de notre année. C’est une œuvre somme, nous touchant au plus profond de nous-même, dépassant ainsi l’univers de Ryan Stone (Sandra Bullock) et Matt Kowalski (George Clooney) pour faire du spectateur un véritable témoin les accompagnant. Alors que l’équipe s’attarde sur la réparation d’une partie de leur matériel au cours d’une sortie dans l’espace, Houston leur annonce qu’un satellite a été détruit. Dès lors, ce qui est pour nous le symbole de la vie sur terre, la gravité, condamne l’équipe à subir le raid sauvage de ces débris en orbite, forces accrues par les implacables lois physiques au fur et à mesure qu’ils se font de plus en plus nombreux. Ce sentiment d’impuissance, laissé à nos personnages, se caractérise ainsi par la réduction de l’immensité spatiale à une simple force, et ce, dès l’ouverture du film.

Gravity 1

Cette force, nous la connaissons tous, c’est celle qui fait de nous ce que nous sommes, en faisant alors d’un principe immuable et logique le vecteur même de l’action, le spectateur n’a pas d’autre choix que d’être plongé corps et âme dans cette épopée. Entre terreur et anxiété, nous sommes amené à littéralement étouffer face au torrent d’émotions qui s’abat sur nous. Jouant avec notre espoir, nos instincts primaires humains et universels, Alfonso Cuarón nous fait sentir toutes les émotions dont le docteur Ryan Stone et Matt Kowalski doivent s’émanciper pour survivre. Cette carence naturelle nous touche d’autant plus que la peur dont sont victimes nos deux protagonistes principaux est naturelle, primaire : la peur du vide et de tout ce qu’il implique. Pour cela, Alfonso Cuarón nous soustrait tour à tour chacun de nos sens, chacun de nos repères, d’abord le son, puis la vue, et enfin le temps. Mais là où Gravity propose une logique originale de chacune de ces étapes, c’est dans sa manière de les soustraire par le contraire. Le son n’est pas inexistant, au contraire, il est violent, omniprésent, la question du temps est un facteur crucial, et pourtant l’on se prend à l’oublier. Car dans la poésie de chaque instant l’on s’étonne de ne plus penser à ce sentiment de survie qui nous animait quelques minutes auparavant, mais à admirer les étoiles, l’immensité de ce que peut représenter la vie.
Alors que le générique nous décrit un court état des lieux, que les textes s’enchaînent timidement, qu’ils nous rappellent que dans l’espace, le silence est roi, vient soudainement détonner une incroyable nappe sonore, d’abord déconcertante puis rapidement oppressante. Ce désordre sonore, symbole de mort et de peur sera notre seul repère. Par le biais de cet univers sonore envahissant, Cuarón offre au silence un leitmotiv inexorablement brisé et mis à mal par le son. Ainsi, les blancs sonores, qui par un souci de réalisme auraient pu empêcher toute existence de bande-son, deviennent épars, mais surtout artifices nécessaires afin de souligner les instants cruciaux. Le silence devient instant de paix pour le spectateur, microcosme où la vie peut se reconstruire étape par étape. Ce travail du son continuel, selon les règles de la perception humaine, presque palpable par la force de ses vibrations, legs à de courts battements de cœur ou des souffles le lourd fardeau d’être témoins et preuves de la vie. Transmis pas la radio, ces sons sont néanmoins rapidement aseptisés de tout timbre humain caractéristique, nous éloignant juste assez des personnages pour nous positionner en temps que spectateur intrinsèque au récit. Ce sont ces mêmes sons qu’attendent désespérément Kowalski ou Stone, nous spectateurs, partageons alors cette même angoisse au sein de ce vide illusion d’une cécité indomptable. Cuarón a fini par nous convaincre alors : la caméra, dans ses mouvements fluides, devient la combinaison du troisième personnage que nous enfilons avec autant de plaisir que d’effroi.
Ce travail sur le néant, Alfonso Cuarón en fera son cheval de bataille tout au long du film, aussi bien formellement qu’idéologiquement. Tout en parvenant à souligner l’immensité presque démoralisatrice de cet espace vide, Cuarón l’isole pour lui donner un aspect presque matériel, signifiant soudainement une nouvelle échelle de l’espace et du temps. Ce néant est aussi la première étape de la réincarnation prônée par le réalisateur tout au long de son récit avant de se finir dans un dernier plan aussi beau que fort en symboles – le format lui même s’opposant à la totalité du film : le 70 mm contre le numérique. Du néant naît quelque chose, le plus petit des objets y prend une importance astronomique. Car ici c’est littéralement le microscopique qui est mis en confrontation directe avec le gigantisme même de l’univers, habilement souligné par une représentation abstraite des distances et de leur tendance à se métamorphoser selon le contexte où elles sont normées. Ainsi, à première vue, lorsque le film s’ouvre sur la Terre et qu’un cosmonaute entre dans le champ, notre seul point de repère sera ce petit point blanc, accompagné par la voix d’Ed Harris.

Gravity 2

La musique de Steven Price pourrait paraître de prime abord comme un bruit sonore environnant et surtout trop envahissant par rapport à l’aspect léché et sans fêlures de l’image, et pourtant, l’on pourra saluer un choix exigent de cette nappe sonore. En faisant de cette musique omniprésente une musique presque organique, une véritable tension se met en place. Entre poésie et cauchemar, de vraies subtilités parviennent à notre oreille. Opéra sans limites, aux mouvements bien distincts, et aux scènes clairement découpées, chaque instant où elle se met en place, une nouvelle étape du voyage vers la survie du Dr. Ryan est esquissée. Mais s’il est évident que la bande-son s’avère être un outil indispensable dans cet espace insonorisé, elle permet aussi paradoxalement de nous faire apprécier le silence. Lorsque la radio se coupe, précédé d’abord par l’osmose sonore de l’intégralité des radios, que tous les sons du monde se retrouvent concentrés l’espace d’un instant en un point unique, auquel ont accès Clooney, Bullock et par incidence le spectateur, ce n’est pas à la formation de la tour de Babel que nous avons le droit, mais bien à un bruit pur, violent, dont l’on veut se détacher au plus vite. Pourtant jamais il n’est question dans Gravity de dresser une véritable séparation entre l’espace diégétique et extra-diégétique sonore. Ainsi, lorsque que la musique s’élance, que Bullock tournoie dans le vide, cet outil propre d’un espace externe au film tournoie avec elle, le son se déplaçant aussi anarchiquement que lui permet ce calvaire interminable.
L’on remarque ainsi cette idée que se fait Cuarón, qu’une musique, même extra-diégétique, est l’une des strates indispensables à la conception de notre perception. Cet aspect, achevant de nous immerger dans le récit, nous rappelle aussi que nos sens n’ont plus le loisir de leurs fonctions. Nous tournoyions aussi désespérément que Ryan Stone, perdus et désemparés face à un mouvement auquel nous n’avons aucune emprise. Nous devons réapprendre avec les différents protagonistes du récit à maîtriser notre corps. La résurrection humaine est alors transposée de la fiction à la technique, celle-ci se développant ainsi à chaque instant en filigrane de la réalisation, impliquant d’une manière sensorielle le spectateur. Néanmoins, il est triste de constater que cette musique, même si elle s’avère d’une efficacité fulgurante dans le récit, ne pourra pas survivre d’elle-même. Elle ne s’apparente pas à une partition comme le sont souvent les opéras galactiques, autonomes et intemporels tels qu’a pu les composer Jerry Goldsmith, et ce, même si celle-ci dégage au cours de nombreuses scènes des fulgurances appelant une nostalgie cinématographique fascinante.
Cette nostalgie du cinéma, se sent évidemment aussi dans l’intégralité de Gravity. Il n’est pas possible de parler de Gravity sans mentionner 2001 : L’Odyssée de l’Espace, et pourtant, ce n’est pas parce qu’il est ici nécessaire de le faire, que ce commentaire doit être un constat triste découlant d’une sensation de redondance comme l’imposait le très récent Oblivion. Gravity s’élance simplement sur des réflexions similaires à l’oeuvre de Kubrick, et ce d’une manière bien différente. Aucun jugement de valeur ici, les deux œuvres restants clairement à deux antipodes. Là où 2001 s’apparente à une réflexion abstraite d’une force démesurée, Gravity se permet une certaine transparence dans ses enjeux, non sans proposer des sous-textes que jamais le réalisateur ne cherche à trop appuyer. Jouant tous deux sur des artifices bien différents, l’on pourra néanmoins espérer de la part de Gravity un même héritage, c’est après tout dans le conflit que marquent les œuvres majeures.

Gravity 3

Car formellement Gravity instaure un nouveau palier dans l’exploration imaginaire de l’espace au cinéma. Si l’idée du huis-clos est omniprésent par principe dans tout space-opéra, Gravity décide de positionner son point de vue à l’extérieur d’un quelconque cocon métallique. Et pourtant, l’impression de murs invisibles se fait d’autant plus oppressante pour le spectateur, rien n’est réellement délimité dans l’espace, aucune lumière ne permet de s’orienter, chaque étoiles semble être la copie de la précédente. Exercice continuel du plan long, et non du plan séquence, Gravity évolue donc dans une logique presque théâtrale du huis-clos, où un duo se trouverait dans une pièce aux contours infinis prêt à se perdre comme à se retrouver à chaque instant. Pourquoi ne pas laisser aller notre fantasme du plan-séquence ? Et bien parce qu’il est objectif d’admettre que le film dans sa totalité ne représente en réalité qu’une poignée de séquences, si ce n’est même un couple de séquences. À la manière d’un Welles, d’un De Palma ou Hitchcock, Alfonso Cuarón nous fait oublier toute tangibilité temporelle en la déconstruisant à chaque étape de son film. Ainsi, ce qui aurait pu apparaitre comme un véritable gadget de cinéphile, devient un outil narratif hors pair.
En l’espace d’un unique plan d’une vingtaine de minutes, le réalisateur mexicain et le coscénariste Jonas Cuarón (son fils) parviennent à développer tous les enjeux scénaristiques du film. Plus que des sueurs froides, c’est une véritable sensation de vertige sécante à la mort s’abattant sur les astronautes qui prend forme. D’une certaine manière tout Gravity s’approche du travail effectué sur l’introduction de La Soif du Mal. Il faudra attendre les dernières minutes du film pour que la caméra virtuose se décide enfin à changer de rythme et à incarner un véritable mouvement contradictoire à celle imposé durant les 90 minutes précédentes. À la manière de son travail sur l’espace sonore, Cuarón et Emmanuel Lubezki – génial compositeur de l’image à qui l’on doit notamment la photo des trois derniers films de Terrence Malick et de la quasi-totalité de la filmographie d’Alfonso Cuarón réalisent le même travail de dissection sur l’image. En aseptisant tout un mouvement de caméra, celui-ci, même expérimenté et complexe, devient alors un lien inviolable avec le spectateur, et ce qui devient la norme donnera du sens au reste.
Emmanuel Lubezki réalise un travail de lumière impressionnant en parallèle des contraintes données par la méthode de tournage. Là où il n’existe pourtant qu’une lumière frontale, celle du soleil, il découpe un véritable jeu de silhouettes, dégageant de l’obscurité avec précision chaque corps. Une poésie de l’image se met alors en place, ce spot unique, source de toutes les lumières – et de la vie, permet un jeu de lumières presque organique, où le blanc chirurgical des machines, des combinaisons, s’efface de plus en plus, éclairé par cette source de vie naturelle comme par respect et peur de s’exprimer. Ainsi cette lumière unique permet l’espace d’un plan de retravailler et de clarifier la relation noueuse entre l’image et la fiction, l’espace de quelques minutes, Ryan Stone en position foetale, reliée par un cordon duquel sort un flux de lumière presque aveuglant, devient l’humain renaissant.

Gravity 4

C’est dans ce style d’images que Gravity confirme son autre force, celle de s’avérer parfaitement limpide et sans concession quant à ses symboliques et ses métaphores. Sans être insistante, sans chercher à brouiller le spectateur par des métaphores alambiquées, la fiction permet ainsi une réflexion cohérente et forte ; cette image du cordon ombilical se retrouve ainsi dans toute la première moitié du film, reliant avec fragilité les deux dernières âmes voguant dans le néant. Gravity nous amène à oublier quelconque considération mystique pour se considérer sur l’humanisme de l’instant présent. La lumière comme source de vie devient le halo de l’ange gardien du Dr Ryan Stone prenant forme l’espace d’un instant avant de revenir concrètement plus tard. Ce souci du détail permet à Gravity de ne jamais accuser une quelconque baisse de rythme et de crédibilité. Loin de l’aspect visuel d’un documentaire, disons estampillé Discovery, Cuarón développe une imagerie forcément trompeuse, surréaliste, mais pourtant non sans une finesse omniprésente. A travers un simple reflet dans un casque, l’on nous renvoie respectivement un esprit terrifié à l’idée de perdre tout contact visuel, puis la beauté de l’espace. Car avant tout, il ne faut pas oublier que Gravity reste un huis clos à une échelle cosmique. Au-delà de cette poésie se trouve un cauchemar aussi noir que le néant dans lequel voguent ses victimes. Et pourtant, il n’est jamais réellement question d’une véritable peur sidérale du vide, et de ce qui peut naitre de celui-ci. Ainsi, même si la menace est clairement représentée par ce flux incessant de débris, la peur, la plus humaine, se développe autour de l’insignifiant. Quelques centimètres à cette échelle deviennent des kilomètres, car dans cet espace sans gravité, louper une accroche peut être synonyme de mort immédiate. Mais en revanche, lorsque notre destin repose directement entre nos mains, c’est à cet instant que le libre arbitre laisse à l’instinct de survie le contrôle total de nos sens.
Ainsi Gravity réussi le pari risqué de nous plonger directement à travers l’un des protagonistes, voir même à faire de nous un protagoniste concret de ce récit cauchemardesque. Alors que Ryan Stone tournoie seule dans l’espace, nous nous confondons avec elle, nous nous dirigeons dans son casque, voyons sa propre vision de ce miasme de terreur dans lequel elle se fond peu à peu. Choisir de tourner certains plans en point de vue subjectif permet d’accentuer cet effet, créant par la même occasion une sensation de perte de soi aliénante et dont il s’avérera ensuite impossible de se débarrasser. Le format cinémascope est lui aussi crucial lorsque l’on nourrit de telles ambitions d’espaces. Quoi de mieux que ce format pour ouvrir notre vision sur l’immensité de cet espace tout en le comprimant dans l’enceinte d’un casque ? Le hors-champ se voit alors proposé de la même manière une place indispensable, continuité de ce casque dont nous ne pouvons nous débarrasser et le reflet, qu’il vienne d’un miroir ou d’un autre casque, devient source d’espoir. Comment ne pas se mettre à la place des protagonistes dont l’on ne fait pas que suivre, mais bien vivre, l’expérience interminable ?
Et pourtant, il s’agissait bien du seul point effrayant de Gravity, son casting remanié à de trop nombreuses reprises. Le duo George Clooney & Sandra Bullock n’avait franchement rien de réjouissant, entre le sourire estampillé Nespresso et une actrice en chute libre, rien de bien rassurant. Et pourtant, le doute est rapidement effacé, et étonnamment c’est de Sandra Bullock que nous vient la plus belle surprise; fatiguée, creusée, voilà comment nous apparait l’actrice lors des premiers plans où celle-ci se dévoile. En jouant de finesse à travers un regard perçant, elle parvient rapidement à briser le 4ème mur pour nous inviter directement au milieu de cette expérience. Puis lorsqu’enfin elle se dévoile, celle-ci fait preuve d’une humanité touchante et incroyable, accroché à la vie par de petites choses insignifiantes. Les forces de l’univers sont alors vaincues, face à la microscopique force de l’humain.


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Interview : Fredrik Bond (Charlie Countryman) /interview-fredrik-bond-charlie-countryman/ /interview-fredrik-bond-charlie-countryman/#comments Wed, 02 Oct 2013 17:36:47 +0000 /?p=8745 Deauville, ce n’est pas que la plage, ses bimbos septuagénaires et ses villas monumentales, c’est aussi l’occasion de rencontrer de vrais artisans du cinéma, passé et futur. Parmi ceux-ci, il y avait Fredrik Bond, réalisateur de l’excellent Charlie Countryman (article à venir). Entre deux films, nous avons eu l’occasion de rencontrer le cinéaste au cours d’une interview sympathique et enrichissante. À travers toutes les questions posées, il nous partage entre autres sa vision du chemin que représente le monde de la publicité et du court-métrage au sein du cinéma contemporain.
(Excusez l’accent rouillé et les non-sens en anglais)



Un grand merci à Blanche Aurore Duault et MIAM pour nous avoir permis cette petite entrevue.

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Critique : Les Amants du Texas (David Lowery) /critique-les-amants-du-texas-david-lowery/ /critique-les-amants-du-texas-david-lowery/#comments Wed, 18 Sep 2013 20:15:04 +0000 /?p=8727 [one_third last="no"]Deauville[/one_third][two_third last="yes"]

FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE

Edition 2013

COMPETITION

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Il y a quelque chose d’assez fascinant qui tend à se dégager de cette nouvelle vague (si l’on peut nommer ainsi cette tendance récente) de jeunes réalisateurs américains indépendants. Outre le fait qu’ils se démarquent d’Hollywood par des productions indépendantes et souvent à petit budget, mais aussi par un passage apparemment baptistaire au festival de Sundance, ces cinéastes ont en commun une manière de filmer si particulière un pan plus ou moins profond du Sud des Etats-Unis d’Amérique. En effet, des réalisateurs comme Jeff Nichols, Benh Zeitlin, Andrew Dominik ou encore David Gordon-Green détiennent une vision âpre, violente et même parfois mélancolique des régions dans lesquelles ils tournent ; et, de l’humidité du bayou aux vastes champs texans à la chaleur pesante, ils parviennent tous sans exception non seulement à donner corps à ces décors déjà fabuleux naturellement, mais ils s’aventurent aussi à les ancrer dans leurs histoires de manière à ce que les environnements deviennent des personnages à part entière. Les films de ces cinéastes dégagent ainsi une puissance souvent enfouie, qui explose parfois, la nature reflétant les états d’âme des personnages. Et cela, David Lowery l’a très bien compris et mène avec Les Amants du Texas une œuvre héritière d’une certaine idée d’un cinéma américain à travers une superbe histoire d’amour assez étonnante dans son traitement par correspondances.

Les Amants du Texas - 1

Le film est assez surprenant dans la façon dont il va aborder le couple amoureux tout au long du récit. En effet, les premières minutes du film seront quasiment les seules où l’on verra Bob et Ruth ensemble à l’écran. Un braquage qui tourne mal va mettre fin à leur idylle : Bob est arrêté, Ruth laissée en liberté, mais elle est enceinte. Cette dernière le lui souffle, et il jurera de s’évader pour rejoindre cette famille en construction. C’est cette promesse d’un futur qu’ils passeront tous ensemble qui va motiver le pouls du film. Le temps passe, Ruth accouche, seule, Bob l’apprend en prison. Lowery prend le parti de garder le point de vue de Ruth : en se dégageant du mari, il délaisse ce qui aurait pu être un récit à suspense par un tempo tout autre, lent et pesant, mais toujours plein d’espoir. En voyant Ruth élever son enfant seule, l’on comprend le thème du film : Les Amants du Texas est finalement l’histoire d’une attente, celle d’une femme aimante, peu importe que son mari soit un truand, elle sait que sa promesse de revenir les chercher et de s’enfuir vers un avenir meilleur que leur passé déjà vécu n’est pas une parole en l’air.
Cet amour qui était évident lorsque le couple était uni physiquement va désormais devoir se faire ressentir par interpositions. La passion dans chacun des personnages est présente par l’absence de l’autre, et David Lowery a compris que cette séparation forcée par la loi va aboutir à un travail sur l’ambiance et l’atmosphère qui devront régner autour de la maison de Ruth, qui s’impose comme sa prison à elle.

Les Amants du Texas - 2

Le réalisateur, avec l’aide de son directeur de la photographie Bradford Young (qui signe ici un travail des lumières tout bonnement stupéfiant de naturel), joue donc avec la richesse sans fin des décors texans pour créer un climat propice à un ton brûlant, languissant. Ainsi, même si le film lui est propre, il y a des échos criants (volontaires ou non, l’on ne cherchera pas à savoir si ces influences le sont vraiment ou si elles ne sont pas préméditées), d’une part au travail des réalisateurs cités en début d’article, et d’autre part à la filmographie de Terrence Malick, et plus particulièrement à La Balade Sauvage et aux Moissons du Ciel. Le soleil est pesant, le visage impassible de la si belle Rooney Mara laisse deviner une chaleur difficilement supportable qui viendrait s’ajouter à son embarras préexistant. Cette région isolée abrite un microcosme de personnages dont le centre d’attention va vite devenir Ruth, mais aussi Bob dont on commence à se douter de la volonté de s’échapper de prison. Le shérif –celui qui a été blessé par Bob lors du braquage et qui lui a valu la prison- cherche d’ailleurs à attendrir Ruth pour se l’accaparer, faisant douter cette dernière. Car l’attente devient longue, pénible, d’un côté comme de l’autre. Lui veut fonder sa famille loin de son passé, elle a peur de mêler leur fille à une histoire de banditisme qui les suivra à vie.
Si la chose la plus importante rattachant Bob à la vie est de retrouver sa famille, l’histoire du couple s’écrit à travers des lettres qu’ils s’envoient, et dont la voix-off (encore un lointain écho à Terrence Malick) se fait porteuse. Ce sont ces correspondances qui rythment le récit, porteuses des nouvelles de l’être aimé et rendant l’attente encore plus insoutenable. David Lowery joue ainsi tout du long sur la notion du temps qui passe
En ne les ayant montré ensemble que lors de l’ouverture du film, le réalisateur a pris le risque de faire vivre la romance par interpositions, et c’est probablement la direction d’acteurs qui lui a donné ce souffle lyrique si éblouissant. Ce rythme à la fois paisible et troublé, bien que ponctué par quelques événements qui viennent ajouter de l’intensité au récit, est entièrement porté d’une part par Rooney Mara, impassible, qui tout en retenue va faire ressentir cette attente entre l’éducation de sa fille et les moments d’angoisse quant à la situation de son mari ; et d’autre part par un Casey Affleck majestueux, apportant au film toute la fièvre et l’agitation qui viennent précipiter les événements. Rien que dans l’intonation de sa voix, rocailleuse, presque cassée, toute sa personnalité ressort : c’est un personnage cassé par la vie, fatigué de jouer avec la mort, et malgré tout fou amoureux et déterminé à retrouver sa famille. Son absence lui pèse autant qu’à sa femme, c’est lui qui se fait du mal, malgré lui, et qui fait souffrir Ruth, mais elle ne peut pas lui en vouloir. Finalement, même si c’est lui que l’on voit le moins, Les Amants du Texas est mû par des charismes aussi puissants que discrets, aussi beaux que dramatiques.


Bien plus qu’un énième film de southern gothic, Les Amants du Texas joue sur l’ambiance si particulière et propice au drame amoureux de cette région des Etats-Unis. Lowery, probablement conscient de l’exploitation passée des terres sur lesquelles il s’engage, s’impose néanmoins comme un nouvel auteur fiévreux qui, espérons-le, n’a pas fini de se servir de la richesse des décors pour servir au mieux de nouvelles histoires.


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    Festival du Cinema Americain de Deauville : Palmares /festival-du-cinema-americain-de-deauville-palmares/ /festival-du-cinema-americain-de-deauville-palmares/#comments Sat, 07 Sep 2013 21:00:50 +0000 /?p=8711 Sur les 14 films en compétition présentés cette année à Deauville, plus de la moitié ne sont que des premiers ou deuxièmes long-métrages. Cette volonté de mettre sur le devant de la scène des réalisateurs en devenir est bien évidemment louable, mais le résultat n’en a pas toujours été à la hauteur de ce que la jeunesse peut laisser espérer en termes d’originalité. En effet, peu de films ont su se démarquer, l’on retiendra surtout All is Lost, Les Amants du Texas et dans une moindre mesure, The Retrieval et Fruitvale Station. Néanmoins, l’on remarquera l’effort de réunir dans une même catégorie des oeuvres partageant des thèmes et des traitements finalement assez proches. Ainsi, beaucoup de personnages cherchent à se projeter dans un avenir meilleur que le présent dans lequel ils vivent, parfois morne, parfois précaire, voire dangereux. De plus, que les histoires prennent place dans une grande ville cosmopolite contemporaine ou pendant la guerre de Sécession, il y a cette volonté qui ressort de dessiner des portraits de personnages renfermés, ayant parfois du mal à communiquer avec le monde extérieur, ou qui ne se sentent tout simplement pas à leur place dans l’environnement dans lequel ils évoluent.
    Les traitements de ces différents récits sont souvent similaires : chercher à observer un quotidien plutôt que de vouloir créer une frontalité, les dialogues sont pesés, le silence a une grande importance dans les sentiments des personnages.
    La finalité des oeuvres n’est pas toujours du niveau qu’il aurait pu être, cela pourrait facilement être mis sur le dos de l’inexpérience, mais il s’agirait plutôt d’auteurs cherchant à se démarquer des productions actuelles par une patte assez minimaliste mais pas toujours aboutie. En résultent des films pas tout le temps réussis, mais qui ont au moins le mérite de tenter des choses intéressantes, tant dans le fond que sur la forme, quitte à tomber parfois dans la facilité.
    Les jurys ont donc dû rendre un palmarès à la hauteur des oeuvres présentées, c’est-à-dire intéressant mais pas transcendant, plutôt facile mais avec une envie de proposer quelque chose de différent et d’honnête.

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    • Grand Prix : Night Moves (Kelly Reichardt)
    • Prix du Jury ex-aequo : All is Lost (J.C. Chandor) et Stand Clear of the Closing Doors (Sam Fleischner)
    • Prix de la Révélation Cartier : Fruitvale Station (Ryan Coogler)
    • Prix de la Critique Internationale : The Retrieval (Chris Eska)
    • Prix du Public de la Ville de Deauville : Fruitvale Station (Ryan Coogler)
    • Prix Littéraire Lucien Barrière : Richard Ford pour son roman Canada
    • Prix Michel d’Ornant : Les Garçons et Guillaume, à table ! (Guillaume Galienne)

    Membres du Jury : Vincent Lindon, Lou Doillon, Jean Echenoz, Hélène Fillières, Xavier Giannoli, Famke Janssen, Pierre Lescure, Bruno Nuytten, Rebecca Zlotowski.
    Membres du Jury Révélation Cartier : Valérie Donzelli, Laurence Arné, Vincent Lacoste, Géraldine Maillet, Woodkid

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    Critique : La Venus a la Fourrure (Roman Polanski) /critique-la-venus-a-la-fourrure/ /critique-la-venus-a-la-fourrure/#comments Fri, 05 Jul 2013 15:26:38 +0000 /?p=8459
    Alexis G.
    4.5Note Finale
    Note des lecteurs: (0 Votes)

    Fiche Technique
    Titre Français : La Vénus à la Fourrure
    Réalisateur : Roman Polanski
    Acteurs Principaux : Emmanuelle Seigner, Mathieu Amalric
    Scénario : Roman Polanski d’après l’oeuvre de David Ives
    Photographie : Pawel Edelman
    Compositeur : Alexandre Desplat
    Durée : 1h30
    Sortie en Salles : 13 novembre 2013


    Résumé

    Seul dans un théâtre parisien après une journée passée à auditionner des comédiennes pour la pièce qu’il s’apprête à mettre en scène, Thomas se lamente au téléphone sur la piètre performance des candidates. Pas une n’a l’envergure requise pour tenir le rôle principal et il se prépare à partir lorsque Vanda surgit, véritable tourbillon d’énergie aussi débridée que délurée. Vanda incarne tout ce que Thomas déteste. Elle est vulgaire, écervelée, et ne reculerait devant rien pour obtenir le rôle. Mais un peu contraint et forcé, Thomas la laisse tenter sa chance et c’est avec stupéfaction qu’il voit Vanda se métamorphoser. Non seulement elle s’est procuré des accessoires et des costumes, mais elle comprend parfaitement le personnage (dont elle porte par ailleurs le prénom) et connaît toutes les répliques par cœur. Alors que l’« audition » se prolonge et redouble d’intensité, l’attraction de Thomas se mue en obsession…

    Critique

    ParisCinemaFESTIVAL PARIS CINEMA

    Edition 2013

    FILM D’OUVERTURE

    La pluie s’abat tel le grand déluge sur la ville de Paris, l’oeuvre de Desplat s’élance, et nous nous plongeons dans cette salle obscure désoeuvrée et pittoresque où la passion joue avec ses acteurs. Après Carnage, La Vénus à la Fourrure est la seconde pièce qu’adapte Roman Polanski pour le cinéma. Présentée à Cannes cette année, la nouvelle oeuvre du cinéaste franco-polonais ne tourne elle qu’autour de deux personnages. Sorte de retour au sources de la théâtralité cinématographique, là où il avait développé dans son premier film un problème de psychologie humaine dans un huis-clos licencieux, ce dernier se débarrasse de toutes limites pour offrir cette fois-ci à son public un huis-clos passionné et romantique. La pièce éponyme mise en scène par Walter Bobbie s’inspire elle même du roman de Leopold von Sacher-Masoch sans traiter directement de son contenu, permettant ainsi de créer un jeu habile autour de la confusion des espaces et des réalités. À travers cette chasse constante à travers les âmes de ses personnages, Roman Polanski parvient, en remplaçant Nina Arianda par sa tendre Emmanuelle Seigner, à dépasser une nouvelle fois le simple exercice de style en créant une splendide et entraînante fascination autour du personnage de Vanda. Véritable lettre d’amour à sa bien-aimée, Emmanuelle Seigner devient très rapidement la Vénus de Botticelli sortant des eaux, prêtes à satisfaire la passion de son, ou de ses, metteurs en scène. À travers son huis clos, Roman Polanski dresse alors une impressionnante réflexion sur la spatialité de cette salle de théâtre lugubre et sur le microcosme qui s’y développe.

    VENUS A LA FOURRURE 1

    La peur de la redite était la seule crainte naissante autour de ce nouveau projet signé du maitre. Après Carnage, huis-clos habile et fortement théâtral, voir Polanski s’attaquer de nouveau à un huis-clos, et qui plus est, tout aussi théâtral, n’avait rien de réjouissant. Mais pourtant, une certaine curiosité naissait autour de cette histoire d’amour passionnelle et érotique; la présence de seulement deux acteurs à travers une unique pièce et non plus deux couples à travers un appartement démontrait finalement que le réalisateur était tout simplement une nouvelle fois prêt à aller plus loin dans sa réflexion sur le cinéma et ses origines. Ainsi, Roman Polanski parvient à créer une ambiance atypique et fascinante autour de ses deux seuls protagonistes. Sortes de peintures en mouvement, les personnages se confondent tout comme la réalité se fond dans l’imaginaire de Sacher-Masoch. Alors que Vanda s’approche de son rôle par sa simple détermination et son nom prédestiné, Thomas est lui lecteur forcé, presque impropre à la lecture de sa propre pièce. Mais tel un enfant découvrant le premier amour là où il ne l’attendait pas, Thomas transforme le dégout en une passion presque inconsciente. Renversant son rôle, le metteur en scène devient rapidement marionnette de sa propre actrice. Adroitement quand il est question pour Séverin, protagoniste principal du-dit roman, de changer de nom, de devenir le fantasme qu’il a toujours rêver, ce n’est pas à Grégoire qu’il laisse la place, mais à Thomas, le metteur en scène en lui-même. Une mise en abime se forme alors autour de la réalité. Nébuleuse elle se fond et glisse peu à peu dans la fantaisie de la pièce jouée sur scène. Ainsi, si le personnage incarné par Mathieu Amalric apparait évidemment comme un double masqué de Roman Polanski lui même, c’est autour d’Emmanuelle Seigner que se forme le vrai mystère. Vanda ou Vénus ? Telle celle qu’elle joue, elle parait énigmatique, indéfinie. Sa présence même semble être à remettre en question. Alors que la porte s’ouvre sur le théâtre, elle disparait, pour réapparaître soudainement telle la Vénus s’offrant à Séverin dans son rêve ouvrant la pièce. A la manière de la Vénus qu’elle décrit, prête à toquer à la porte de sa prochaine victime, elle joue avec le personnage incarné par Mathieu Amalric.

    VENUS A LA FOURRURE 2

    Ce denier ne parvient jamais à la toucher, tout du moins sous sa forme de metteur en scène, tant qu’il ne semble pas convaincu de son existence, dans un doute presque perpétuel, ce n’est que par la fourrure qu’il parvient à la toucher, à s’assurer de son existence. Et pourtant, l’écriture des personnages parait dans un premier temps étrange et grossière. Emmanuelle Seigner nous fait d’abord douter l’espace d’un instant quant à la crédibilité de son personnage. Violente dans son langage, pulpeuse dans son accoutrement, et surtout à l’extrême opposé de la finesse dont est dotée Vanda dans la pièce, elle parait plutôt comme un fier condensé de cliché préadolescent dont on aimerait taire l’existence. Et pourtant, tout comme elle étonnera Amalric, elle étonnera son public. Passant du coq à l’âne, un nouveau visage parmi mille se développe autour de son personnage au fur et à mesure que le récit avance à crescendo. Emmanuelle Seigner a l’expérience même de la théâtralité, elle a pu notamment l’échauffer à travers une pièce mise en scène par Roman Polanski lui-même en 2003, mais surtout à travers la pièce de Luc Bondy : Le Retour. Dans cette pièce atypique aux idées étranges, elle y joue un personnage similaire, d’abord dominé par la force de la famille dans laquelle elle s’immisce, pour ensuite devenir dans l’ombre, celle qui en tire les ficelles. Ses différents discours, tous ambigus, aucun avéré, alimentent cette vision d’un personnage flou, difficile à cerner, et surtout à croire. Utilisant à bon escient ces outils théâtraux, elle se cache et joue avec une finesse surprenante à travers un personnage pourtant si imprévisible. Celle qui n’était qu’une image physique de la Vénus de Milo ou de Vélasquez devient celle de Polanski, laissant tous les doutes du spectateur à la porte de ce théâtre dans lequel nous nous glissons avec curiosité. Elle devient alors un objet de fantasme à la fois physique et spirituel, à travers ce personnage chimérique. Mais tout du long de cette monté en crescendo presque illimité, presque littéraire, Roman Polanski n’oublie jamais de mettre en place un rythme suave et sensuel, de travailler sur sa mise en scène, et même de créer avec l’aide de son chef-opérateur Pawel Edelman une ambiance unique et atypique dans une salle pourtant si froide et terne.

    VENUS A LA FOURRURE 3

    Ainsi après cette montée sans faille, le film se finit dans une apothéose inattendue, sorte de fantasme inanimé d’un théâtre antique. Emmanuelle Seigner semble alors au cours de celle-ci passer de la figure de la Vénus à celle d’une bacchante amazone, laissant son rôle féminin à la pièce. Pièce dont le seul fragment restant sera Amalric, voué à un délire fusionnel avec sa propre pièce, et se cachant sous l’utilisation intelligente de règles théâtrales basiques. À travers cette découpe de l’évolution du personnage, Roman Polanski crée en parallèle une logique du cadre impressionnante. Alors que la pièce est unique, une multitude de pièces semblent prendre forme, laissant place à la scène, une chambre ou même une scène d’extérieur. Le réalisateur compose alors son espace et son rythme à l’aide de changements d’éclairage soudains, mais invisibles, ou par l’utilisation de l’entracte, sorte de valse de joie naissante entre les deux personnages. La musique d’Alexandre Desplat vient se glisser tel le cœur du récit. Arrivant doucement, ce n’est qu’à mi-parcourt de son morceau que l’on se rend compte de sa présence pourtant vitale dans ce lieu insonorisé où seul l’écho de l’âme se fait entendre. Illusion fantasmagorique où la chevauchée des Walkyries devient simple outil rythmique, où le seul gros plan est celui d’une fermeture éclair glissant doucement sur la peau nue du corps rêvé, elle devient un rêve érotique vécu. Mais La Vénus à la Fourrure se veut aussi comique. De la dualité de ses personnages naît une idée acerbe du personnage féminin et de la création narrative. Ainsi, le metteur en scène déchainé ne se retient plus lorsqu’il est question d’une réflexion critique de son œuvre, ou même de l’art en général. Aveux critiques, il devient lui-même comique tant l’on sait déceler chez l’œuvre de Polanski un malin plaisir à rendre comique les choses âpres de la vie. Pourtant, Vanda lui fera cette réflexion, simple et précise, sur sa voix la plus suave : « Vous avez vendu votre âme pour une allitération? ». Celui qui critique devient le critiqué, alors que la moindre réflexion métaphysique l’exaspère, lui est capable d’utiliser un simple terme sans se douter de la force de ce dernier. Agissant presque comme un enfant, lorsque son téléphone sonne, il hésite d’abord à décrocher, touché par la peur de voir cet être rêvé disparaitre, de voir ce nouveau jouet qui est le sien disparaitre telle une illusion.


    Roman Polanski se dévoile comme ce grand enfant, et nous explique ainsi, sous toutes les coutures, son amour presque démesuré et à jamais reconductible de cette femme qu’est Emmanuelle Seigner. À s’y méprendre, on en tomberait presque nous même amoureux.


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